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16/11/2021 | FRANCE | N°20NC03309

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 novembre 2021, 20NC03309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence Algérien portant la mention " commerçant ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001501 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 13 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Sgro, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence Algérien portant la mention " commerçant ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001501 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Sgro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du certificat de résidence algérien :

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien car l'activité de sa société est effective ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle porte une atteinte disproportionnée aux intérêts supérieurs de son enfant, tels que défendus par l'article 3-1 de la convention de New York ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est privée de base légale, la décision de refus de certificat de résidence algérien sur laquelle elle est fondée étant illégale ;

- elle a été prise par une autorité incompétente car le signataire ne justifie pas d'une délégation de signature du préfet ;

- elle méconnaît l'article 5 de la directive n°2008/115 du 16 décembre 2008 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte une atteinte disproportionnée aux intérêts supérieurs de son enfant, tels que défendus par l'article 3-1 de la convention de New York ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est privée de base légale, la décision de refus de certificat de résidence et l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle est fondée étant illégales ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte une atteinte disproportionnée aux intérêts supérieurs de son enfant, tels que défendus par l'article 3-1 de la convention de New York.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 17 juillet 1973, de nationalité algérienne, est entré en France le 28 juin 2016 en compagnie de son épouse et de leur fille mineure sous le couvert d'un permis de séjour illimité délivré par les autorités italiennes. Il a été mis en possession le 1er août 2017 d'un certificat de résidence algérien portant la mention " commerçant ", renouvelé le 5 mars 2019. Le 17 décembre 2019, il a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence. Par un arrêté du 3 juin 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé le renouvellement sollicité et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Italie ou de l'Algérie. M. A... relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". L'article 7 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord ;/ (...) c. Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".

3. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soient appliqués aux ressortissants algériens les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée. En revanche, cette circonstance fait obstacle à ce que la condition de la viabilité économique, celle des moyens d'existence suffisants, et celle de l'adéquation des compétences, qui ne sont pas prévues pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " et qui ne relèvent pas de textes de portée générale relatifs à l'exercice par toute personne d'une activité professionnelle, leur soient opposées.

4. L'autorité administrative, saisie par un ressortissant algérien d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, peut cependant, dans tous les cas, vérifier le caractère effectif de l'activité commerciale du demandeur et, dans le cas où ce caractère n'apparaît pas établi, refuser de l'admettre au séjour

5. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer le certificat de résidence sollicité par M. A... au motif que les revenus issus de son activité salariale remettaient en cause l'effectivité de son entreprise. Il a précisé d'une part que la microentreprise de maçonnerie " Edil A... ", créée le 16 janvier 2017, pour laquelle le requérant a été mis en possession d'un certificat de résidence, a généré un revenu mensuel de 343 euros en 2017, de 950 euros en 2018, et a cessé son activité le 31 juillet 2019, et d'autre part, il n'a produit aucun justificatif de revenus prévisionnels, ni de déclaration de chiffres d'affaires pour la nouvelle société " Edil Construction " créée le 1er août 2019 pour exercer la même activité de maçonnerie.

6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., au titre de l'année 2019, a déclaré avoir perçu un montant total de 27 870 euros de bénéfices industriels et commerciaux sous le régime de micro entrepreneur sur une période de sept mois et, en tant que dirigeant de la nouvelle société " Edil Construction ", un montant total de 6 750 euros sur une période de cinq mois. Il produit également la déclaration d'impôt sur les sociétés de la société " Edil Construction " faisant apparaître que la nouvelle société, sur les cinq premiers mois de son activité, a réalisé des ventes pour un montant de 21 076 euros, générant un bénéfice comptable de 2 050 euros. Il produit également les bulletins de paie de l'URSAFF faisant apparaitre un salaire de 1 800 euros en janvier 2020, de 1 200 euros en février 2020, de 1 507 euros en mars 2020, de 700 euros en avril 2020, de 1 450 euros en mai 2020 et de 805 euros en juin 2020. Enfin, il joint la copie du contrat de recrutement d'un nouveau salarié en mars 2020 pour une période de 6 mois. Par suite et au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... justifie du caractère effectif de son activité. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur d'appréciation en considérant que l'intéressé n'établissait pas le caractère effectif de son activité et a par conséquent méconnu les stipulations de l'article 7 c) de l'accord franco-algérien précité.

7. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision portant refus de renouvellement du certificat de résidence algérien doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède et que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux, l'exécution du présent arrêt implique, nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, la délivrance à l'intéressé d'un certificat de résidence algérien. Il y a lieu en conséquence d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... un tel titre portant la mention " entrepreneur / profession libérale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, immédiatement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance:

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001501 du 15 octobre 2020 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de Meurthe-et-Moselle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien portant la mention " entrepreneur / profession libérale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, immédiatement, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

5

N° 20NC03309


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SGRO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 16/11/2021
Date de l'import : 21/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC03309
Numéro NOR : CETATEXT000044339601 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-16;20nc03309 ?
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