Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Foncière du Rhin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler le titre exécutoire du 28 septembre 2016 émis à son encontre par Archéologie Alsace tendant au recouvrement de la somme 138 724,80 euros et d'autre part, d'annuler le titre exécutoire du 18 novembre 2016 émis à son encontre par Archéologie Alsace en vue de recouvrer la même somme et de prononcer la décharge des sommes correspondantes.
Par un jugement n°s 1605933, 1700355 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le titre exécutoire du 28 septembre 2016, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions présentées par la SARL Foncière du Rhin, en outre condamné cette société à verser les intérêts au taux légal sur la somme de 138 724,80 euros à compter du 18 décembre 2016 ainsi que la capitalisation des intérêts et enfin, mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mai 2019 et 18 août 2020, la SARL Foncière du Rhin, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en ce qu'il la condamne au versement des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2016 et au versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 18 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge d'Archéologie Alsace la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à l'argument tiré de ce qu'un autre contrat de fouille archéologique préventive d'une durée similaire dans une commune voisine avait fait l'objet d'une facturation moindre ;
- le titre exécutoire contesté ne mentionne pas les bases de liquidation et les éléments de calcul de la somme mise à sa charge et aucun des documents qui lui ont été adressés antérieurement ne lui permet de connaître avec précision les bases de liquidation ;
- la signature sans réserve du procès-verbal de fin de chantier prévu par l'article 9-1 du contrat litigieux ne saurait, par elle-même, entraîner l'obligation de payer, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- l'extraction informatique produite par Archéologie Alsace ne permettait pas de vérifier l'exactitude des montants facturés ;
- elle est fondée à contester la réalité des moyens humains et matériels mis en oeuvre, qu'elle n'a jamais été en mesure de connaître avec certitude ;
- les intérêts ne sauraient être mis à sa charge, dès lors que c'est à juste titre qu'elle a contesté les sommes mises à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2019, l'établissement public Archéologie Alsace, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL Foncière du Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la facture du 6 avril 2016 précisait suffisamment les bases de la liquidation et les éléments de calcul ;
- il établit, par de nombreuses pièces justificatives, le bien-fondé de sa créance ;
- la société requérante s'est engagée à verser le montant stipulé par le contrat du 20 mars 2013 et n'a pas contesté la réalité des prestations réalisées en signant le procès-verbal de fin de chantier qui n'est assorti d'aucune réserve ;
- la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les prix pratiqués sont excessifs en comparant le contrat litigieux avec un autre contrat dans une autre commune.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour Archéologie Alsace.
Considérant ce qui suit :
1. La société Foncière du Rhin a entrepris de construire un lotissement au lieu-dit " Buchfeld, rue des Cigognes " sur le territoire de la commune de Muttersholtz. Par un arrêté du 14 décembre 2012, le préfet de la région Alsace lui a prescrit la réalisation de fouilles archéologiques préventives dans le cadre de cette opération. A cette fin, la société Foncière du Rhin et le Pôle d'Archéologie Interdépartemental Rhénan, désormais dénommé Archéologie Alsace, ont signé, le 20 mars 2013, un contrat de fouille d'archéologie préventive pour une tranche ferme d'un montant de 258 685,22 euros hors taxes et une tranche conditionnelle d'un montant de 5 986 euros hors taxes. Le procès-verbal de fin de chantier a été signé sans réserve le 24 février 2014. En règlement du solde de ce marché, au titre duquel la société Foncière du Rhin a versé deux acomptes, Archéologie Alsace a émis une facture d'un montant de 138 734,80 euros toutes taxes comprises (TTC). En l'absence de règlement, l'établissement public Archéologie Alsace a émis un premier titre exécutoire, le 28 septembre 2016, retiré par un second titre exécutoire émis le 18 novembre 2016 pour la somme de 138 734,80 euros TTC. Par un jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le titre exécutoire du 28 septembre 2016, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions présentées par la société Foncière du Rhin tendant à l'annulation du titre exécutoire du 18 novembre 2016, en outre condamné cette société à verser les intérêts au taux légal sur la somme de 138 724,80 euros à compter du 18 décembre 2016 ainsi que la capitalisation des intérêts et enfin, mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans le dernier état de ses écritures, la société Foncière du Rhin relève appel de ce jugement, à l'exception de son article 1er relatif au non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation du titre exécutoire du 28 septembre 2016 et demande à titre principal l'annulation du titre exécutoire du 18 novembre 2016 et, à titre subsidiaire, l'annulation de ce jugement en ce qu'il met à sa charge le versement des intérêts au taux légal ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments, a suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui, tiré du caractère non fondé de la créance alors même qu'il n'a pas fait état de l'argument selon lequel un contrat de fouille d'archéologie préventive dans une commune voisine pour la même durée avait été facturé moins cher que celui en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions présentées à titre principal par la société Foncière du Rhin :
En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire du 18 novembre 2016 :
3. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. / (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Les collectivités publiques ne peuvent mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elles se sont fondées pour déterminer le montant de la créance.
