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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01475

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC01475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CetB Patrimoine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des majorations correspondantes, au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1605965 du 13 mars 2018, le tribu

nal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CetB Patrimoine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des majorations correspondantes, au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1605965 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 mai 2018 et le 3 juillet 2019, la SARL CetB Patrimoine, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2°) de prononcer la décharge des impositions restées à sa charge et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'administration à lui rembourser les sommes déjà versées, assorties des intérêts moratoires.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a violé le secret professionnel auquel elle était astreinte en adressant à M. D..., ancien co-gérant de la société CetB Patrimoine, les propositions de rectification dont elle aurait dû être la seule destinataire ;

- Le vérificateur a méconnu le principe de loyauté ;

- elle n'a pas été informée ni n'a été conviée à la rencontre entre M. D... et l'administration fiscale, laquelle est intervenue après la clôture des opérations de vérification ;

- les dépenses vestimentaires effectuées par la société sont des charges déductibles dès lors qu'elles correspondent à des vêtements utilisés par Mme A... ou M. D... dans l'exercice de leurs fonctions professionnelles ;

- c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre en déduction les cadeaux aux clients et les pourboires qu'elle a offerts à des concierges d'hôtels ou des chauffeurs de taxis ;

- c'est à tort que l'administration a refusé la déduction d'une somme de 2 000 euros comptabilisée au débit du compte de charge n°615510 " Entretien et réparations " dès lors que cette somme correspond à une participation aux travaux de réfection des escaliers extérieurs du domicile de Mme A..., également utilisés pour accéder aux locaux professionnels de la société requérante ;

- c'est à tort que l'administration lui a infligé des pénalités pour manquement délibéré de 40 % alors qu'à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité menée en 2007, des charges comptabilisées de manière identique n'avaient pas été remises en cause par la vérificatrice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL CetB Patrimoine ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) CetB Patrimoine, qui a pour objet social le conseil en patrimoine, placements et financements ainsi que la réalisation de transactions immobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification du 20 décembre 2011 et du 25 avril 2012, établies selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration a rehaussé son chiffre d'affaires et son résultat imposable et lui a assigné, en conséquence, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, d'un montant total de 86 533 euros en droits et pénalités. La SARL CetB Patrimoine relève appel du jugement du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, à la supposer même établie, la circonstance que le vérificateur aurait méconnu l'obligation au secret professionnel à laquelle il était tenu dans l'exercice de sa profession en ayant transmis à M. D..., ancien co-gérant de la société requérante pendant une partie de la période vérifiée, les deux propositions de rectifications précitées, est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.

3. En deuxième lieu, les circonstances que d'une part, le vérificateur a transmis à M. D... les propositions de rectification susvisées alors qu'il avait connaissance de la mésentente entre ce dernier et Mme A... et d'autre part, que la société requérante n'a pas été conviée à la rencontre entre M. D... et l'administration fiscale, laquelle est intervenue après la clôture des opérations de vérification, ne sauraient être regardées comme établissant l'intention délibérée de l'administration fiscale de l'induire en erreur ou de lui nuire. Par ailleurs, et en tout état de cause, si la société CetB Patrimoine affirme que M. D... a profité de l'envoi par l'administration des propositions de rectification précitées pour détourner sa clientèle, elle ne le démontre pas. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du " devoir de loyauté " de l'administration ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts : " ... 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants: (...) 3° Lorsque le bien est cédé sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à son prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur. Un arrêté du ministre chargé du budget en fixe la valeur maximale ... ". L'article 28-00 A de l'annexe IV audit code fixe la valeur maximale des biens mentionnés au 3° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts à 60 euros jusqu'au 12 juin 2011 et à 65 euros au-delà de cette date et jusqu'au 13 juin 2016.

5. En premier lieu, la société requérante soutient qu'elle a exposé plusieurs dépenses relatives à l'acquisition de vêtements et articles féminins destinés à sa gérante, Mme A..., pour l'exercice de ses fonctions professionnelles. Toutefois, en se bornant à soutenir, sans d'ailleurs en justifier, que ces vêtements et articles étaient portés par l'intéressée lors des rendez-vous professionnels avec ses clients " pour accéder à leur statut social ", elle ne conteste pas utilement le caractère personnel de ces dépenses vestimentaires. Dans ces conditions, l'administration, qui établit que ces dépenses n'ont pas été engagées pour les besoins des opérations imposables de la société, a pu à bon droit refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée les ayant grevées.

