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21/09/2021 | FRANCE | N°20NC00844

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 septembre 2021, 20NC00844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 3 juillet 2018 tendant à la révision de sa situation administrative au regard du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;

- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation administrative au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté en raison de son affectation au sein de la cir

conscription de sécurité publique de Reims et au préalable en zone Ile-de-France entrant d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 3 juillet 2018 tendant à la révision de sa situation administrative au regard du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;

- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation administrative au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté en raison de son affectation au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims et au préalable en zone Ile-de-France entrant dans le cadre du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et ce, à compter du 1er janvier 1995 ;

- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation administrative et financière au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté et de son affectation au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims et ce, à compter du 1er janvier 1995, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802289 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande préalable de M. A... en tant qu'elle refuse le versement des rappels de rémunération pour la période postérieure au 5 janvier 2014 et d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de verser à M. A... les rappels de rémunération au titre de la période postérieure au 5 janvier 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2020, M. A..., représenté par Me Gernez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014 et au versement des rappels de rémunération correspondant à la reconstitution de sa carrière pour cette même période, et pour la période antérieure au 1er septembre 2011 ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa demande de première instance en reconnaissant qu'il est fondé à solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995, et à solliciter le versement des rappels de rémunération découlant de la reconstitution administrative de sa carrière pour cette même période ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière en lui attribuant l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995 et de lui verser les rappels de rémunération résultant de cette reconstitution à compter de cette même date, sans que la prescription quadriennale ne lui soit opposée, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il pouvait bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période allant à compter du 1er janvier 1995, y compris pour la période allant du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014 durant laquelle il n'est pas établi qu'il n'était plus affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims ;

- le point de départ de la prescription quadriennale sur lequel se sont basés l'administration et le tribunal est erroné en ce que l'avantage spécifique d'ancienneté ne constitue pas un élément de rémunération ;

- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée en ce qu'il était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et alors que sa situation résulte d'une série de fautes de l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 20 juillet 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant pour M. A... à obtenir d'une part l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande tendant au bénéfice de la reconstitution administrative de sa carrière au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté pour la période allant de 1998 à 2011 et d'autre part de ses conclusions à fin d'injonction sur ce point dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a obtenu, avant l'introduction de sa requête d'appel, la reconstitution administrative de sa carrière pour la période 1998-2011.

Par mémoire enregistré le 12 août 2021, en réponse à la communication du moyen d'ordre public, M. A... précise que sa demande relative à sa reconstitution de carrière, s'agissant du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, porte bien sur la période comprise entre le 1er septembre 2011 et le 5 janvier 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure ;

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire de la police nationale, a été affecté à la direction régionale de la police judiciaire de Paris du 1er août 1994 au 31 août 1995, à la circonscription de sécurité publique de Reims du 1er septembre 1995 au 31 août 2011, à la direction départementale de la sécurité publique de la Marne du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014, puis à nouveau à la circonscription de sécurité publique de Reims depuis le 6 janvier 2014. Par une réclamation du 3 juillet 2018, il a demandé au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa situation administrative concernant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et le paiement des arriérés de traitement en découlant à compter du 1er janvier 1995. A la suite du silence gardé sur cette demande, M. A... a demandé l'annulation de la décision de rejet implicite de sa demande. Par un jugement du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a uniquement annulé la décision implicite de rejet en tant qu'elle refuse le versement de rappels de rémunération pour la période postérieure au 31 décembre 2013. Au regard de l'argumentation développée dans ses dernières écritures, M. A... doit être regardé comme relevant appel du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur lui refusant d'une part la reconstitution de sa carrière pour la période du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014 et d'autre part, les rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

Sur les conclusions relatives à la reconstitution de la carrière :

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". L'article 2 du décret du 21 mars 1995 dispose que : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année ". Aux termes de l'article 1er de ce même décret, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 et des articles 1 et 2 du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font par suite obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription publique de sécurité ou à une circonscription publique de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que M. A... était affecté au sein de la direction départementale de sécurité publique de la Marne et non dans une circonscription de sécurité publique pour la période allant du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014. En conséquence l'intéressé ne pouvait en tout état de cause prétendre au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de cette période.

Sur les conclusions relatives au versement des rappels de rémunération :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...). " L'article 2 de cette même loi dispose que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même (...) soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".

6. D'une part, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Contrairement à ce que soutient le requérant, les conséquences du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté après reconstitution de carrière correspondent à des éléments de rémunération dès lors qu'ils lui ouvrent droit par l'acquisition d'une ancienneté plus importante, à un traitement supérieur à celui effectivement perçu. En conséquence, le fait générateur de cette créance dont se prévaut M. A... est constitué par le service effectué au sein d'une circonscription de police.

7. D'autre part, il appartenait à M. A..., s'il s'y croyait fondé, de solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, en se prévalant de son affectation à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée et du décret du 21 mars 1995. Ainsi, la circonstance que l'interprétation des textes faite initialement par l'administration ait été ultérieurement censurée par le Conseil d'Etat statuant au contentieux par une décision n° 327428 du 16 mars 2011 n'est pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance. Cette décision aurait d'ailleurs pu dès 2011 conduire le requérant à saisir l'administration d'une demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté s'il avait estimé, au regard du motif d'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001, pouvoir y prétendre au vu des difficultés rencontrées dans sa circonscription d'affectation. Par suite, en dépit des fautes qui ont été commises par l'administration dans la détermination des secteurs ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, et des difficultés des agents pour déterminer les circonscriptions de police pouvant donner droit à l'attribution de cet avantage avant la parution de l'arrêté du 3 décembre 2015, M. A... ne saurait être regardé comme ayant été dans l'ignorance légitime de sa créance, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, avant la publication au Journal officiel, le 16 décembre 2015, de l'arrêté du 3 décembre 2015, qui a défini les circonscriptions de sécurité publique ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, et la publication de la directive du 9 mars 2016, intervenue le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, afin de prendre en compte la situation des fonctionnaires de police au titre de la période antérieure à celle ouverte par cet arrêté.

8. Le délai de la prescription quadriennale a ainsi commencé à courir à compter du premier jour de l'année suivant la ou les années au cours de laquelle ou desquelles le fonctionnaire de police, après trois années de services continus accomplis dans un quartier urbain ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, a été privé à tort du bénéfice de cet avantage et où, par suite, la créance est née. En application des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ce délai a, le cas échéant, été interrompu par une demande de l'agent tendant au bénéfice de cet avantage.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... pouvait bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er septembre 1998, soit après trois années de services continus au sein d'une circonscription de sécurité publique, en application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 et jusqu'en septembre 2011. Or, ce dernier n'a demandé à bénéficier de cet avantage que le 3 juillet 2018, demande qui a été de nature à interrompre le délai de prescription. Toutefois, à cette date, la créance dont se prévaut M. A... relative au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté était prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur lui refusant d'une part la reconstitution administrative de sa carrière pour la période allant du 1er septembre 2011 au 5 janvier 2014, et d'autre part le versement des rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

2

N° 20NC00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00844
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-21;20nc00844 ?
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