4. En l'espèce, le titre exécutoire litigieux, qui se borne à mentionner qu'il est relatif au solde des fouilles pour le lotissement de Buchfeld et à indiquer le montant dont la société foncière du Rhin est redevable, n'indique pas les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis. Il se réfère cependant expressément à la facture définitive des fouilles préventives du 6 avril 2016 que la société requérante ne conteste pas avoir reçue. Or, cette facture, adressée à la société foncière du Rhin quelques mois avant l'émission du titre exécutoire du 18 novembre 2016, indique précisément, pour chaque poste de facturation dont l'intitulé est précisé, le prix unitaire, le nombre de jours ou les quantités facturés ou le montant du prix forfaitaire pour quelques-unes des prestations prévues ainsi que le prix total pour chacun des postes pour chacune des phases du chantier. Alors même que certains des prix seraient, ainsi que l'allègue la requérante, contradictoires avec ceux mentionnés dans d'autres documents qui lui ont été adressés postérieurement, les contradictions alléguées, qui portent sur le bien-fondé de la créance, sont sans incidence sur la régularité en la forme du titre exécutoire.
5. Le moyen tiré de l'irrégularité du titre exécutoire du 18 novembre 2016 doit, en conséquence, être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
6. L'article 9-1 relatif au procès-verbal de fin de chantier du contrat litigieux stipule que : " Lorsqu'il cesse d'occuper le terrain, le PAIR dresse un procès-verbal de fin de chantier, de façon contradictoire en présence d'un représentant de l'aménageur, en deux exemplaires originaux dont l'un est remis à l'aménageur. / Ce procès-verbal a un triple objet : / - il constate la cessation de l'occupation par l'établissement public et fixe en conséquence la date à partir de laquelle l'établissement public ne peut plus être considéré comme responsable de la garde et de la surveillance du chantier et à partir de laquelle l'aménageur recouvre l'usage du terrain ; / - il constate également l'accomplissement des obligations prévues par le présent contrat ; / - il mentionne, le cas échéant, les réserves formulées par l'aménageur. Dans ce cas, un nouveau procès-verbal constatera la levée de ces réserves ".
7. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment du projet d'intervention scientifique du contrat de fouille d'archéologie préventive du 20 mars 2013, qu'il détaillait les prestations à réaliser au cours des différentes phases de travaux, notamment les phases de fouilles archéologiques et post-fouilles ainsi que les moyens humains et matériels mobilisés à cet effet. Il précisait, pour chacune de ces phases, les fonctions des intervenants, le contenu de leur travail et la durée prévisionnelle de leur intervention sur le chantier de Buchfeld. Un tableau, joint au contrat, récapitulait ces données.
