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28/10/2021 | FRANCE | N°21NC01343

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 21NC01343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., née D..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2005442 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

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rocédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, Mme E..., représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., née D..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2005442 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, Mme E..., représentée par Me Cheballe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros à verser à son conseil A... le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

A... la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision A... sa situation personnelle ;

A... la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision A... sa situation personnelle ;

A... la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 4 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2021.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, A... sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Mme E..., ressortissante kosovare, est entrée en France, selon ses déclarations, le 8 juillet 2018 avec ses quatre enfants afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiée. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 octobre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 octobre 2019. Le 3 octobre 2019, Mme E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour A... le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme E... fait appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

A... la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'arrêté susvisé du 5 janvier 2017 précise à son article 4 que " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées A... la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. (...) "

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué dans son avis du 25 mars 2020 que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a ajouté que l'intéressée pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il est constant au vu des pièces du dossier que Mme E... souffre d'un trouble dépressif pour lequel elle bénéficie en France d'une prise en charge psychothérapeutique couplée à la prescription d'un traitement médicamenteux associant un antidépresseur, un neuroleptique, un anxiolytique et un hypnotique. Pour soutenir que l'interruption de cette prise en charge pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante se prévaut des certificats établis le 24 octobre 2019 par le docteur B..., une psychiatre hospitalière, et le 27 février 2020 par le docteur F.... D'une part, il ne ressort pas de ces certificats que l'interruption éventuelle du traitement de Mme E... serait comme elle le prétend de nature à mettre en cause son pronostic vital ou à détériorer une de ses fonctions importantes au sens des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017. Elle n'établit donc pas que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'autre part, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant estimé que le défaut de prise en charge médicale de Mme E... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'était dès lors pas tenu de se prononcer A... la possibilité pour elle de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le tribunal administratif de Strasbourg, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Mme E... n'établit pas que ses trois plus jeunes enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité au Kosovo. Et s'il est constant que sa fille aînée, Mme C... E..., qui est âgée de 22 ans, a obtenu un titre de séjour en France pour raison de santé, la fratrie sera séparé le temps strictement nécessaire à la prise en charge médicale de cette dernière. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants.

A... la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, comme il a été dit au point 5, Mme E... n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent par suite être écartés.

10. En second lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le tribunal administratif de Strasbourg, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.

A... la légalité de la décision désignant le pays d'éloignement :

11. Selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme E... fait valoir qu'en cas de retour au Kosovo, elle craint des représailles de la part du groupe mafieux auprès duquel son mari, depuis décédé, avait emprunté de grosses sommes d'argent pour financer les soins qui lui étaient nécessaires. Mme E... ne fournit toutefois aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des craintes dont elle se prévaut. Par ailleurs, elle n'établit pas ni même n'allègue avoir sollicité la protection des autorités kosovares. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées A... le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... née D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

5

N° 21NC01343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01343
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;21nc01343 ?
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