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28/10/2021 | FRANCE | N°20NC03192

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 20NC03192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000635 du 12 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000635 du 12 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juin 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 janvier 2020 du préfet du Haut-Rhin portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

Elle soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation car le préfet n'a pas tenu compte de ses liens familiaux sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2021.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., née le 14 juin 1992, de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement en France le 1er juin 2015 selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 19 décembre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé par une décision du 21 septembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a par la suite sollicité le réexamen de sa demande d'asile et celle-ci a de nouveau été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 9 octobre 2019, notifiée le 25 octobre 2019. Par un arrêté du 2 janvier 2020, le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à Mme E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. La requérante a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté. Mme E... fait appel du jugement du 12 juin 2020 seulement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ( ..) ".

3. Le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 10 mai 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 14 mai 2019, a donné délégation à M. C..., directeur de la réglementation en matière de police des étrangers à l'effet notamment de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. La requérante fait valoir la naissance en France de son enfant D... le 26 décembre 2019, soit antérieurement à la décision litigieuse du 2 janvier 2020, et produit la copie de l'acte de naissance de son enfant, reconnu par M. A... de nationalité britannique en situation régulière en France, ainsi qu'une attestation de celui-ci du 16 juillet 2020 selon laquelle la requérante est actuellement hébergée à son domicile. Toutefois, Mme E... n'apporte aucun élément sur l'ancienneté de ses liens avec M. A..., ni sur les liens qu'il aurait tissés avec son enfant ou sur sa contribution à l'éducation de ce dernier. Enfin, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui s'opposerait à une vie familiale hors du territoire français. Ainsi, dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ".

7. La requérante se prévaut de ce que la décision litigieuse aura pour effet de séparer son enfant de son père. Toutefois, elle n'apporte aucun élément sur les liens réels tissés entre le père et l'enfant et ne précise pas en quoi le père de l'enfant, de nationalité britannique, ne pourrait pas lui rendre visite en république démocratique du Congo, ni également ce qui empêcherait l'enfant de rendre visite à son père en France, le temps, si elle l'estime utile, de solliciter un visa régulièrement délivré par les autorités françaises. Dans ces circonstances, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. La requérante soulève à l'encontre de cette décision le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de sa situation personnelle. Toutefois, il ne ressort pas des écritures d'appel de Mme E... qu'elle ait entendu solliciter l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen est inopérant et doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

5

N° 20NC03192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03192
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;20nc03192 ?
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