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28/10/2021 | FRANCE | N°21NC00035

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 21NC00035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008240 du 30 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 jan

vier 2021 sous le numéro 21NC00035, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008240 du 30 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2021 sous le numéro 21NC00035, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Grand Est préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'Italie étant le premier Etat dans lequel il avait sollicité l'asile, c'est cet Etat et non l'Allemagne qui était responsable de l'examen de sa demande ;

- aucun des critères prévus par le chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne permettait au préfet de considérer que les autorités allemandes étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

- les autorités allemandes se sont déclarées à tort responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2021, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2021.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 mars 2021.

II. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2021 sous le numéro 21NC00036, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2008240 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2020

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2020 risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors que sa demande d'asile ayant été rejetée par les autorités allemandes, il risque d'être renvoyé vers son pays d'origine ;

- ses moyens sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2021, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin conclut au non-lieu à statuer.

Elle soutient que M. A... ayant été remis aux autorités allemandes le 7 janvier 2021, la requête à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2020 a perdu son objet.

Par ordonnance du 8 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2021.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 mars 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A..., ressortissant guinéen, a déposé des demandes d'asile en France les 20 décembre 2019 et 18 août 2020. Il a fait l'objet de deux procédures de réadmission vers l'Allemagne et a été effectivement remis aux autorités allemandes respectivement les 6 mars et 29 octobre 2020. Le 6 novembre 2020, M. A... a pour la troisième fois sollicité l'asile en France. Le 26 novembre 2020, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes d'une demande de prise en charge de l'intéressé. Après avoir dans un premier temps opposé un refus à cette demande par une décision du 1er décembre 2020, les autorités allemandes ont finalement donné leur accord le 9 décembre 2020. Par un arrêté du 14 décembre 2020, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. A... aux autorités allemandes. M. A... demande, d'une part, l'annulation du jugement du 30 décembre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, d'autre part, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 21NC00035 :

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

3. En l'espèce, l'arrêté prononçant le transfert de M. A... aux autorités allemandes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile. Il énonce également que M. A... a présenté une demande d'asile en Allemagne et que les autorités de ce pays ont accepté le 9 décembre 2020 de le reprendre en charge sur leur territoire sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences énoncées au point précédent.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ". L'article 18 du même règlement dispose : " I. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". L'article 19 précise : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 23 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no603/2013 (...) ". Aux termes de l'article 25 : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines (...) ". L'article 26 précise : " I. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) ". Aux termes de l'article 29 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. (...) "

5. M. A... soutient que l'Italie étant le premier Etat auprès duquel il avait sollicité l'asile, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin aurait dû adresser sa demande de reprise en charge à cet Etat, qui était responsable de l'examen de sa demande, et non pas à l'Allemagne.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé Eurodac, que M. A... a déposé des demandes d'asile successivement en Italie le 16 septembre 2016, en Allemagne les 18 juillet et 2 août 2017 et enfin en France les 20 décembre 2019 et 18 août 2020.

7. D'une part, il ressort des termes d'un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 octobre 2020 produit en défense en première instance que par un arrêté du 6 février 2020, la préfète du Bas-Rhin avait déjà prononcé le transfert de M. A... aux autorités allemandes en se fondant sur les articles 23-3 et 29 précités du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont il résulte notamment que lorsque le transfert n'est pas exécuté dans un délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de reprise en charge, laquelle incombe alors à l'Etat requérant. Il résulte ainsi des mentions de l'arrêté du 6 février 2020 que l'Allemagne n'ayant pas transféré M. A... vers l'Italie dans un délai de six mois, l'Italie a été libérée de son obligation de reprise en charge et l'Allemagne est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A.... Ces circonstances étant inchangées à la date de l'arrêté du 14 décembre 2020, c'est sans erreur de droit que la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a estimé que les autorités allemandes, et non les autorités italiennes, étaient responsables de la demande d'asile de M. A.... D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le 26 novembre 2020, la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de M. A.... Par une décision du 9 décembre 2020, les autorités allemandes ont fait connaître leur accord en se référant explicitement à l'article 18 1 d du règlement n° 604/2013 du 13 juin 2013. Dès lors que les autorités allemandes s'étaient ainsi reconnues responsables de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... et dès lors qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin aurait dû vérifier si les autorités allemandes n'avaient pas commis une erreur en apportant une telle réponse, la préfète était fondée, en application de l'article 26 du règlement, à décider le transfert de M. A... aux autorités allemandes.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 21NC00036 :

En ce qui concerne les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2008240 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC00036 par laquelle M. A... demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

En ce qui concerne les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. A... dans la requête enregistrée sous le n° 21NC00036.

Article 2 : La requête de M. A... enregistrée sous le no 21NC00035 ainsi que le surplus des conclusions de la requête n° 21NC00036 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 21NC00035-21NC00036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00035
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;21nc00035 ?
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