La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2021 | FRANCE | N°20NC02961

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 20NC02961


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020, par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé tout délai pour exécuter volontairement cette mesure d'éloignement, a désigné l'Algérie comme pays de renvoi, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 2000817 du 15 juin 2020, la magistrate désignée par le tribunal

administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020, par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé tout délai pour exécuter volontairement cette mesure d'éloignement, a désigné l'Algérie comme pays de renvoi, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 2000817 du 15 juin 2020, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir jusqu'au réexamen de sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bertin sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'insuffisante motivation ;

- elle est entachée d'une contradiction des motifs au regard de la décision portant assignation à résidence ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision d'assignation à résidence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- au regard de l'ampleur de la pandémie, l'exécution de la mesure d'éloignement ne présentait pas de perspectives raisonnables ;

s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'insuffisante motivation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021 le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 1er octobre 1995, est arrivé en France le 25 octobre 2011. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé tout délai pour exécuter volontairement cette mesure d'éloignement, a désigné l'Algérie comme pays de renvoi, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français durant deux ans. M. A... fait appel du jugement du 15 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France en 2011, à l'âge de 16 ans, où il a rejoint sa grand-mère française à qui il a été confié par acte de Kafala. Si M. A... fait état de ses attaches familiales sur le territoire français, il est toutefois constant qu'à sa majorité, sa grand-mère a quitté Besançon pour s'installer dans le département du Rhône, sans lui. Le requérant ne justifie par ailleurs pas, par les seules attestations de sa compagne et de la mère de cette dernière, de l'ancienneté et de la stabilité de la relation amoureuse dont il se prévaut depuis juillet 2018. M. A... n'a pas obtenu son baccalauréat et ne fait état d'aucun projet professionnel ni d'une insertion particulière en France. Enfin, s'il fait état d'une présence ininterrompue sur le territoire depuis son arrivée en France, soit neuf ans, elle résulte de la non-exécution de deux mesures d'éloignement. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".

5. En premier lieu, la décision en litige, cite les dispositions du d) et du f) du 3° II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent, notamment la circonstance que le requérant se soit maintenu irrégulièrement en France malgré deux précédentes mesures d'éloignement et qu'il ne présente pas de garanties de représentations suffisantes. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque donc en fait.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées qu'un étranger ne dispose pas des garanties de représentation s'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. C'est un des deux motifs, non contesté, pour lesquels le préfet du Doubs a refusé d'accorder au requérant un délai de départ volontaire. La circonstance qu'il dispose, comme l'indique la mesure d'assignation, d'une adresse stable est par suite sans aucune incidence sur la légalité du motif de la décision portant refus de délai volontaire.

7. En troisième lieu, il est constant que le requérant s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Ni son adresse chez la mère de sa compagne, ni la crise sanitaire ne permettent de remettre en cause la légalité des motifs de la décision attaquée qui ne sont entachés ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour comprend les motifs de droit et de fait qui la fondent.

10. En second lieu, en se bornant à soutenir que : " durée et condition de séjour témoignent d'une mesure d'interdiction du territoire français édictée en violation de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et empreinte d'erreur manifeste d'appréciation ", le requérant n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

11. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Si une décision d'assignation à résidence prévue par les dispositions précitées n'est pas assimilable à une mesure privative de liberté, les modalités de cette mesure, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative en vertu des mêmes dispositions et de l'article R. 561-2 du même code, doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.

12. En premier lieu, l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent et notamment le fait que M. A... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai, permettant à l'intéressé de connaître, à sa seule lecture, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision d'assignation à résidence attaquée doit être écarté.

13. En second lieu, M. A... n'établit pas qu'à la date de l'arrêté contesté le 10 juin 2020, soit un mois après l'achèvement du premier confinement lié à la pandémie de la covid-19 toute perspective d'éloignement était compromise. Par suite le moyen tiré de que qu'il n'existait, à la date de la décision attaquée, aucune perspective d'éloignement doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

6

N° 20NC02961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02961
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;20nc02961 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award