La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2020 | FRANCE | N°19NC01340

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 24 septembre 2020, 19NC01340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Fonderie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700508 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2019, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 2

6 août 2020, la SARL La Fonderie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 février 2019 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) La Fonderie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700508 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2019, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 26 août 2020, la SARL La Fonderie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions de déduction de la provision pour créance douteuse constituée afin de faire face au risque de non recouvrement de l'avance en compte courant qu'elle a consentie à la SNC Sirbal étaient réunies à la clôture des deux exercices litigieux compte tenu de l'important passif découlant de la condamnation de cette société à payer d'importants dommages et intérêts à la société Leroy Merlin et de son état de cessation de paiement la mettant dans l'impossibilité de rembourser ces avances et alors que la valeur actualisée de son seul actif n'est que de 6 495 155 euros à comparer aux 15 141 531 euros dus au terme du jugement de condamnation et c'est à tort que l'administration s'est fondée sur les perspectives d'encaissement des loyers sur la durée du bail afin d'évaluer la possibilité pour la SNC Sirbal de rembourser cette avance, à supposer même son locataire solvable ; à cet égard l'absence de terme précis à cette avance est sans incidence dès lors qu'une avance en compte courant est remboursable à tout moment ;

- la pénalité pour manquement délibérée n'est pas justifiée par l'administration.

Par un mémoire enregistré le 4 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Fonderie, qui a une activité de marchand de biens et de locations de locaux commerciaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2013. Par une proposition de rectification du 19 décembre 2013, l'administration a procédé à la réintégration dans les bénéfices imposables au titre des exercices clos en 2011 et 2012, suivant la procédure contradictoire, des provisions pour dépréciation des titres de la SNC Sirbal, filiale à 94 % de la SARL La fonderie, à raison des avances en compte courant qu'elle lui avait consenties. La société ayant refusé ces redressements et saisi l'interlocuteur départemental, les redressements ont été maintenus et les impositions supplémentaires, assorties des pénalités pour manquement délibéré, ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2014. La réclamation de la société du 30 juin 2016 ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, le litige a été porté devant le tribunal administratif de Strasbourg, lequel, par le jugement attaqué du 12 février 2019, dont la SARL La Fonderie relève appel, a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5°) Les provisions constituées, en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...)Par dérogation aux dispositions des premier et seizième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ; si elle devient ultérieurement sans objet, elle est comprise dans les plus-values à long terme de l'exercice, visées au 1 du I de l'article 39 quindecies. ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

3. Il résulte de l'instruction que la SNC Sirbal a consenti à la société Leroy Merlin un bail à construction sur un terrain nu, destiné à l'édification d'un bâtiment commercial. A la suite d'un litige survenu au cours de l'année 2007 avec le preneur, la SNC Sirbal s'est trouvée condamnée à lui verser la somme de 13 809 947 euros à titre de dommages et intérêts par un jugement du 17 janvier 2014 et alors que les loyers dus par son adversaire avaient fait l'objet d'une saisie conservatoire à hauteur de 7 759 069 euros le 31 octobre 2007. Dans ce contexte la SARL La Fonderie a accordé à la SNC Sirbal des avances en compte courant, lequel présentait un solde débiteur de 2 086 270 euros au 30 septembre 2008, 738 116 euros au 30 septembre 2009, 747 617 euros au 30 septembre 2010, 779 329 euros au 30 septembre 2011 et 858 586 euros au 30 septembre 2012. Il résulte également de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification susmentionnée, que la SARL La Fonderie a constitué au 30 août 2011 une provision pour dépréciation de ses titres dans le capital de la SNC Sirbal d'un montant de 389 665 euros, complétée d'une nouvelle dotation au 30 août 2012 à hauteur de 39 628 euros, la dépréciation résultant selon la société du risque de non-recouvrement de la créance en compte courant et la provision étant ajustée à 50 % du solde débiteur du compte courant au 30 septembre 2012.

4. Afin de constituer les provision litigieuses la société requérante s'est fondée non pas sur une estimation de la valeur des titres de la SNC Sirbal à la clôture de chacun des exercices concernés, mais sur le risque d'irrécouvrabilité du solde du compte courant de cette dernière ouvert dans sa comptabilité qu'elle a estimé à 50 % au 31 août 2012. Ce faisant, ainsi que l'avait relevé la proposition de rectification, la société requérante ne justifie pas, dans son principe et dans son montant, d'une perte probable affectant la valeur liquidative des parts de la SNC Sirbal s'agissant d'une provision pour dépréciation de titres de participation, mais entend se placer sur le terrain des provisions pour créances douteuses.

5. En tout état de cause, en admettant que la SNC Sirbal ne puisse faire face à l'important passif exigible, constitué de la condamnation ci-dessus analysée, ainsi que des emprunts contractés pour l'achat du terrain, avec son actif exigible, une telle circonstance, qui ne pourrait, le cas échéant, être regardée comme avérée qu'à la suite du jugement du 17 janvier 2014, ne résulte pas d'évènements survenus au cours des deux exercices litigieux, clos les 31 août 2011 et 2012, rendant probable le risque de non recouvrement de la créance, en dépit de ce que le litige entre sa filiale et son locataire était déjà en cours. A cet égard, le taux de 50 % du montant de sa créance, retenu par la société requérante afin de constituer les provisions litigieuses, ne constitue pas une évaluation reposant sur une approximation suffisante du risque de perte allégué. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables des années 2011 et 2012, en application des règles ci-dessus rappelées, les provisions litigieuses.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

7. En se bornant pour l'essentiel à constater que la société requérante a déduit de ses bénéfices imposables des provisions pour dépréciation qui ne remplissaient pas les conditions de déduction prévues par les dispositions de l'article 39 du code général des impôts, l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que c'est sciemment, dans le but d'éluder l'impôt sur les sociétés correspondant, que la SARL La Fonderie a passé les écritures comptables litigieuses. Dans ces conditions, eu égard aux éléments avancés par l'administration, le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable n'est pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Fonderie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés litigieux.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SARL La Fonderie présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La SARL La Fonderie est déchargée des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Fonderie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC01340

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01340
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-24;19nc01340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award