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03/06/2021 | FRANCE | N°20NC00999

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC00999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dan

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans ce délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1901383 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00999 le 27 avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et durant ce délai de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

s'agissant de la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de l'arrêt litigieux sur sa situation personnelle et de ce que le refus de titre de séjour est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant du refus de titre de séjour :

- en estimant qu'il ne remplissait pas la condition d'âge posée par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur de fait ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- c'est à tort que, pour prononcer cette interdiction, le préfet a estimé qu'il avait frauduleusement dissimulé sa véritable identité ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, entré en France, selon ses déclarations, le 14 décembre 2017, a été confié le 19 janvier 2018 aux services de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Saône, en raison de sa minorité déclarée. Le 16 octobre 2018, il a sollicité du préfet de la Haute-Saône la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juin 2019, le préfet de la Haute-Saône a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Besançon, M. B... a soutenu que la décision du préfet de la Haute-Saône lui ayant refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il ressort du jugement attaqué du 12 novembre 2019 que le tribunal administratif de Besançon a omis de statuer sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. M. B... est, dès lors, fondé à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B....

Sur la légalité de l'arrêté du 26 juin 2019 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté du 26 juin 2019 a été signé par M. Imed Bentaleb, secrétaire général de la préfecture du Doubs, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté n° 70-2019-06-20-019 du 20 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dixhuitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ". L'article L. 111-6 du même code prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. A l'appui de sa demande de carte de séjour temporaire, formée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... s'est prévalu d'un extrait du registre des actes de l'état civil ivoirien à l'entête de la commune de Daloa ainsi que d'une carte d'immatriculation consulaire établie sur la base de cet extrait, selon lesquels il serait né le 1er mars 2001. Pour refuser la délivrance de ce titre de séjour, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur le rapport d'examen technique documentaire établi le 16 novembre 2018 par l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Pontarlier, qui a conclu que l'extrait du registre des actes d'état civil produit par le requérant devait être regardé comme une contrefaçon, après avoir relevé que ce document ne précisait ni l'âge, ni la nationalité des parents de l'intéressé, en méconnaissance de l'article 42 de la loi ivoirienne n° 99-691 du 14 décembre 1999, que l'exposition du document à un éclairage ultraviolet produisait une réaction non conforme à celle produite sur un document authentique, qu'il avait été réalisé à l'aide d'une imprimante à jet d'encre plutôt que par un procédé offset, que la police de caractère utilisée pour le document différait des documents de référence et que le cachet humide du centre principal de la commune de Daloa, apposé sur le document, était contrefait.

8. M. B... fait valoir que la délivrance des extraits du registre de l'état civil est régie, non par l'article 42 de la loi du 14 décembre 1999, applicable aux seuls actes de naissance, mais par l'article 52 de la loi du 7 octobre 1964, qui ne prescrit pas, quant à lui, la mention de l'âge et de la nationalité des parents de la personne concernée, que le recours à une imprimante à jet d'encre serait usuel dans les communes ivoiriennes et que, d'après le consulat de Côte d'Ivoire à Marseille, le cachet humide différerait selon les années. Toutefois, ces objections formulées en termes généraux ne permettent pas de remettre en cause les nombreux indices de contrefaçon relevés par l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, alors que l'intéressé n'a par ailleurs produit aucun autre document d'état civil de nature à confirmer sa date de naissance. Par suite, en estimant que M. B... n'avait pas justifié avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit, le préfet de la Haute-Saône n'a pas fondé sa décision de refus de titre de séjour sur des faits matériellement inexacts.

9. En troisième lieu, M. B..., entré en France en décembre 2017 est célibataire, sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant les efforts d'intégration que le requérant aurait faits à la suite des décisions l'ayant confié au service d'aide sociale à l'enfance, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le préfet de la Haute-Saône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour délivrer à l'intéressé le titre de séjour demandé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Il y lieu d'écarter, par les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 et aux points 6 à 8, les moyens tirés, respectivement, de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait prononcé une interdiction de retour en estimant à tort que le requérant avait frauduleusement dissimulé sa véritable identité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

2

N° 20NC00999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00999
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc00999 ?
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