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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC01333-19NC01334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC01333-19NC01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 août 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination.

Par un jugement n° 1806459,1806460 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregi

strée sous le n°19NC01333 le 2 mai 2019, Mme A... E..., représentée par Me F..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 août 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination.

Par un jugement n° 1806459,1806460 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°19NC01333 le 2 mai 2019, Mme A... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination

2°) d'annuler cet arrêté du 3 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le défaut de prise en charge médicale de son fils est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- le traitement de son fils n'est pas disponible en Serbie ;

- la décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elles doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°19NC01334 le 2 mai 2019, M. C... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination

2°) d'annuler cet arrêté du 3 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le défaut de prise en charge médicale de son fils est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- le traitement de son fils n'est pas disponible en Serbie ;

- la décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elles doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., nés respectivement en 1982 et en 1986 et de nationalité serbe, sont entrés en France le 23 août 2016. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 19 septembre 2017. Le 8 novembre 2017, M. et Mme E... ont déposé une demande de titre de séjour en faisant valoir l'état de santé de leur fils. Par arrêtés du 3 août 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 3 août 2018.

Sur la légalité des refus de titres de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'OFII, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. "

3. Pour rejeter les demandes de titre de séjour de M. et Mme E..., le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII du 25 avril 2018 selon lequel l'état de santé de leur fils B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les requérants soutiennent au contraire que l'arrêt de la prise en charge pluridisciplinaire de leur fils aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Ils produisent un certificat médical du service de chirurgie pédiatrique de l'hôpital de Hautepierre de Strasbourg du 17 février 2017 et un compte-rendu opératoire qui indiquent que leur fils, atteint d'une maladie des brides amniotiques, a déjà été opéré à trois reprises en Serbie. Des lymphoedèmes localisés étant encore présents à ses mains et pieds, il a subi une nouvelle intervention chirurgicale en France le 9 mai 2017. Une nouvelle intervention chirurgicale auprès du centre de chirurgie orthopédique et de la main de Strasbourg était prévue le 30 octobre 2018. L'enfant était suivi par un ergothérapeute, par un kinésithérapeute et par un psychologue. Si les éléments produits établissent la nécessité, à la date des décisions attaquées, d'un suivi particulier et d'une nouvelle intervention chirurgicale, ils ne mentionnent pas pour autant que l'arrêt de la prise en charge pluridisciplinaire dont bénéficie le fils de M. et Mme E... aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour ce dernier. Dans ces conditions, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le préfet du Bas-Rhin, lequel s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'OFII. En outre, si les requérants allèguent qu'il n'existe pas de traitement approprié dans leur pays d'origine en se prévalant de l'échec des trois opérations chirurgicales réalisées en Serbie, ils ne l'établissent pas. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il n'est pas établi que la prise en charge de l'enfant ne pourrait pas se poursuivre en Serbie. Les requérants ne justifient pas non plus que leur fils ne pourrait poursuivre sa scolarité en Serbie en raison de son handicap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... étaient en France depuis deux ans à la date des décisions attaquées. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales en Serbie où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 34 et 30 ans, et où résident encore leurs parents ainsi que leurs frères et soeur. S'ils se prévalent de la scolarisation en petite section de maternelle de leur fils B... né en 2014, ils n'établissent pas qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité débutante au Kosovo. Par ailleurs, les requérants ne justifient pas d'une insertion particulière depuis leur arrivée en France. Dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que les requérants, qui font l'objet tous deux d'une mesure d'éloignement, poursuivent leur vie familiale dans leur pays d'origine. Il s'ensuit que les décisions attaquées ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions et stipulations citées ci-dessus. Pour les mêmes raisons, le préfet du Bas-Rhin n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de séjour.

9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... E... et Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01333, 19NC01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01333-19NC01334
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc01333.19nc01334 ?
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