La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2021 | FRANCE | N°20NC01185

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mars 2021, 20NC01185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement no 1907204 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 3 juin 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement no 1907204 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 décembre 2020, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de sa nationalité ;

2°) d'annuler le jugement du 4 décembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivré un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur de droit car elle est de nationalité française. Sa nationalité conditionnant l'issue du litige, il convient de poser une question préjudicielle à la juridiction civile en application de l'article 29 du code civil et de l'article R. 771-2 du code de justice administrative ;

- elle méconnaît les articles 7 et 7bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien précité;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que, devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des articles 6 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme Grossrieder, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 24 août 2013, sous couvert d'une carte spéciale délivrée par le ministère des affaires étrangères eu égard à sa qualité d'épouse de M. B..., consul adjoint du consulat d'Algérie à Nice. Ce titre de séjour était valable jusqu'au 25 octobre 2018. Le 22 janvier 2018, Mme E... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Le 25 juillet 2018, Mme E... a restitué sa carte spéciale au ministère des affaires étrangères. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme E... fait appel du jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ". Aux termes de l'article 29 du même code : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire (...) ". L'exception de nationalité française ne constitue, en vertu des dispositions précitées, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Il résulte, en outre, de l'article 30 de ce code que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962, aujourd'hui codifiées à l'article 32-1 du code civil : " Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne. ".

5. Il résulte clairement de ces dispositions que les Français domiciliés en Algérie au 3 juillet 1962, date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, ont conservé de plein droit la nationalité française lorsqu'ils relevaient du statut civil de droit commun, quelle que fût leur situation au regard de la nationalité algérienne. Un Français relevant du statut civil de droit local pouvait bénéficier du statut civil de droit commun en vertu d'un décret ou d'un jugement d'admission à ce statut pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou de la loi du 18 août 1929.

6. Mme E... soutient que son arrière-grand-père, M. C... G... E..., et son grand-père, M. H... E..., disposaient de la nationalité française, que son père, M. F... E..., disposait en conséquence de la nationalité française et qu'elle est donc elle-même de nationalité française. A cet égard, elle produit les actes de naissance des membres de sa famille destinés à établir les liens de filiation allégués. Elle verse également aux pièces du dossier le décret de naturalisation de son arrière-grand-père du 16 août 1888 pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et le certificat de nationalité du 17 août 1961 par lequel son grand-père a été reconnu citoyen français comme fils de M. C... G... E... par le président du tribunal d'instance d'Alger. Dans ces conditions, la question de savoir si Mme E... a acquis la nationalité française par filiation soulève une difficulté sérieuse qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une instance serait actuellement pendante devant la juridiction compétente ou que cette dernière aurait rendu une décision se prononçant sur cette question. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer sur la requête de Mme E... jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question. En vertu des dispositions précitées du code de justice administrative, il appartient à la cour de transmettre cette question préjudicielle à la juridiction compétente, laquelle est le tribunal judiciaire de Strasbourg, dans le ressort duquel la requérante demeure.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme E... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Strasbourg se soit prononcé sur la question de savoir si elle a ou non la nationalité française au 24 juillet 2019.

Article 2 : La question mentionnée à l'article précédent est transmise au tribunal judiciaire de Strasbourg.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., au ministre de l'intérieur et au président du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC01185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01185
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-25;20nc01185 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award