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19/10/2021 | FRANCE | N°20NC03796

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 20NC03796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2002707 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et

a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2002707 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 mars 2021, M. B... E..., représenté par Me Roussel, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002707 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 12 avril 2020 portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 17 avril 2020 portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E... est un ressortissant serbe, né le 4 décembre 2000. Il a déclaré être entré en France le 4 septembre 2017, accompagné de ses parents et de ses trois frères. Le 9 octobre 2017, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 décembre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 octobre 2018. Sa demande de réexamen ayant également été rejetée, respectivement les 28 décembre 2018 et 12 juin 2019, le requérant a fait l'objet, le 1er avril 2019, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le 16 avril 2020, l'intéressé a été interpellé par les services de gendarmerie de Guebwiller, dans le cadre du contrôle des attestations de déplacement dérogatoire liées à la crise sanitaire de la Covid-19, et a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Constatant que M. E... se maintient irrégulièrement en France, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 17 avril 2020, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre d'une interdiction de retour d'une durée d'un an. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2020. Il relève appel du jugement n° 2002707 du 31 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour le préfet et par délégation ", par Mme J... D..., cheffe du bureau de l'asile et de l'éloignement à la préfecture du Haut-Rhin. Or, par un arrêté du 19 février 2020, régulièrement publié le 21 février suivant au recueil n° 10 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a consenti à l'intéressée une délégation à l'effet de signer notamment les " obligations de quitter le territoire ". Si l'exercice de la compétence ainsi déléguée à Mme D... est subordonné à l'absence ou à l'empêchement simultané de M. F... G..., directeur de la réglementation, de M. I... H..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, et de Mme C... A..., adjointe au chef du service de l'immigration et de l'intégration, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle condition n'était pas remplie en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision en litige manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Contrairement aux allégations de M. E..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En troisième et dernier lieu, M. E... ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre, une méconnaissance des dispositions, alors en vigueur, du premier alinéa de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers et relèvent de la partie du code consacrée aux conditions de délivrance des titres de séjour. Par suite et alors que, au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un tel fondement, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

5. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

6. D'une part, M. E... fait valoir qu'il risque de faire l'objet, compte tenu de l'ampleur de la crise sanitaire liée à l'épidémie de la Covid-19 dans son pays d'origine, d'une mesure de confinement lors de son retour sur le territoire serbe, sans pouvoir bénéficier d'un point d'attache sur place. Toutefois, une telle circonstance, à la supposer établie, ne suffit pas, par elle-même, à caractériser l'existence d'un traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si le requérant se prévaut de la stigmatisation dont ferait l'objet en Serbie la communauté rom à laquelle il appartient et des actes d'agression, de menace et de vandalisme dont sa famille aurait été victime en raison d'un conflit l'opposant à une famille voisine au sujet de la propriété d'une parcelle de terrain, il n'apporte, en dehors de son propre récit, aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite et alors que, au demeurant, les demandes d'asile et de réexamen de l'intéressé ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause ne peuvent être accueillis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 17 avril 2020 portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre ces décisions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC03796 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 19/10/2021
Date de l'import : 26/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC03796
Numéro NOR : CETATEXT000044234135 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;20nc03796 ?
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