La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2021 | FRANCE | N°21NC00578

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 novembre 2021, 21NC00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2006718 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 6 août 2020 et enjoint au préfet du H

aut-Rhin de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et fa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2006718 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 6 août 2020 et enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006718 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B....

Il soutient que :

- il était fondé, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 314-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à prendre une décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, dès lors que M. B..., qui était alors considéré comme évadé, faute d'avoir réintégré la maison d'arrêt de Mulhouse à l'issue d'une permission de sortie, ne justifie pas avoir été présent sur le territoire français pendant plus de trois ans, entre avril 2014 et janvier 2019 ;

- il n'a pas, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, d'autant moins que le comportement de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public ;

- il y a lieu d'écarter les autres moyens invoqués par M. B... dans son mémoire de première instance pour les mêmes motifs que ceux qu'il a exposés devant les premiers juges dans son mémoire en défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Roussel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 12 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est un ressortissant turc, né le 6 février 1980. Il a déclaré être entré en France en 1984 à l'âge de quatre ans. Devenu majeur, il a été mis en possession, en 1998, d'une carte de résident valable dix ans, qui a été renouvelée pour la même durée jusqu'en 2018. Ce titre étant arrivé à expiration le 5 février 2018, il en a sollicité le renouvellement le 22 octobre 2019, alors qu'il était incarcéré au centre de détention d'Oermingen (Bas-Rhin). Par un arrêté du 6 août 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement n° 2006718 du 29 janvier 2021, qui annule cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été successivement mis en cause, en premier lieu, pour enseignement onéreux sans autorisation de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur et de la sécurité routière, faits pour lesquels il a été condamné à une amende de 2 000 euros par le tribunal correctionnel de Colmar le 25 novembre 2005, en deuxième lieu, pour détention sans autorisation d'arme ou munition de première ou de quatrième catégorie, faits pour lesquels il a été condamné à une amende de 500 euros par le tribunal correctionnel de Mulhouse le 4 février 2009, en troisième lieu, pour exécution d'un travail dissimulé, escroquerie et exploitation d'une entreprise malgré une interdiction judiciaire, faits pour lesquels il a été condamné à huit mois de prison, dont quatre avec sursis, par le tribunal correctionnel de Mulhouse le 16 décembre 2010, en quatrième lieu, pour violence et outrage sur une personne dépositaire d'une mission de service public commis en réunion, acte d'intimidation, escroquerie et banqueroute, recel de bien provenant d'une banqueroute, altération frauduleuse de la vérité et tenue d'une comptabilité incomplète, faits pour lesquels il a été condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, par le tribunal correctionnel de Strasbourg le 4 octobre 2012, enfin, pour exécution d'un travail dissimulé et emploi d'un étranger sans autorisation de travail, faits pour lesquels il a été condamné à un an de prison par le tribunal correctionnel de Mulhouse le 18 septembre 2014. En outre, incarcéré à la maison d'arrêt de Mulhouse le 14 mai 2013 pour ne pas avoir respecté les conditions du placement sous surveillance électronique, dont il a bénéficié le 29 avril 2013, le requérant s'est évadé le 14 avril 2014 en ne réintégrant pas son lieu de détention à l'issue d'une permission de sortie. Toutefois, il n'est pas contesté que M. B... a été réincarcéré le 17 janvier 2019 après s'être présenté de lui-même au procureur de la République en vue de purger l'intégralité de sa peine d'emprisonnement. De même, mis à part son évasion, les faits ayant justifié les différentes condamnations pénales de l'intéressé sont anciens et, pris en

eux-mêmes, ne permettent pas de considérer que son comportement présentait une menace pour l'ordre public à la date de la décision en litige du 6 août 2020.

4. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France en 1984 à l'âge de quatre ans et qu'il y a passé l'essentiel de son existence. Il n'est pas établi que le requérant, à la suite de son évasion, aurait séjourné en Turquie, ni même, contrairement aux énonciations du jugement de la juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Mulhouse du 26 mai 2015, qu'il aurait quitté le territoire français. Il est constant que l'intéressé a conservé des liens étroits avec ses parents et ses trois frères, qui résident régulièrement en France et qui sont venus lui rendre visite en prison. S'il est vrai qu'il entretient des relations conflictuelles avec son ancienne compagne, dont il est séparé, qu'il a perdu contact avec ses trois enfants, nés les 27 juillet 2007, 8 février 2010 et 20 juin 2013, depuis son incarcération le 14 mai 2013, et que la juge aux affaires familiales, constatant qu'il était parti sans laisser d'adresse à la suite de son évasion, lui a retiré l'exercice de l'autorité parentale par un jugement du 3 décembre 2018, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... n'aurait pas satisfait à l'obligation alimentaire mise à sa charge par le jugement du 26 mai 2015 en s'abstenant de verser à son ancienne compagne la somme mensuelle de cinquante euros par enfant. De même, il n'est pas contesté que le requérant a entrepris, à compter du début de l'année 2019, de reprendre contact avec son fils et ses deux filles en sollicitant l'aide d'une association spécialisée dans la médiation familiale et en saisissant, le 12 juin 2020, la juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une demande tendant au rétablissement de son autorité parentale et à la reconnaissance à son profit d'un droit de visite et d'hébergement. Enfin, M. B..., qui a suivi une formation en prison, se prévaut d'une promesse d'embauche pour un emploi de cuisinier datée du 3 juin 2019. Par suite et alors d'ailleurs que, postérieurement à la décision en litige, la juge aux affaires familiales, dans un jugement du 18 décembre 2020, lui a reconnu un droit de visite de ses enfants dans un espace de rencontre médiatisé à raison de deux fois par mois pendant une période de huit mois, la décision en litige a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 6 août 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à solliciter le rejet de la demande présentée en première instance par M. B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 21NC00578 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00578
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-23;21nc00578 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award