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28/10/2021 | FRANCE | N°21NC01544

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 21NC01544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2007856 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, M. B..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2007856 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, M. B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

- la décision lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence au motif que sa conjointe est décédée est discriminatoire au regard des décisions qui seraient prises pour les ressortissants étrangers non algériens se trouvant dans la même situation et méconnaît par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées à celles de l'article 14 ;

- dès lors qu'il est constant que son titre de séjour aurait été renouvelé s'il avait été ressortissant d'un autre pays que l'Algérie, la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de la décision portant refus de séjour entraîne par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision portant fixation du pays d'éloignement :

- l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraîne par voie de conséquence l'annulation de la décision fixant le pays d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A... B..., ressortissant algérien, a déclaré être entré en France en août 2010. Par un arrêté du 16 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français. Le 11 avril 2019, il s'est marié en Algérie avec une ressortissante française. M. B... a ainsi obtenu la délivrance d'un visa court séjour " famille de français " et est à nouveau entré sur le territoire français le 22 juillet 2019 pour y rejoindre son épouse. Il a bénéficié d'un certificat de résidence d'un an valable du 10 octobre 2019 au 9 octobre 2020. Le 4 septembre 2020, le requérant a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence. Par un arrêté du 13 novembre 2020, la préfète du Bas-Rhin lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit, sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales, l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers en France ainsi que l'exercice du droit d'asile." L'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France. Il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ainsi que de leur renouvellement, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité.

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) ;2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...)/Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. "

4. Il ressort des pièces du dossier que lorsque M. B... a sollicité le 4 septembre 2020 le renouvellement de son certificat de résidence " conjoint de français ", son épouse était décédée depuis le 29 octobre 2019. La communauté de vie entre les époux ayant ainsi cessé par l'effet du décès de sa conjointe française, c'est à bon droit que la préfète du Bas-Rhin a considéré que M. B... n'avait plus la qualité de conjoint de français et a pu légalement, pour ce motif, rejeter sa demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien, en application des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Si M. B... se prévaut des dispositions alors applicables de l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français ", ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent, comme il a été dit au point 2, des règles fixées par l'accord précité. Enfin, si M. B... fait valoir que les ressortissants algériens sont ainsi moins bien traités que les ressortissants d'autres Etats relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette différence de traitement résulte d'une différence de situation qui est la conséquence nécessaire de la conclusion de l'accord franco-algérien, qui a, de par l'article 55 de la Constitution, une valeur supérieure à la loi. Il suit de là que la décision attaquée ne méconnaît pas le principe d'égalité. Elle ne méconnaît pas plus l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. M. B... fait valoir que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation, dès lors que son titre de séjour aurait été renouvelé de plein droit s'il avait été ressortissant d'un autre pays que l'Algérie. Toutefois, d'une part la communauté de vie entre M. B... et son épouse ayant cessé du fait du décès de cette dernière, il ne remplissait pas l'ensemble des conditions de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien auxquelles est subordonné le renouvellement de plein droit d'un certificat de résidence " conjoint de français ". D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien. Par suite, en ne prenant au bénéfice de M. B... aucune mesure de régularisation, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'édiction de la décision attaquée, M. B... était veuf et sans enfant à charge. S'il soutient avoir vécu en France de manière continue entre 2010 à 2017, il ne l'établit pas par les seules pièces versées au dossier. Il est constant que M. B... est entré en dernier lieu sur le territoire français le 22 juillet 2019 à l'âge de 43 ans. Il a donc passé la majeure partie de sa vie en Algérie, pays dans lequel il n'établit pas être dépourvu d'attaches. S'il se prévaut de la présence régulière en France de sa mère, d'une de ses cinq sœurs et d'un de ses trois frères, il a vécu séparé d'eux pendant plusieurs années et n'établit pas entretenir avec eux des liens particulièrement forts alors qu'ils habitent tous en région parisienne. Enfin, s'il fait valoir qu'il a été employé en qualité de monteur télécom entre janvier et juin 2020 et que la même société lui a proposé de l'employer à nouveau à compter de janvier 2021, le contrat qui lui est proposé est un contrat à durée déterminée de six mois. Son insertion professionnelle restera donc précaire. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... doit également être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8.

Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays d'éloignement devrait être annulée par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

5

N° 21NC01544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01544
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;21nc01544 ?
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