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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC01194

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC01194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui a été assigné au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1701406 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de

la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2019, ains...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui a été assigné au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1701406 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2019, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 24 octobre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 29 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions laissées à sa charge ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal aurait dû surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Nancy saisi de la même opération en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le prix de vente du terrain de la SCI Grube à la SCI Isenfeld n'a pas été minoré, le prix de 240 500 euros stipulé correspondant à un terrain non viabilisé alors que l'estimation de l'administration repose sur celui d'un terrain viabilisé ;

- en l'absence d'écart significatif entre l'estimation de l'administration et le prix stipulé la preuve d'une intention libérale n'est pas rapportée par elle ;

- en l'absence de correction du bilan de la SCI Isenfeld, l'administration procède à une double taxation ;

- les bénéfices d'une SCI non soumise à l'impôt sur les sociétés ne peuvent constituer des revenus de capitaux mobiliers taxables sur le fondement de l'article 111 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Grube a pour activité la location de biens immobiliers. Son capital est détenu par deux associés, la SARL D... Finances, à hauteur de 55 % des parts, et la SARL D... Transport, à hauteur de 45 % des parts. La SCI Grube n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés, ses bénéfices sont imposables entre les mains de ses associés à proportion de leurs droits dans le capital en vertu de l'article 8 du code général des impôts. Ces deux associés étant imposables à l'impôt sur les sociétés, leurs parts des bénéfices de la SCI Grube sont déterminées comme en matière de bénéfices industriels et commerciaux. Par un acte authentique du 12 février 2013, la SCI Grube a vendu à la SCI Isenfeld un terrain situé sur le territoire de la commune de Chatenois (Bas Rhin) cadastré Section 49 n°s 119 à 123, d'une contenance de 3 hectares 49 ares 7 centiares, moyennant le prix de 240 500 euros. La SCI Grube a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à la suite de laquelle, par une proposition de rectification du 4 décembre 2014, le service, a estimé que la cession de ce terrain avait été consentie pour un prix inférieur à sa valeur vénale, qu'il a fixée à 731 543 euros toutes taxes comprises (TTC), et a réintégré en conséquence la différence dans le résultat imposable de la SCI Grube après avoir estimé que la cession à un prix minoré d'un élément de son actif ne correspondait pas à une gestion commerciale normale. En réponse aux observations du contribuable, le service a accepté de ramener la valeur vénale du terrain litigieux à 671 765 euros TTC. L'administration ayant décidé de suivre l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 1er février 2016, la valeur vénale du terrain a en définitive été ramenée à la somme de 330 000 euros TTC. M. E... D..., en sa qualité d'associé à 50 % de la SCI Isenfeld, a été regardé, par une proposition de rectification du 16 décembre 2014 et suivant la procédure contradictoire de rectification, comme le bénéficiaire ultime des revenus regardés comme distribués par la SCI Grube, par l'intermédiaire de ses deux associées soumises à l'impôt sur les sociétés, lesquelles ont vu leur bénéfice rectifié par propositions de rectification du mois de décembre 2014 à raison du rehaussement de son résultat, au profit de la SCI Isenfeld à l'occasion de la cession de ce terrain. M. D... et a été imposé en conséquence sur le montant de cette distribution dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à proportion de ses droits dans le capital. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales consécutifs à cette procédure de rectification ayant été mis en recouvrement au cours de l'année 2016, M. D... a, par une réclamation préalable du 26 juillet 2016, demandé le dégrèvement de ces impositions supplémentaires ainsi que des majorations. Par une décision du 18 janvier 2017 l'administration a rejeté cette réclamation. Par le jugement attaqué du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de la demande. M. D... relève appel de ce jugement dans la mesure où il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les revenus de capitaux mobiliers de M. D... :

2. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1°) tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". En vertu de l'article 110 du même code, pour l'application de ce texte, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le cas échéant augmentés de l'écart entre le bénéfice fiscal et le bénéfice comptable avant impôt et diminués du montant de l'impôt. En outre, en vertu du c) de l'article 111 du code général des impôts, les " rémunérations et avantages occultes " constituent de toute manière des revenus distribués, même si leur réintégration dans les résultats imposables de la société qui les a consentis ne suffit pas à rendre bénéficiaires ces résultats.

3. D'autre part, en vertu des articles 8, 218 bis et 238 bis K du code général des impôts, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont imposables à raison des bénéfices, déterminés selon les règles prévues pour l'impôt sur les sociétés, réalisés par les sociétés de personnes dont elles sont associées, dans la mesure des parts qu'elles détiennent.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le versement d'une rémunération ou d'un avantage occulte par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposable chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le rehaussement correspondant des résultats de la société de personnes a ou non suffi à rendre bénéficiaires les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de ses associés.

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

6. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

7. L'administration a arrêté en dernier lieu la valeur vénale du terrain litigieux non pas en se fondant sur des termes de comparaison tirés de ventes d'immeubles comparables mais sur le chiffre avancé par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 1er février 2016. Il ressort de l'avis de la commission que la valeur de 330 000 euros TTC retenue par elle correspond à un prix de 1 000 euros l'are aboutissant à une valeur de 349 070 euros ramenée à 330 000 euros à titre de conciliation, cette évaluation ne reposant sur aucun élément de comparaison. Il résulte de l'instruction que la SCI Isenfeld a revendu le terrain litigieux après avoir pris à sa charge les frais de viabilisation pour le prix de 330 000 euros, l'acquisition auprès de la SCI Grube ayant eu pour objet un terrain non viabilisé. Il se déduit de ces éléments que la valeur vénale du terrain vendu par la SCI doit être appréciée hors les frais de viabilisation. Il n'est pas contesté que les frais de viabilisation se sont élevés à 59 978 euros TTC. La SCI Grube est ainsi fondée à demander que la valeur vénale du terrain vendu soit arrêtée sous déduction de ces frais.

8. Si l'administration afin de s'opposer à cette évaluation soutient que les frais de viabilisation ont déjà été pris en compte au stade de sa réponse aux observations du contribuable ce qui lui avait permis de proposer une valeur de 671 565 euros, il ne ressort pas des motifs de l'avis de la commission, auquel s'est conformé le service, que la valeur de 330 000 euros fixée par elle se rapporterait à un terrain non viabilisé. Si le ministre en défense demande en dernier lieu que les frais de viabilisation soient fixés à 40 908 euros, en tenant compte de l'avantage qu'aurait accordé la commission en fixant une valeur à 330 000 euros plutôt que 349 070 euros sur la base de son évaluation initiale d'un prix de 1 000 euros l'are, il ne précise pas de quel principe ou de quelle règle il y aurait ainsi lieu de faire application. Par suite, il y a lieu pour la cour de fixer la valeur vénale du terrain litigieux à 270 022 euros.

9. Il résulte de ce qui précède que l'écart entre le prix convenu par les parties à l'acte du 12 février 2013 et la valeur vénale du terrain cédé par la SCI Grube ne saurait être regardé comme significatif. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que la SCI Grube n'a consenti à la SCI Isenfeld aucune libéralité et que la vente litigieuse n'est pas intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré dans le bénéfice imposable de la SCI Grube et imposé entre les mains de ses associés une somme au titre d'une insuffisance de prix de vente du terrain litigieux et qu'il n'a bénéficié à cette occasion d'aucun revenu distribué par l'intermédiaire des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés associées de la SCI Grube.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 29 janvier 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions laissées à sa charge, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : M. D... est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu et de contributions sociales laissé à sa charge au titre de l'année 2013 ainsi que des majorations correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC01194

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01194
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc01194 ?
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