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03/06/2021 | FRANCE | N°20NC01011

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC01011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la date de noti

fication du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1901935 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01011 le 29 avril 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 28 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident de 10 ans en qualité d'ascendante à charge ou une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans l'attente de la remise effective d'un de ces titres, de lui délivrer un récépissé dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet arrêt et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- en se bornant à relever l'absence de visa long séjour et le détournement manifeste de l'objet du visa court séjour obtenu, sans procéder à un examen au fond de sa demande, le préfet a méconnu sa compétence et entaché sa décision d'erreur de droit ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'est pas établi que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu de manière collégiale, conformément aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du même code, en l'absence de possibilité de bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; le préfet a subordonné la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " à des conditions non prévues par ce texte ;

- elle méconnaît en outre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne, est entrée sur le territoire français le 19 mars 2017 sous couvert d'un visa C valable du 17 mars 2017 au 13 avril 2017. Le 27 novembre 2018, elle a sollicité du préfet du Doubs la délivrance d'une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ou, à titre subsidiaire, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 30 juillet 2019, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification de cet arrêté et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 juillet 2019 :

En ce qui concerne les moyens invoqués contre le refus de la carte de résident :

2. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ".

3. Il est constant que Mme B... est entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa d'une durée inférieure à trois mois. Dès lors, le préfet du Doubs a pu légalement, pour ce motif, et sans pour autant s'estimer à tort en compétence liée ou méconnaître l'étendue de sa compétence, légalement refuser à l'intéressée le bénéfice de la carte de résident sollicitée.

En ce qui concerne les moyens invoqués contre le refus de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale :

4. En premier lieu, si Mme B... soutient qu'il n'est pas démontré que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 juillet 2019 aurait été émis au terme d'une délibération collégiale, conformément aux dispositions des article R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, la mention " après en avoir délibéré (...) " figurant dans cet avis implique nécessairement, à défaut d'élément susceptible de permettre d'en douter, que les membres du collège de médecins ont pu confronter leurs points de vue avant de rendre leur avis, quand bien même les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 5 juillet 2019, que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Mme B... produit les certificats médicaux établis par les Dr Mazzucotelli et Hakkar, médecins généralistes, les 30 avril et 3 mai 2019, à l'attention du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il ressort qu'elle souffre d'un diabète de type 2, de troubles visuels, liés à une cataracte et à un décollement de rétine, d'une hyperlipidémie, d'une hypertension artérielle et de vertiges positionnels. Selon ces mêmes certificats, le cumul de ces pathologies est à l'origine d'une marche difficile et de difficultés d'équilibre et, plus largement, d'une perte d'autonomie de l'intéressée et implique, outre un traitement médicamenteux, un suivi médical régulier de même qu'un accompagnement dans les gestes et déplacements quotidiens. Toutefois, ces éléments de diagnostic ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la possibilité, pour l'intéressée, de bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement ou prise en charge appropriés à sa situation de santé. L'intéressée n'établit pas davantage l'impossibilité financière dans laquelle elle serait d'accéder à ces traitement ou prise en charge en raison des insuffisances du système de protection sociale, tant au regard de ses ressources propres que de celles de son fils, dont elle précise qu'il pourvoyait déjà à ses besoins avant son entrée en France. Dans ces conditions, en refusant à Mme B... la délivrance de la carte de séjour temporaire demandée, le préfet du Doubs n'a pas fait une inexacte application de dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet aurait soumis la délivrance de cette carte de séjour temporaire à des conditions non prévues par ces dispositions.

En ce qui concerne le moyen commun aux refus d'admission au séjour :

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est veuve depuis 1998 et dont les deux fils ont quitté la Guinée, est entrée en France en 2017, alors âgée de 72 ans. Il n'est établi ni que son état de santé requerrait l'assistance de son fils résidant en France, ni que sa présence permanente auprès des enfants de ce dernier serait indispensable. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de de la durée et des conditions du séjour en France de la requérante, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été décidé. Le préfet n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 20NC01011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01011
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc01011 ?
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