La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2021 | FRANCE | N°21NC00828

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 20 juillet 2021, 21NC00828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé.

Par un jugement n° 2002409 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé.

Par un jugement n° 2002409 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sans examiner sérieusement sa situation ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'établit pas l'existence d'un traitement médical adapté à sa situation au Nigéria ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il aurait dû être admis au séjour à titre exceptionnel au titre de sa vie privée et familiale, de son état de santé et de la durée de son séjour en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle méconnaît son droit à être entendu ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache la décision portant obligation de quitter le territoire français d'illégalité ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 5 février 1981, est entré irrégulièrement en France le 1er novembre 2014. Un titre de séjour pour motifs de santé lui a été délivré pour une durée d'un an, le 9 mai 2016. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de la Marne a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté par un jugement du 23 octobre 2018. La cour administrative d'appel de Nancy a cependant annulé ce jugement par un arrêt du 19 novembre 2019. Par un arrêté du 4 février 2020, le préfet de la Marne a, de nouveau, refusé de délivrer un titre de séjour à M. A.... Cet arrêté a été annulé par un jugement du 29 juillet 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il obligeait le requérant à quitter le territoire français. Dans le cadre du réexamen de la demande de M. A..., le préfet de la Marne a, par un arrêté du 19 octobre 2020, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé. Par un jugement du 11 février 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

2. Le moyen tiré de l'incompétence de M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, pour signer l'arrêté du 19 octobre 2020 doit être écarté par adoption des motifs du point 2 du jugement attaqué.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour du 19 octobre 2020 du préfet de la Marne, qui mentionne les dispositions législatives et réglementaires sur lesquelles elle se fonde, précise les éléments de faits relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A... et en particulier les motifs pour lesquels la délivrance d'un titre de séjour pour motifs de santé lui est refusée. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour contestée ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des mentions mêmes de la décision litigieuse que le préfet de la Marne a procédé à un examen suffisamment approfondi de la situation de M. A..., sans s'estimer en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 avril 2018.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à son offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Il ressort des termes de la décision litigieuse que, par son avis du 2 avril 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui, mais qu'il était cependant en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Nigéria.

9. M. A..., qui se borne à produire un certificat médical du 22 janvier 2021 selon lequel il est suivi en consultation par un psychiatre et à relever que son état de santé ne connaît pas d'amélioration, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne sera pas en mesure de disposer d'un traitement effectif adapté à sa pathologie au Nigéria. En outre, M. A... n'a pas donné suite au courrier du 4 août 2020 par lequel le préfet de la Marne l'invitait à présenter tout élément utile aux services préfectoraux en vue du réexamen de sa demande de titre de séjour pour motifs de santé. Par ailleurs, il ne saurait utilement invoquer l'avis du 25 septembre 2015 de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France selon lequel aucun traitement adapté à sa pathologie n'était disponible au Nigéria, qui correspond à l'appréciation de la disponibilité des soins en 2015, alors que la décision en litige a été prise à la suite de l'avis du 2 avril 2018 du collège de médecins de l'OFII. Par suite, M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII du 2 avril 2018 selon lequel il sera en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Nigéria.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en novembre 2014, justifiait, à la date de la décision contestée, de six ans de résidence sur le territoire français. Trois de ses quatre enfants sont également nés en France. M. A... établit avoir travaillé pendant plusieurs mois en France en qualité de coiffeur. En dépit de la durée de son séjour, liée aux deux réexamens successifs de sa demande de renouvellement de titre de séjour pour motifs de santé, il ne justifie d'aucune insertion stable en France. Sa compagne, ressortissante nigériane, fait elle-même l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En outre, eu égard à leur jeune âge, ses quatre enfants, nés en décembre 2011, 2014, 2015 et 2018, sont en mesure de suivre leurs parents en cas de retour dans leur pays d'origine et ce alors même qu'ils sont nés en France pour trois d'entre eux et en Italie pour l'un d'entre eux et que les trois aînés sont scolarisés en France. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait plus d'attaches familiales ou privées dans son pays d'origine, où vivent notamment sa mère et l'un de ses enfants né en 2006. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas, au regard de ses objectifs, une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, l'article 9 du code civil.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. Il ressort des pièces du dossier que l'aîné des enfants de M. A..., né en 2011, était scolarisé en CE 2 au titre de l'année scolaire 2019-2020 et est scolarisé en France depuis 2014. La seconde, née en 2014, était scolarisée en classe de grande section de maternelle au titre de l'année scolaire 2019-2020 et le troisième, né en 2015, en classe de moyenne section à l'école maternelle. Le refus de titre de séjour opposé à M. A... est cependant sans incidence sur la poursuite de la scolarité de ses enfants en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

15. En sixième lieu, le motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant refus de titre de séjour litigieuse au regard de ses conséquences sur la vie personnelle de M. A... doit être écarté pour les motifs exposés aux points 9, 12 et 14.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Selon l'article L. 313-10 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) / L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives (...) ".

17. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

18. D'une part, eu égard aux circonstances mentionnées aux points 12 et 14 qui ne révèlent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

19. D'autre part, M. A... a travaillé en qualité de coiffeur de décembre 2018 à mai 2019 et bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel depuis le mois d'avril 2019. Son insertion professionnelle présentait ainsi un caractère récent à la date de la décision litigieuse. Par suite, le préfet de la Marne n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... ne justifiait pas de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en n'admettant pas M. A... au séjour à titre exceptionnel doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

21. En premier lieu, l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne énonce que : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

22. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cadre de sa demande de titre de séjour, le requérant a précisé à l'administration les motifs pour lesquels il demandait que lui soit délivré un titre de séjour et a été en mesure de produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Il a également été invité, par un courrier du 4 août 2020, à faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile au réexamen de sa demande de titre de séjour, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que l'administration ne statue sur sa demande de de titre de séjour, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. A... d'être entendu et de présenter des observations sur le fondement des principes résultant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

23. En deuxième lieu, il résulte du présent arrêt que les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doivent être rejetées. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

24. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, méconnaitrait l'article 9 du code civil doit être écarté pour les motifs exposés au point 12 du présent arrêt.

25. En quatrième lieu, alors même que les enfants de M. A... n'ont jamais vécu au Nigéria, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas y suivre leur père et leur mère, elle-même ressortissante nigériane en situation irrégulière, et y poursuivre leur scolarité. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

26. En dernier lieu, le moyen tiré de de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les motifs exposés au point 15 du présent arrêt.

Sur la décision fixant le pays de destination :

27. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination porterait une atteinte disproportionnée au droit du requérant à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en tout état de cause, méconnaîtrait l'article 9 du code civil doit être écarté pour les motifs exposés au point 12 du présent arrêt.

28. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les motifs exposés au point 25 du présent arrêt.

29. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé. Les conclusions qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.

2

N° 21NC00828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00828
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-20;21nc00828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award