La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2021 | FRANCE | N°19NC03276

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19NC03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéro 1900750 du 23 mai 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

12 novembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéro 1900750 du 23 mai 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision en violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée au vu de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire : porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés, viole l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une erreur fait ainsi qu'une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- en dépit de la décision de la Cour nationale du droit d'asile il conservait le droit de se maintenir sur le territoire en vertu des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le délai de recours contre cette décision n'était pas expiré ;

- la décision fixant le pays de destination : viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, en raison des risques pour sa vie en cas de retour en Egypte et alors qu'il n'est pas admissible dans un autre pays.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité égyptienne, est entré en France à la date déclarée du 29 mai 2017 et a sollicité auprès des autorités françaises son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 19 janvier 2018, confirmée le 20 février 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 18 mars 2019, le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté attaqué mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé afin de prendre à l'encontre de M. D... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile et se serait refusé à examiner l'ensemble de la situation de M. D... avant de prendre les décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

4. M. D... s'étant vu refuser le statut de réfugié et ne pouvant par suite prétendre ni à la carte de résident à laquelle ouvre droit la qualité de réfugié statutaire ni à la carte de séjour temporaire à laquelle ouvre droit le bénéfice de la protection subsidiaire, le préfet de la Marne a pu légalement décider de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement dans les conditions prévues par les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État à l'encontre des décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile étant dépourvu de caractère suspensif, M. D... ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté attaqué la circonstance que le délai pour se pourvoir en cassation n'était pas expiré à la date où le préfet l'a obligé à quitter le territoire français.

5. Si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

6. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. Dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger. Or, l'étranger est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

8. En l'espèce, M. D... a pu présenter les observations sur sa situation qu'il estimait utiles dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. Il n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêché de présenter des observations ou des documents avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. De plus, il ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de sa demande d'asile, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Enfin et en tout état de cause, il n'apporte aucun élément de nature à faire penser que le préfet l'aurait empêché de présenter une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. M. D... est entré très récemment en France où il n'a aucune attache. Il n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale en dehors du territoire national et ne justifie pas davantage être dépourvue d'attaches familiales en Egypte, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident encore deux de ses filles. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par les mêmes motifs M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplirait les conditions pour une admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel, au demeurant, ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision attaquée serait, au cas particulier, entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

10. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision d'éloignement laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. La décision fixant le pays de renvoi précise que le requérant pourra être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible. Si l'arrêté litigieux ne précise pas un pays déterminé, il mentionne que le requérant est de nationalité égyptienne. Cette décision a ainsi pour objet de fixer comme pays de destination l'Egypte, à moins que M. D... n'établisse être admissible dans un autre pays. Cette destination ne saurait, de ce fait, être regardée comme indéterminée et, pour ce motif, illégale.

12. M. D... fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Egypte car il y a été victime de violences de la part de sa belle-famille du fait de son union avec une femme chrétienne alors qu'il est musulman et également de la part des autorités en raison de son refus d'effectuer son service militaire. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à démonter l'existence de risques actuels, sérieux et personnels auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant l'Egypte comme pays de renvoi, le préfet de la Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les principes découlant de la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ou de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

N° 19NC03276 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03276
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;19nc03276 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award