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08/04/2021 | FRANCE | N°18NC03361

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 08 avril 2021, 18NC03361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803427 du 24 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018 et des m

émoires complémentaires enregistrés le 13 mars, le 1er avril, le 4 septembre 2019, le 5 et 30 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803427 du 24 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018 et des mémoires complémentaires enregistrés le 13 mars, le 1er avril, le 4 septembre 2019, le 5 et 30 novembre 2020 et le 28 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résident algérien valable un an portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l'ensemble des décisions contestées :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée.

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale ;

- elle méconnaît les articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport transmis au collège ;

- il appartenait au médecin rapporteur de l'OFII d'user de la faculté qu'il détient en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pour demander des informations complémentaires nécessaires à son appréciation dès lors que le certificat médical établi par son médecin traitant pour les besoins de l'instruction de sa demande de titre de séjour ne précisait pas le nom des médicaments administrés ; en s'abstenant de solliciter un tel complément d'information, l'instruction de sa demande par le collège de médecins de l'OFII s'est faite en méconnaissance de l'article R. 4127-33 du code de la santé publique et de l'annexe à l'arrêté du 5 janvier 2017 dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur la disponibilité en Algérie des médicaments qui lui étaient prescrits et que n'a pas été prise en compte la continuité des soins psychiatriques dont le requérant bénéficie en France ;

- le rapport du médecin de l'OFII n'a pas été établi conformément à l'article 3 et de l'annexe B de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII n'a pas été précédé d'une délibération collégiale en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le préfet n'ayant pas produit de défense, l'avis de l'OFII n'a pas été produit aux débats ;

- la charge de la preuve de la disponibilité du traitement dans le pays d'origine ne peut être mise à sa charge alors que son droit au libre accès à la base de données BISPO n'est pas respecté ; il a été dans l'obligation de saisir la commission d'accès aux documents administratifs ; le préfet n'apporte pas la preuve qu'il existe un équivalent en Algérie à l'ensemble des médicaments qu'il doit prendre ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a méconnu l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- il justifie que certains des médicaments qui font partie de son traitement ne sont pas disponibles en Algérie ;

- en prenant la décision contestée, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il appartient à l'administration, en cas de contestation, d'établir que les médecins de l'OFII ont rendu leur avis en respectant les orientations générales fixées par le ministre de la santé et reprise à l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C....

- et les observations de Me A... représentant M. D... B..., dont l'épouse a été invitée par le président de la formation de jugement à s'exprimer sur certains éléments de fait.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré en France régulièrement le 12 novembre 2015. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien du 14 septembre 2016 au 13 septembre 2017 en raison de son état de santé. Par un arrêté du 3 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 24 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été adopté à sa naissance par le cousin de son père biologique, par un acte de recueil légal du 18 novembre 1982, et que l'ensemble des membres de sa famille adoptive réside de manière régulière en France. Ainsi, il est établi que son père adoptif est arrivé en France en 1999 et a obtenu la nationalité française, que son frère Djamel et l'une de ses soeurs, arrivés sur le territoire français en 2006, bénéficient d'une carte de résident de dix ans, que sa mère adoptive est titulaire depuis 2010 d'une carte de résident d'un an régulièrement renouvelée en raison de son état de santé et enfin que sa soeur E..., venue en France en 2013, bénéficie d'un titre de séjour au motif que l'ensemble des membres de sa famille est présent en France. Par ailleurs, il ressort des attestations de ses frère et soeurs, produites pour la première fois en appel, et du certificat médical confidentiel du 29 août 2017 adressé à l'OFII que c'est précisément à compter de 2013, date à laquelle il s'est trouvé séparé de l'ensemble de sa famille adoptive, que M. B..., resté en Algérie avec son épouse, a développé de graves troubles psychiatriques pour lesquels il a fait l'objet d'une hospitalisation dans son pays et qui nécessitent, depuis son arrivée en France, en août 2015, une prise en charge psychologique et médicamenteuse constante. A ce titre, les pièces médicales produites, notamment le certificat médical du 15 mai 2018 établi par un médecin psychiatre, attestent que M. B... bénéficie d'un suivi au sein d'un centre de jour en santé mentale qui lui propose notamment une prise en charge hebdomadaire en hôpital de jour. Le psychiatre indique dans ce certificat, après avoir relevé l'amélioration de l'état psychique de l'intéressé et de ses relations familiales, qu'un retour dans son pays d'origine " nous semble être un facteur de risque important de rechute, dans la mesure où il a vécu là-bas sa prise en charge psychiatrique de façon très traumatique, mais aussi car cela romprait le lien thérapeutique établi sur notre secteur ainsi que le cadre institutionnel, rassurant et étayant qui est indispensable au maintien de son état clinique actuel ". Dans ces conditions, et comme le fait valoir le requérant, il apparaît que le soutien des membres de sa famille adoptive, qui résident régulièrement en France, est indispensable à la stabilisation de sa pathologie et au suivi de son traitement. Par ailleurs, il est établi que son frère Djamel a hébergé le requérant en 2017 avec son épouse et ses enfants alors que l'intéressé exerçait des fonctions d'agent de service, ce qui lui a permis d'obtenir un logement social en 2018. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard aux capacités d'intégration de l'intéressé et du contexte familial spécifique dont il bénéficie en France, lequel est particulièrement nécessaire à l'amélioration de son bien-être psychique et à la stabilisation de sa pathologie, la décision refusant à M. B... le renouvellement de son titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. La décision de refus de titre de séjour doit, pour ce motif être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

6. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à Me A..., avocate de M. B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803427 du 24 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé d'accorder à M. B... le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 18NC03361 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03361
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-08;18nc03361 ?
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