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04/08/2020 | FRANCE | N°20NC00963

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 04 août 2020, 20NC00963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine Grand Besançon Métropole a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de condamner in solidum les sociétés Eimi et Naldeo à lui verser une somme de 1 297 699,20 euros à titre de provision.

Par une ordonnance n° 1902004 du 7 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2020, la communauté urbaine Grand Besançon Mét

ropole, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 avril 2020 du juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine Grand Besançon Métropole a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de condamner in solidum les sociétés Eimi et Naldeo à lui verser une somme de 1 297 699,20 euros à titre de provision.

Par une ordonnance n° 1902004 du 7 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2020, la communauté urbaine Grand Besançon Métropole, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 avril 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

A titre principal :

2°) de condamner solidairement les sociétés Eimi et Naldeo à lui payer une somme provisionnelle de 1 297 699,20 euros au titre de la garantie décennale ;

A titre subsidiaire :

3°) de condamner solidairement les sociétés Eimi et Naldeo à lui payer une somme provisionnelle de 1 297 699,20 euros au titre de la garantie quasi-délictuelle ;

En tout état de cause :

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Eimi et Naldeo la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le premier juge a commis une erreur d'appréciation concernant le caractère décennal des désordres constatés ;

- les désordres constatés par deux experts sont de nature à affecter la solidité de l'ouvrage en le rendant instable et en créant un risque de rupture ;

- alors même qu'il s'est entouré de sachants, il n'a pas été alerté de l'existence de dysfonctionnements grossiers ;

- les sociétés Eimi et Naldeo lui sont redevables d'une obligation non sérieusement contestable sur le fondement de la garantie quasi-délictuelle ;

- les sommes sollicitées présentent un caractère non sérieusement contestable au regard des deux expertises réalisées.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2020, la société Naldeo, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole ;

2°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole la somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert a donné son avis sur la conformité de l'ouvrage ;

- aucun dommage de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ou à porter atteinte à sa solidité n'a été constaté par l'expert ;

- l'installation n'a pas connu de réel dysfonctionnement depuis 17 ans ;

- la communauté urbaine Grand Besançon Métropole ne peut prétendre engager la responsabilité des constructeurs pour de prétendus défauts de conformité, sans dommages ;

- l'expert a relevé un défaut d'entretien qui ne concerne pas les constructeurs mais la communauté urbaine Grand Besançon Métropole ;

- le pré-rapport de l'expert M. C... ne pourra qu'être écarté ;

- les conclusions de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole présentées au titre de la garantie quasi-délictuelle à son encontre ne sont pas fondées ;

- les sommes sollicitées présentent un caractère très sérieusement contestable.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2020, la société EMI, venant aux droits de la société Eimi Thermic, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole ;

2°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de M. A... ne fait état d'aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'une impropriété à sa destination ;

- la garantie décennale n'a pas à s'appliquer ;

- M. C... n'a jamais terminé la mission qui lui avait été confiée ;

- les six compensateurs défectueux ont été changés ;

- il existe une contestation sérieuse sur le quantum des sommes sollicitées par de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Besançon, aux droit de laquelle vient la communauté urbaine Grand Besançon Métropole (GBM) a fait procéder à une extension de son réseau de chauffage urbain à la ZAC des Hauts de Chazal. Elle a délégué à la société d'équipement du département du Doubs (SEDD) la maîtrise d'ouvrage de la réalisation du réseau de chauffage urbain destiné à alimenter les futurs logements et les activités industrielles et tertiaires de cette ZAC. La SEDD a confié le marché de maîtrise d'oeuvre à la société Beture environnement, devenue Poyry Energie, puis Naldeo et la réalisation des travaux à la société Eimi Thermic, aux droits de laquelle vient la société Eimi. La réception des travaux a été prononcée, avec réserves, le 23 octobre 2003 et les réserves ont été levées le 9 janvier 2004. Les ouvrages ont été remis le 30 mars 2007 à la commune de Besançon qui avait confié l'exploitation de la nouvelle chaufferie et du réseau urbain à la société Secip, devenue la société Seve, par voie d'une convention de délégation de service public conclue en 2006. Lors de travaux de modification du réseau réalisés en 2009 par la société Seve, six compensateurs de dilatation ont été découverts endommagés. La commune de Besançon a fait réaliser un audit de l'ensemble de l'installation. A la suite du dépôt du rapport de cet audit, la collectivité a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à prescrire une expertise. L'expert, désigné par ordonnance du 4 mars 2011, a remis son rapport le 21 novembre 2013. En 2015, la commune, estimant le rapport de l'expert lacunaire au regard de la constatation des désordres et préjudices qu'elle était susceptible d'avoir subis, a saisi le juge des référés du tribunal administratif, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, en vue de faire procéder au constat des opérations de contrôle du réseau de chauffage urbain. L'expert désigné n'ayant pas remis ses conclusions finales en temps utile, son remplacement a été ordonné, à la demande de GBM par ordonnance du 3 février 2020. GBM fait appel de l'ordonnance du 7 avril 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à condamner in solidum les sociétés Eimi et Naldeo à lui verser une somme de 1 297 699,20 euros à titre de provision.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher de questions de droit soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. Pour apprécier si l'existence d'une obligation est dépourvue de caractère sérieusement contestable, le juge des référés peut s'appuyer sur l'ensemble des éléments figurant au dossier qui lui est soumis, et notamment ceux provenant d'une expertise, pourvu qu'ils présentent un caractère de précision suffisante et qu'ils aient été soumis à la contradiction des parties.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre le cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert remis le 21 novembre 2013, que les désordres survenus en 2009 qui ont affecté six compensateurs, dont quatre ont été remplacés, consécutifs à une " déformation du réseau d'angle supérieur à ce que peut supporter le compensateur " ne devraient pas se reproduire dans la mesure où l'installation a été modifiée en conséquence. Si certaines anomalies ont été constatées sur les supportages, les bridages restés en place à la suite de travaux ont été éliminés en cours d'expertise. Ces désordres ne peuvent, dès lors, en l'état du dossier, être regardés comme de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

