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28/10/2021 | FRANCE | N°21NC00676

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 21NC00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2020 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a, d'une part, décidé sa remise aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2006525 du 2 novembre 2020, le magistrat désigné par le président d

u tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2020 par lesquels la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a, d'une part, décidé sa remise aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2006525 du 2 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2021, M. B..., représenté par Me Gaudron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 novembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Grand Est préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros TTC à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes :

- Il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'Allemagne n'était plus compétente pour examiner sa demande d'asile dès lors qu'il avait séjourné plus de trois mois en dehors du territoire Schengen ;

- la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause de souveraineté de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités allemandes entraîne l'illégalité de l'arrêté l'assignant à résidence.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2021, la préfète de la région Grand Est Préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2021.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. B..., ressortissant albanais, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 août 2020 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité préalablement l'asile en Allemagne. Les autorités allemandes, saisies le 30 septembre 2020 par la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, ont donné leur accord le 5 octobre 2020. Par deux arrêtés du 8 octobre 2020, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a décidé, d'une part le transfert de M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable trois fois. M. B... fait appel du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui a été opposés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 19 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. (...) ".

4. M. B... soutient avoir déposé une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 1er septembre 2016, puis après le rejet de sa demande, être retourné vivre en Albanie du 1er juin 2018 au 19 mai 2019. A l'appui de ses allégations, le requérant fait valoir que les autorités albanaises lui auraient délivré en 2017 une carte d'identité et un passeport. Si une copie de la carte d'identité albanaise délivrée à M. B... le 5 septembre 2017 a bien été produite en première instance, le dossier ne comporte aucune copie de son passeport. Par ailleurs, comme le premier juge l'a indiqué, la production de ces documents ne permettrait pas en tout état de cause d'établir que M. B... a quitté le territoire des Etats membres de l'Union européenne pendant une durée d'au moins trois mois. M. B... se prévaut également de ce qu'il aurait travaillé en Albanie dans une blanchisserie de juin 2018 à mai 2019. M. B... ne produit toutefois pas plus qu'en première instance l'attestation d'employeur censée le justifier. M. B... n'établissant pas avoir séjourné plus de trois mois en dehors du territoire Schengen, il n'est pas fondé à soutenir que l'Allemagne n'était plus compétente pour examiner sa demande d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 19 du règlement n° 604/2013 doit par suite être écarté.

5 En troisième et dernier lieu, M.B... soutient qu'en raison du rejet définitif de sa demande d'asile par les autorités allemandes, il sera éloigné vers l'Albanie, où il craint pour sa vie. Il est constant que l'accord des autorités allemandes pour le transfert de M. B... a été donné sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif aux étrangers dont la demande d'asile a été rejetée. Pour autant, M.B... n'établit pas avoir épuisé l'ensemble des voies de recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile en Allemagne. Il n'établit pas plus qu'un retour forcé vers l'Albanie pourrait être effectivement mis en œuvre par les autorités allemandes dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine sans une évaluation des risques encourus. Au demeurant, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas d'examiner sa demande d'asile sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger:(...) "1o bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride;(...) ".

7. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que pour assigner M. B... à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable trois fois, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin, après avoir visé les dispositions alors applicables de l'article L. 561-2 1°bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué qu'il faisait l'objet d'une décision portant transfert aux autorités allemandes, qu'étant dépourvu de ressources, il ne pouvait se rendre de lui-même en Allemagne, mais que son éloignement demeurait toutefois une perspective raisonnable. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui le fondent et est par suite suffisamment motivé.

8. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de l'arrêté décidant la remise de M. B... aux autorités allemandes doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est préfet du Bas-Rhin.

2

N° 21NC00676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00676
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;21nc00676 ?
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