8. D'autre part, la réalité des interventions réalisées est établie par le procès-verbal de fin de chantier dressé le 24 février 2014, signé sans réserve par la société Foncière du Rhin. La société Archéologie Alsace a, en outre, produit un tableau récapitulatif faisant apparaître le nombre de jours prévisionnels stipulé par le contrat et le nombre de jours de travail effectivement réalisé pour chacune des phases du chantier et chaque catégorie d'intervenants, plusieurs courriers explicatifs ainsi qu'une extraction informatique de ses fichiers de ressources humaines avec les jours de travail sur le chantier de Buchfeld qui permet, par comparaison avec les stipulations contractuelles et la facture du 6 avril 2016 d'établir les heures réellement travaillées sur ce chantier. A cet égard, l'intervention d'un archéozoologue pour dix jours ouvrés, alors même qu'elle ne figurait pas dans le tableau récapitulatif annexé au contrat, était expressément prévue durant la phase d'exploitation des données (phase " post-fouilles ") par les stipulations du projet d'intervention scientifique. Elle ne saurait, en conséquence, être regardée comme une prestation supplémentaire, alors au surplus, que son caractère indispensable à l'exploitation du résultat des fouilles n'est pas contesté. En outre, il résulte de la facture du 6 avril 2016 que le nombre de jours total de main d'oeuvre sur le chantier a finalement été moins important que celui prévu par les stipulations contractuelles et qu'ainsi la somme totale mise à la charge de la société Foncière du Rhin, qui correspond au nombre de jours réellement travaillés (" consommés ") sur le chantier litigieux, a été minorée en conséquence à hauteur de onze jours. La somme globale mise à la charge de la société requérante correspond ainsi au nombre de jours réellement effectués par les personnels d'Archéologie Alsace en ce qui concerne les fouilles de Buchfeld, sans que la société requérante ne puisse utilement invoquer à cet égard la facture initialement émise le 8 mars 2016, à laquelle s'est substituée celle du 6 avril 2016, qui a rectifié les erreurs dont était entachée la facture initiale.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Foncière du Rhin n'est pas fondée à soutenir que l'exactitude de la somme mise à sa charge n'est pas établie.
10. En dernier lieu, la société Foncière du Rhin ne saurait utilement soutenir, en comparant le montant mis à sa charge en règlement du marché litigieux et celui d'un contrat de fouille d'archéologie préventive d'une durée similaire sur le territoire d'une commune voisine, que les tarifs mis à sa charge par Archéologie Alsace sont excessifs, alors d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les prestations réalisées dans le cadre de ces deux contrats seraient identiques et d'autre part, qu'elle a signé le contrat du 20 mars 2013, par lequel elle acceptait de régler la somme de 258 685,22 euros hors taxes au titre de la tranche ferme. La confusion alléguée entre la facturation de ces deux contrats n'est pas davantage établie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Foncière du Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire du 18 novembre 2016.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Foncière du Rhin :
12. A l'appui de la contestation des intérêts au versement desquels elle a été condamnée par le jugement contesté, la société requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle était fondée à demander des justificatifs supplémentaires sur la somme mise à sa charge et qu'elle n'avait aucune certitude quant au montant réellement exigible, ces intérêts découlant du simple constat de non-paiement de sa créance due indépendamment de toute appréciation sur son comportement.
Sur les frais liés à l'instance :
En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens de première instance :
13. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en mettant à la charge de la société Foncière du Rhin la somme de 1 500 euros à verser à Archéologie Alsace, le tribunal administratif de Strasbourg a fait une inexacte appréciation des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Foncière du Rhin tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué doivent être rejetées.
En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens en appel :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Archéologie Alsace, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Foncière du Rhin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Foncière du Rhin le versement à Archéologie Alsace de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Foncière du Rhin est rejetée.
Article 2 : La SARL Foncière du Rhin versera à Archéologie Alsace une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Foncière du Rhin et à l'établissement public Archéologie Alsace.
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N° 19NC01415