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01/06/2021 | FRANCE | N°20NC03522

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 20NC03522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement no 2002539 du 26 novembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 21 avril 2020.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 2 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement no 2002539 du 26 novembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 21 avril 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ;

- les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et celles de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'ont pas été méconnues ;

- l'auteur de l'arrêté en litige disposait d'une délégation de signature régulière ;

- le dépôt d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'oppose pas à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; aucun élément médical n'est produit pour justifier que Mme B... ne pourrait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- il n'était pas tenu d'examiner d'office la demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- aucun élément ne justifiait de moduler le délai de départ volontaire ; il ne s'est pas cru lié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, Mme D... B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la demande de titre de séjour pour soins était complète antérieurement au prononcé de la décision attaquée.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité ukrainienne, née le 21 décembre 1953, est entrée irrégulièrement en France, en 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 novembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 septembre 2019. Par un arrêté du 21 avril 2020, pris sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle pourra être reconduite. Par un jugement du 26 novembre 2020, dont le préfet fait appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2017, à l'âge de soixante-trois ans, pour rejoindre ses deux filles et sa petite fille, dont deux ont acquis la nationalité française. Si elle n'est pas hébergée par ses enfants, il ressort des pièces du dossier que l'une de ses filles l'assiste dans l'ensemble de ses démarches. Par ailleurs, il ressort de plusieurs certificats médicaux que Mme B... est suivie par le centre psychothérapique de Nancy depuis 2018 pour un stress post-traumatique, qui serait lié à l'assassinat sous ses yeux de son frère en 2016, qui pourrait être réactivée par un éloignement physique de ses enfants. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors même que l'intéressée a vécu la majeure partie de sa vie en Ukraine, la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a retenu ce moyen pour annuler la décision du 21 avril 2020 portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que par voie de conséquence, celles fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.

Sur les frais de l'instance :

5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour Mme D... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 20NC03522 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03522
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;20nc03522 ?
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