6. En second lieu, l'administration a refusé d'admettre en déduction la taxe ayant grevé l'acquisition de biens, essentiellement des achats de vêtements, de bijoux et de bouteilles de vin, que la SARL CetB Patrimoine a enregistrés en comptabilité comme correspondant à des cadeaux à ses clients et ayant une valeur supérieure à 60 euros. Comme l'a jugé le tribunal administratif, la seule circonstance que les clients de la société requérante, " appartenant à une classe sociale très aisée " seraient " habitués au luxe", n'est pas de nature à lui ouvrir droit à la déduction de la taxe qu'elle a supportée à raison de l'achat de biens destinés à être offerts et d'un prix supérieur à la valeur fixée par l'article 28-00 A de l'annexe IV au code général des impôts.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ". Les charges pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la charge en cause ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de la SARL CetB Patrimoine les dépenses concernant l'achat de vêtements, articles de maroquinerie et de lingerie de Mme A....

9. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que les autres dépenses de vêtements et d'articles de luxe, tels que bouteilles de vins, bijoux et articles de maroquinerie, correspondaient à des cadeaux offerts à ses clients, destinés à faciliter la conclusion de contrats, cette circonstance, au demeurant non justifiée par les pièces produites, n'est pas de nature à établir la réalité de la contrepartie tirée par la société. En outre, si cette dernière affirme que les sommes qui ont été comptabilisées dans le compte " dons et pourboires " correspondent aux pourboires versés aux concierges d'hôtels pour la mise à disposition gratuite de salles pour des rencontres professionnelles et aux pourboires donnés à certains chauffeurs de taxis pour arriver à l'heure aux gares et aux aéroports, elle ne le démontre pas. C'est donc à bon droit que l'administration a refusé d'admettre ces dépenses en déduction du bénéfice imposable de la société requérante.

10. En troisième lieu, le vérificateur a refusé la déduction d'une somme de 2 000 euros, enregistrée au compte " Entretien et réparations " et versée au bailleur de la société requérante, Mme A..., qui est également sa gérante. Cette dépense correspond à une participation aux travaux de réfection des escaliers extérieurs, lesquels sont communs aux locaux professionnels de la société CetB Patrimoine et au domicile de sa gérante. Sa déduction a été remise en cause au motif que la charge de ces travaux, dont le coût n'est d'ailleurs justifié par aucune facture, n'incombait pas au locataire dès lors qu'il ne s'agissait pas de travaux d'entretien. Comme l'a jugé le tribunal administratif, la seule circonstance, au demeurant non démontrée, que ces escaliers sont plus souvent empruntés par le personnel de la société requérante, ses clients et ses fournisseurs que par les membres de la famille de Mme A..., ne saurait justifier que les travaux ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise, alors que l'administration fait également valoir, sans être contestée sur ce point, que la surface occupée par la société représentait moins de 8 % de la surface totale des locaux et que la refacturation en litige s'élevait à un tiers du montant total de 6 330 euros, selon les éléments déclarés par Mme A... elle-même lors du contrôle. C'est donc à bon droit que l'administration a réintégré cette somme de 2 000 euros dans les bénéfices imposables de la société requérante.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

12. Pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que la SARL CetB Patrimoine ne pouvait pas ignorer qu'elle prenait en charge, et ce de façon répétée, des dépenses personnelles de sa gérante, dépenses qui par leur nature ne pouvaient être regardées comme engagées dans l'intérêt de l'exploitation. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de l'intéressée d'éluder l'impôt, sans que celle-ci puisse utilement soutenir que lors d'une précédente vérification de comptabilité menée en 2007, des dépenses similaires n'avaient pas été rectifiées. Par suite, c'est à bon droit que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux dépenses personnelles de la requérante, auxquels elle a été assujettie au titre des années en litige ont été majorés de la pénalité pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL CetB Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande en décharge. Par suite, ses conclusions à fin de décharge et à fin de restitution doivent être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL CetB Patrimoine est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SARL CetB Patrimoine et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC01475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01475
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ALSACE OMNIJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01475 ?
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