La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2021 | FRANCE | N°20NC03482

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 20NC03482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler sa carte de résident.

Par un jugement n° 1900609 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, M. D... B..., représenté par la SCP A. C... et L. Cyferman, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°)

d'annuler le jugement n° 1900609 du tribunal administratif de Nancy du 18 juin 2020 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler sa carte de résident.

Par un jugement n° 1900609 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, M. D... B..., représenté par la SCP A. C... et L. Cyferman, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900609 du tribunal administratif de Nancy du 18 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est rédigé de façon stéréotypée et ne répond pas au moyen tiré de ce que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour serait insuffisamment motivée au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, en application des dispositions de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le retrait de la carte de résident ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait légalement refuser de faire droit à sa demande de renouvellement de sa carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles concernent uniquement la délivrance des titres de séjour ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur d'appréciation en considérant que son comportement représentait une menace pour l'ordre public ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2021, le préfet de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... est un ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 8 février 1956. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France, le 13 avril 2001, accompagné de son épouse. Le 30 mai 2001, le requérant a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 mars 2003, puis par la Commission des recours des réfugiés le 20 février 2004. Son épouse ayant obtenu la qualité de réfugiée le 20 février 2004, l'intéressé a été mis en possession d'une carte de résident, valable du 10 mars 2004 au 9 mars 2014. Par un arrêt du 31 janvier 2014, la cour d'assises du département de la Meurthe-et-Moselle a condamné M. B... à une peine de vingt années de réclusion criminelle pour des faits de meurtre sur quatre de ses enfants mineurs commis le 24 juin 2009. Détenu au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, le requérant a sollicité, le 20 juin 2017, le renouvellement de sa carte de résident. Par une décision du 18 mai 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à cette demande. Son recours gracieux formé par courrier du 20 juin 2018 s'étant heurté au silence de l'administration, M. B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 18 mai 2018. Il relève appel du jugement n° 1900609 du 18 juin 2020 qui rejette sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement aux allégations de M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement de première instance aurait été rédigé de façon stéréotypée, ni qu'il aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision en litige du 18 mai 2018 serait insuffisamment motivée au regard de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité pour ces motifs.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, la décision en litige, qui cite les textes dont elle fait application et procède à une analyse circonstanciée de la situation personnelle et familiale de M. B..., énonce dans ses motifs les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le retrait, motivé par la rupture de la vie commune, de la carte de résident délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage, sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue par le décès de l'un des conjoints ou en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait. le requérant soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que, en application des dispositions de l'article L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le retrait de la carte de résident ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage. ". Aux termes de l'article L. 314-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de résident est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. (...) ".

5. M. B... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions en cause, dès lors que, d'une part, son épouse n'a pas la nationalité française et, d'autre part, que la décision en litige, qui se borne à refuser le renouvellement de sa carte de résident, ne procède pas à son retrait. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté comme inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de résident est valable dix ans. Sous réserve des dispositions des articles L. 314-5 et L. 314-7, elle est renouvelable de plein droit. ". Aux termes de l'article L. 314-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions des articles L. 314-8 à L. 314-12, la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant ni à un ressortissant étranger condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal ou s'être rendu complice de celle-ci. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée. ". Aux termes de l'article L. 314-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : a) Son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ; (...) ". Aux termes de l'article 222-9 du code pénal : " Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. ".

7. Il est constant que M. B... a été condamné, par un arrêt du 31 janvier 2014 de la cour d'assises du département de la Meurthe-et-Moselle, à une peine de vingt années de réclusion criminelle pour des faits de meurtre sur quatre de ses enfants mineurs. Dans ces conditions, contrairement à ses allégations, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait légalement, sur le fondement des dispositions précitées, refuser à l'intéressé le renouvellement de sa carte de résident. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. En quatrième lieu, eu égard à la gravité des faits reprochés au requérant et à la lourdeur de sa condamnation, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que son comportement présentait une menace pour l'ordre public.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France, le 13 avril 2001, à l'âge de quarante-cinq ans et qu'il a été mis en possession d'une carte de résident, valable du 10 mars 2004 au 9 mars 2014. Toutefois, il est constant que l'intéressé, qui purge une peine de vingt ans de réclusion criminelle, ne sera libérable que le 2 avril 2027. Il vit séparé de son épouse et ne démontre pas, par la seule attestation d'un de ses fils, datée du 26 avril 2021, entretenir des relations suivies avec ses trois enfants survivants. Si l'intéressé présente une hémiplégie droite à la suite d'un accident vasculaire cérébral survenu en 2008 et bénéficie en prison d'une prise en charge médicale, il n'établit pas, ni même n'allègue, qu'une telle prise en charge ne pourrait pas être assurée en République démocratique du Congo. Par suite, alors que le requérant ne démontre pas davantage être isolé dans son pays d'origine, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 mai 2018. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 20NC03482 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03482
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;20nc03482 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award