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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC01214

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC01214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

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Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 18 avril 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 1802568 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 18 avril 2019 et 16 mars 2020, Mme A... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté du 7 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des quatre critères énoncés par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née en 1996 et de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement en France le 8 mai 2013 selon ses déclarations. A la suite de son interpellation par les forces de l'ordre, le préfet de l'Aube a pris à son encontre une mesure d'éloignement le 17 mai 2013. La légalité de cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 13 mars 2014. Mme D... s'est maintenue sur le territoire français et a sollicité le 1er septembre 2014 un titre de séjour qui a fait l'objet le 25 août 2016 d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy le 8 août 2017. Par courrier du 17 avril 2018, le préfet de l'Aube a rappelé à Mme D..., qui sollicitait à nouveau son admission au séjour, le sens de son arrêté du 25 août 2016. Le 14 mai 2018, Mme D... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour afin de poursuivre sa scolarité en France. Par arrêté du 7 novembre 2018, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Mme D... relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 novembre 2018.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 novembre 2018 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Mme D... est entrée en France le 16 mai 2013 en situation de minorité. Elle s'est maintenue sur le territoire national en dépit de deux mesures d'éloignement des 17 mai 2013 et 25 août 2016 et du rejet définitif de ses recours tendant à l'annulation de ces décisions. Cependant, la requérante a été scolarisée dès l'année suivant celle de son arrivée en France et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle " services hôteliers " le 4 juillet 2016 ainsi qu'un brevet d'études professionnelles " accompagnement, soins et services à la personne ". Elle s'est inscrite au titre de l'année scolaire 2018/2019 en bac professionnel " accompagnement, soins et services à la personne ". Elle justifie de bons résultats tout au long de son cursus scolaire et elle produit des attestations de membres de l'équipe pédagogique dont il ressort qu'elle est une élève sérieuse et appréciée par ses professeurs. Les évaluations de stage des 26 juin et 19 octobre 2017 soulignent également sa rigueur et son application. Mme D... démontre ainsi d'une réelle capacité à s'insérer socialement et professionnellement en France. D'ailleurs, l'intéressée, a en outre été admise à l'institut de formation d'aides-soignants de la Croix rouge de Champagne-Ardenne pour 2020, circonstance certes, postérieure à la décision attaquée et donc sans incidence sur la légalité de cette décision mais qui corrobore la capacité d'insertion sociale et professionnelle de la requérante. Quant à ses attaches dans son pays d'origine, le rapport social du 26 novembre 2018 de la structure qui l'accueille et l'accompagne, mentionne l'absence de tout contact avec sa famille. Cet élément n'est pas contesté par le préfet en défense. Contrairement à sa situation isolée dans son pays d'origine, la requérante justifie avoir tissé des liens amicaux en France. Il s'ensuit qu'en dépit de son maintien irrégulier en France, dans les conditions très particulières de l'espèce compte tenu de ses efforts indéniables d'intégration, de la durée de son séjour en France et de son isolement dans son pays d'origine, le préfet de l'Aube a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et a, dès lors, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté du 7 novembre 2018 doit être annulé dans son ensemble.

4. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu des motifs du présent arrêt, l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2018, implique nécessairement la délivrance à Mme D... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

6. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B..., avocate de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mars 2019 et l'arrêté du préfet de l'Aube du 7 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à Mme D... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 19NC01214


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 15/10/2020
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC01214
Numéro NOR : CETATEXT000042433898 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc01214 ?
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