5. Il résulte également de l'instruction que lors du remplacement des quatre compensateurs, une vérification par radiographie des soudures a mis en évidence plusieurs non-conformités entrainant un vieillissement prématuré du réseau. Lors des opérations d'expertise, il a été constaté que ces défauts avaient été réparés, mais que, compte tenu des défauts potentiels cachés, il était souhaitable de faire procéder à un contrôle plus approfondi.

6. A la date du dépôt de son rapport, l'expert a relevé que l'inspection détaillée qu'il avait menée avec son sapiteur n'avait pas relevé de défauts majeurs susceptibles de s'aggraver rapidement et que si quelques défauts avaient été mis en évidence, leur réparation ne présentait pas de caractère d'urgence. En outre, l'expert n'a émis aucun avis éclairé sur le caractère décennal des désordres constatés, question qui n'a d'ailleurs pas été évoquée par les parties en cours d'expertise. Enfin, il n'est pas contesté, d'une part, qu'hormis quelques désordres réglés après leur constatation, l'installation n'a connu aucun dysfonctionnement réel depuis sa mise en service et d'autre part que des défauts d'entretien de certaines parties de l'ouvrage, imputables à l'exploitant, ont été relevés. Dès lors, au regard des éléments du dossier, et, compte tenu de ce que l'expert chargé de contrôler les soudures et les supports à rouleaux du réseau de chauffage n'a, à ce jour, pas déposé son rapport, les désordres dont se prévaut Grand Besançon Métropole ne peuvent être regardés comme présentant un caractère de certitude suffisant de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

7. Il résulte de ce qui précède que GBM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés Eimi et Naldeo à lui verser une provision au titre de la garantie décennale

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par GBM :

8. A titre subsidiaire, GBM recherche la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Eimi et Naldeo.

9. En premier lieu, les contrats passés avec ces entreprises n'ont pas été déclarés nuls par le juge du contrat.

10. En deuxième lieu, il n'est pas établi, ni même allégué, que lesdits contrats auraient été obtenus à la suite de manoeuvres dolosives ou de pratiques anti-concurrentielles.

11. Enfin, au soutien de sa demande, GBM fait valoir que les sociétés Eimi et Naldeo restent redevables à son égard d'une obligation non sérieusement contestable sur le fondement de la garantie quasi-délictuelle et qu'elle reste recevable à demander la réparation des préjudices causés en méconnaissance des règles de l'art. Toutefois, ce type de dommages relèvent de ceux qui sont imputables à l'exécution des travaux en ce qui concerne les entreprises et à la mission de surveillance ou de conseil du maître d'oeuvre et relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de GBM présentées au titre de la garantie quasi-délictuelle ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Eimi et Naldeo, qui ne sont pas, dans la présente instance les parties perdantes, le versement de la somme que demande Grand Besançon Métropole au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de GBM la somme de 1 500 euros à verser d'une part à la société Naldeo et, d'autre part, à la société Eimi.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la communauté urbaine Grand Besançon Métropole est rejetée.

Article 2 : La communauté urbaine Grand Besançon Métropole versera la somme de 1 500 euros d'une part à la société Naldeo et, d'autre part, à la société Eimi au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté urbaine Grand Besançon Métropole, à la société Naldeo et à la société Eimi.

Fait à Nancy, le 4 août 2020.

La présidente de la cour

Signé : Françoise Sichler

La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Aline Siffert

2

20NC00963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 20NC00963
Date de la décision : 04/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-08-04;20nc00963 ?
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