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28/10/2021 | FRANCE | N°21NC00682

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 21NC00682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., née B..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2001345 du 15 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 8 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., née B..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2001345 du 15 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la base légale visée par le préfet dans l'arrêté contesté est erronée ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, elle bénéficiait encore du droit de se maintenir sur le territoire français dès lors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant son recours ne lui avait pas été notifiée ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays d'éloignement :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 29 juin 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2021.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Mme C..., ressortissante albanaise, est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 10 octobre 2019 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiée. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 janvier 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 juillet 2020. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme C... fait appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes des dispositions du I de l'article L. 723-2 du même code : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article R.723-19, III du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

3. Il ressort des termes même de l'arrêté attaqué que le préfet a visé les articles L. 743-1 à L. 743-4 alors applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait omis de viser l'article L. 743-2 7° manque en tout état de cause en fait.

4. En deuxième lieu, il est constant d'une part que la demande d'asile de Mme C..., originaire d'Albanie, pays considéré comme un pays d'origine sûr, a été traitée selon la procédure accélérée prévue par les dispositions précitées de l'article L. 723-2 I alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par Mme C... par une décision du 31 janvier 2020. Enfin il ressort du relevé Télémofpra du 8 septembre 2020 produit par le préfet en première instance, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, que la décision de l'ofpra du 31 janvier 2020 a été notifiée à Mme C... le 6 mars 2020. Mme C... ayant perdu le droit de se maintenir sur le territoire français dès cette date, c'est donc sans commettre d'erreur de droit que le préfet du Doubs a pu le 31 juillet 2020 prendre à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Comme l'a fort justement indiqué le premier juge, la circonstance que l'ordonnance de la CNDA du 7 juillet 2020, qui a rejeté le recours exercé par Mme C... contre la décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lui ait été notifiée le 10 août 2020, soit postérieurement à la date de la décision attaquée, est ainsi sans incidence sur la légalité de cette décision.

5. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par la décision par laquelle l'ofpra a rejeté la demande d'asile de Mme C... pour refuser de lui renouveler l'attestation de demande d'asile dont elle bénéficiait et lui faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme C... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle sera isolée. Elle indique également qu'elle sera persécutée en raison de son orientation sexuelle. Elle se prévaut enfin de sa situation de vulnérabilité eu égard aux risques de voir son mari réitérer les violences dont elle a fait l'objet avant son départ pour la France. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme C... ne séjournait sur le territoire français que depuis moins d'un an. Elle ne produit pas davantage qu'en première instance d'éléments de nature à établir que sa fille aînée séjournerait régulièrement sur le territoire français alors que la demande d'asile présentée par cette dernière a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 16 mai 2018, confirmée par la CNDA le 12 novembre 2018. En outre, si la requérante soutient que sa fille cadette ne vit plus en Albanie, elle ne l'établit pas plus en appel qu'en première instance. Mme C... ne démontre donc pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 44 ans et où elle pourra reconstituer la cellule familiale avec ses deux filles. A... l'ofpra a admis qu'elle a pu faire l'objet de violences conjugales, il n'a pas tenu pour établi l'actualité de ses craintes, son récit des démarches qu'aurait entrepris son époux pour la retrouver ayant donné lieu à des déclarations brèves et peu consistantes de sa part. Enfin, l'ofpra comme la cnda n'ont pas tenu son orientation sexuelle et les persécutions dont elle aurait été victime de ce fait pour établies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Mme C... ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son orientation sexuelle. Elle n'établit pas plus l'actualité de ses craintes vis-à-vis de son époux, ni, en en tout état de cause, l'incapacité des autorités albanaises à pouvoir lui assurer une protection. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être accueillis.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le présidente du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

6

N° 21NC00682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00682
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;21nc00682 ?
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