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21/09/2021 | FRANCE | N°20NC00842

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 septembre 2021, 20NC00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2018 tendant à la révision de sa situation administrative au regard du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;

- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation administrative au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté en raison de son affectation au sein de la ci

rconscription de sécurité publique de Reims entrant dans le cadre du bénéfice de l'avantag...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2018 tendant à la révision de sa situation administrative au regard du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;

- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de régulariser sa situation administrative au regard de l'avantage spécifique d'ancienneté en raison de son affectation au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims entrant dans le cadre du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et ce, à compter du 29 juillet 2002.

Par un jugement n° 1802345 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande préalable de M. A... en tant qu'elle a refusé de procéder à la reconstitution administrative du déroulement de sa carrière, et au versement des rappels de rémunération pour la période postérieure au 31 décembre 2013 et d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution administrative du déroulement de la carrière de M. A... et, en conséquence de cette reconstitution, de lui verser des rappels de rémunération au titre de la période postérieure au 31 décembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2020, M. A..., représenté par Me Gernez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant au versement des rappels de rémunération correspondant à la reconstitution de sa carrière pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande du 12 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant au versement des rappels de rémunération correspondant à la reconstitution de sa carrière pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui verser les rappels de rémunération résultant de la reconstitution de sa carrière, pour la période antérieure au 1er janvier 2014, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'analyse du tribunal quant à sa reconstitution de carrière devra être confirmée ;

- le tribunal a commis deux erreurs de droit sur l'application de la prescription quadriennale ;

- le point de départ de la prescription quadriennale sur lequel se sont basés l'administration et le tribunal est erroné en ce que l'avantage spécifique d'ancienneté ne constitue pas un élément de rémunération ;

- la prescription quadriennale ne peut lui être opposé en ce qu'il était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et alors que sa situation résulte d'une série de fautes de l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure ;

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire de la police nationale, est affecté à la circonscription de sécurité publique de Reims depuis le 29 juillet 2002. Par une réclamation du 12 juillet 2018, il a demandé au ministre de l'intérieur de procéder, d'une part, au réexamen de sa situation administrative concernant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation au sein de cette circonscription de police, et d'autre part, au versement des rappels de rémunération découlant de la reconstitution administrative de sa carrière. A la suite du silence gardé sur cette demande, M. A... a demandé l'annulation de la décision de rejet implicite de sa demande. Par un jugement du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision implicite de rejet en tant d'une part, qu'elle refuse de procéder à la reconstitution administrative du déroulement de la carrière de M. A... et, d'autre part, qu'elle refuse le versement de rappels de rémunération pour la période postérieure au 31 décembre 2013. M. A... relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant le versement des rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". L'article 2 du décret du 21 mars 1995 dispose que : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année ". Aux termes de l'article 1er de ce même décret, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ayant, par voie d'exception, constaté l'illégalité de cet arrêté par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 1 de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...). " L'article 2 de cette même loi dispose que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même (...) soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".

4. D'une part, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Contrairement à ce que soutient le requérant, les conséquences du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté après reconstitution de carrière correspondent à des éléments de rémunération dès lors qu'ils lui ouvrent droit par l'acquisition d'une ancienneté plus importante, à un traitement supérieur à celui effectivement perçu. En conséquence, le fait générateur de cette créance dont se prévaut M. A... est constitué par le service effectué à compter du 29 juillet 2002, date de son affectation au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims.

5. D'autre part, il appartenait à M. A..., s'il s'y croyait fondé, de solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, en se prévalant de son affectation à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée et du décret du 21 mars 1995. Ainsi, la circonstance que l'interprétation des textes faite initialement par l'administration ait été ultérieurement censurée par le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'est pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance. Cette décision aurait d'ailleurs pu dès 2011 conduire le requérant à saisir l'administration d'une demande tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté s'il avait estimé, au regard du motif d'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001, pouvoir y prétendre au vu des difficultés rencontrées dans sa circonscription d'affectation. Par suite, en dépit des fautes qui ont été commises par l'administration dans la détermination des secteurs ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, et des difficultés des agents pour déterminer les circonscriptions de police pouvant donner droit à l'attribution de cet avantage avant la parution de l'arrêté du 3 décembre 2015, M. A... ne saurait être regardé comme ayant été dans l'ignorance légitime de sa créance, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, avant la publication au Journal officiel, le 16 décembre 2015, de l'arrêté du 3 décembre 2015, qui a défini les circonscriptions de sécurité publique ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, et la publication de la directive du 9 mars 2016, intervenue le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, afin de prendre en compte la situation des fonctionnaires de police au titre de la période antérieure à celle ouverte par cet arrêté.

6. Le délai de la prescription quadriennale a ainsi commencé à courir à compter du premier jour de l'année suivant la ou les années au cours de laquelle ou desquelles le fonctionnaire de police, après trois années de services continus accomplis dans un quartier urbain ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, a été privé à tort du bénéfice de cet avantage et où, par suite, la créance est née. En application des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ce délai a, le cas échéant, été interrompu par une demande de l'agent tendant au bénéfice de cet avantage.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... pouvait bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 30 juillet 2005, soit après trois années de services continus au sein de la circonscription de sécurité publique de Reims, en application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991. Or, M. A... n'a demandé à bénéficier de cet avantage que le 12 juillet 2018, demande qui a été de nature à interrompre le délai de prescription. Toutefois, à cette date, la créance dont se prévaut M. A... relative au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté était prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur en tant qu'elle a rejeté sa demande de versement des rappels de rémunération pour la période antérieure au 1er janvier 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

2

N° 20NC00842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00842
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-21;20nc00842 ?
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