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03/12/2020 | FRANCE | N°19NC00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19NC00253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que les pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1605956 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. et M

me C..., représentés par Me Gerardin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que les pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1605956 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. et Mme C..., représentés par Me Gerardin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2018 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré ;

2°) de prononcer la décharge de ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- une incertitude quant à la règle fiscale applicable existait avant que n'intervienne la décision du CE n°395983 du 24 février 2017 en raison d'un important courant jurisprudentiel qui permettait de fonder la position retenue par les requérants ;

- la circonstance qu'ils aient retenu une position différente de celle exprimée par l'administration dans sa doctrine ne saurait constituer un manquement délibéré justifiant l'application des pénalités correspondantes dès lors que cette doctrine ne leur était pas opposable ;

- ils s'étaient fondés sur l'avis exprimé par des spécialistes du droit fiscal, notamment les édictions Francis Lefebvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative,

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... détiennent la nue-propriété des parts des sociétés civiles immobilières (SCI) Rond-point du Fort et Carrefour des Aviateurs. A la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Optimum Management, qui possède l'usufruit de ces mêmes parts, le service a, par une proposition de rectification du 12 novembre 2014, établie selon la procédure de rectification contradictoire, remis en cause la déduction des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de la nue-propriété desdites parts, que les intéressés avaient réalisée sur leurs revenus fonciers au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour des montants respectifs de 176 547 euros, 168 852 euros et 159 407 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2018 en tant seulement qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des pénalités de 40 % pour manquement délibéré qui leur ont été infligées au titre des années précitées.

Sur le bien-fondé des pénalités :

2. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

3. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait notamment valoir que les contribuables ne pouvaient pas ignorer, en leur qualité de professionnels de l'immobilier, conseillés par des spécialistes du droit fiscal, qu'ils ne pouvaient déduire de leurs revenus fonciers les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de la nue-propriété des parts des sociétés civiles immobilières (SCI) Rond-point du Fort et Carrefour des Aviateurs, alors que les revenus étaient perçus par la société Optimum Management, usufruitière de ces mêmes parts. L'administration fiscale et les premiers juges ont en particulier relevé qu'il n'existait pas d'incertitude quant à l'application de la règle fiscale résultant de l'application des dispositions combinées des articles 13, 14, 28 et 31 du code général des impôts.

4. Il résulte, toutefois, de l'instruction que si dans la décision du conseil d'Etat n°395983 du 24 février 2017, rendu sur le recours de M. et Mme C... tendant à l'annulation du refus d'abroger le paragraphe 160 de l'instruction fiscale BOI-RFPI-BASE-20-80-20120912 du 12 septembre 2012, il a été précisément jugé que les intérêts des emprunts contractés personnellement par le nu-propriétaire pour financer l'acquisition de la nue-propriété des parts d'une société de personnes détenant un immeuble donné en location ne peuvent être regardés comme une charge exposée en vue de l'acquisition ou la conservation d'un revenu foncier et ne sont par conséquent pas déductibles des revenus fonciers que l'intéressé percevrait à raison d'autres biens ou droits immobiliers, il est constant que cette décision, qui se présente comme une décision de principe, a été rendue postérieurement aux années d'impositions en litige. En outre, la jurisprudence du conseil d'Etat antérieure à cette décision n°395983 du 24 février 2017, illustrée notamment par les deux décisions n° 11228 du 11 octobre 1978 et n° 4896 du 21 février 1979 citées par les requérants, indique que le nu-propriétaire est en droit de déduire les charges qu'il a personnellement assumées dès lors que ces charges seraient déductibles si le droit de propriété n'était pas démembré. Cette solution jurisprudentielle a été et est toujours regardée par les commentateurs autorisés et les spécialistes du droit fiscal comme un courant de jurisprudence " pragmatique " de nature à permettre le cas échéant d'intégrer les charges relatives à l'acquisition de la nue-propriété des parts d'une société de personnes détenant un immeuble donné en location. Enfin, la seule circonstance que les contribuables aient retenu une interprétation de la règle de droit différente de celle exprimée par l'administration dans sa doctrine ne saurait suffire à établir l'intention délibéré d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à se prévaloir des incertitudes sur l'application de la règle fiscale avant que n'intervienne la décision précitée du conseil d'Etat du 24 février 2017. En conséquence, en se bornant à invoquer l'importance des rappels notifiés et la répétition du manquement au cours des trois années en litige, l'administration ne peut être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement reproché aux contribuables.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C... à l'occasion du litige et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignés au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2018 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N°19NC00253 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 03/12/2020
Date de l'import : 18/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC00253
Numéro NOR : CETATEXT000042622692 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-03;19nc00253 ?
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