La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2021 | FRANCE | N°20NC00384

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 28 octobre 2021, 20NC00384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC0384 le 13 février 2020, M. B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugemen

t du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC0384 le 13 février 2020, M. B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 du préfet de l'Aube ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Gaffuri sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de son identité et de son âge, il produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance daté du 18 juin 2018, une transcription du jugement supplétif datée du 19 juin 2018 ainsi qu'un certificat de nationalité du 18 juin 2018, il a été reconnu mineur, par les autorités judiciaires, sur la base de ces mêmes documents, le préfet n'a procédé à aucune vérification des actes d'état civil produits auprès des autorités guinéennes ;

- en s'abstenant de procéder à un examen global de sa situation au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 3 avril 2001, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 juin 2018. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par une décision du juge des enfants du 21 septembre 2018 et a été scolarisé en seconde professionnelle. Le 15 avril 2019, il a demandé au préfet de l'Aube son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 juillet 2019, le préfet de l'Aube a rejeté sa demande. M. B... fait appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le contexte juridique du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. A la date de la décision contestée, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet. Cette formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en vertu de laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est obligatoire notamment pour les Etats qui, comme la Guinée, ne sont pas signataires de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ou d'autres accords internationaux. Elle peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger.

Sur les questions de droit posées par le litige :

5. Pour refuser à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne justifiait ni de son âge, ni de son identité, le préfet de l'Aube s'est fondé sur l'absence d'actes d'état civil légalisés et sur les doutes émis par le jugement en assistance éducative quant à la sincérité de ces documents. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a présenté un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du tribunal de première instance de Kankan du 18 juin 2018, une transcription de ce jugement datée du 19 juin 2018 et un certificat de nationalité daté du 18 juin 2018. Ces documents étaient dépourvus de légalisation. En cours d'instance, M. B... a produit les mêmes documents ainsi qu'une transcription d'un acte d'état civil du 24 février 2020 cette fois-ci revêtus d'une légalisation réalisée cependant par un agent du ministre des affaires étrangères guinéennes. Une telle légalisation ne satisfait pas aux exigences citées au point 4 du présent arrêt.

6. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative: " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

7. Le présent litige pose les questions de savoir si lorsqu'un acte d'état civil relève de l'obligation de légalisation, le défaut de légalisation ou son caractère irrégulier fait obstacle à l'application de l'article 47 du code civil en vertu duquel les actes d'état civils des étrangers établis en pays étranger et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi ' Dans l'affirmative, cette seule absence ou irrégularité de la légalisation permet-elle à l'autorité administrative de refuser un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu L. 433-22) au motif que l'étranger ne justifie, ni de son identité, ni de son âge, alors que le département, sur la base des déclarations de l'intéressé lors de son arrivée en France l'a évalué mineur et que le juge judiciaire l'a reconnu mineur et a prononcé en conséquence des mesures d'assistance éducative prévues par l'article 375 et suivants du code civil ' Si tel est le cas, sur quels éléments le juge peut-il forger sa conviction sur l'identité et l'âge de l'étranger '

8. Les questions de droit analysées au point précédent sont nouvelles et présentent une difficulté sérieuse susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Par suite, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer sur les conclusions des parties et de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat afin de recueillir son avis en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le dossier de la requête ci-dessus visée de M. A... B... est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit suivantes :

" Lorsqu'un acte d'état civil relève de l'obligation de légalisation, le défaut de légalisation ou son caractère irrégulier fait-il obstacle à l'application de l'article 47 du code civil en vertu duquel les actes d'état civils des étrangers établis en pays étranger et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi ' Dans l'affirmative, cette seule absence ou irrégularité de la légalisation permet-elle à l'autorité administrative de refuser un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu L. 433-22) au motif que l'étranger ne justifie, ni de son identité, ni de son âge, alors que le département, sur la base des déclarations de l'intéressé lors de son arrivée en France l'a évalué mineur et que le juge judiciaire l'a reconnu mineur et a prononcé en conséquence des mesures d'assistance éducative prévues par l'article 375 et suivants du code civil ' Si tel est le cas, sur quels éléments le juge peut-il forger sa conviction sur l'identité et l'âge de l'étranger ' ".

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête ci-dessus visée jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 20NC00384


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 28/10/2021
Date de l'import : 09/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC00384
Numéro NOR : CETATEXT000044272712 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-28;20nc00384 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award