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18/06/2020 | FRANCE | N°18NC01587

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 juin 2020, 18NC01587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SER Nord Est, représentée par Me A..., liquidateur judiciaire, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 25 août 2008 au 30 septembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602846 du 27 mars 2018, le tribunal ad

ministratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL SER Nord Est, représentée par Me A..., liquidateur judiciaire, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 25 août 2008 au 30 septembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602846 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2018, la SARL SER Nord Est, représentée par Me A..., liquidateur judiciaire, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 25 août 2008 au 30 septembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'à défaut de réponse du liquidateur judiciaire à la proposition de rectification, les mandats confiés au gérant et au comptable de la société n'étant pas reconnus, les rectifications avaient été tacitement acceptées et que la société représentée par son liquidateur judiciaire ne pouvait pas saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et l'interlocuteur départemental ;

- la société a déployé une activité de chantiers de travaux au Burkina Faso en y envoyant du personnel et du matériel, l'existence d'un établissement stable dans ce pays était ainsi établie ; les recettes réalisées avec son client au Burkina Faso ne sont pas imposables en France ;

- elle a pu reconstituer ses bénéfices à partir des documents issus de la comptabilité de son entreprise, sur lesquels s'est également fondée l'administration ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire en présence de son gérant une fois la liquidation judiciaire décidée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL SER Nord Est ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République de Haute-Volta tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale du 11 août 1965 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SARL SER Nord Est.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SER Nord Est avait une activité de travaux publics avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 janvier 2012. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 12 septembre 2011 au 15 juin 2012. Par proposition de rectification du 3 octobre 2012, l'administration lui a notamment notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de décembre 2008, de la période du 1er août 2009 au 31 décembre 2010 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2009 et 2010. L'administration lui a également notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 25 août 2008 au 30 novembre 2008 et du 1er janvier au 30 juillet 2009, ainsi que les pénalités correspondantes. La SARL SER Nord Est représentée par son liquidateur judiciaire relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) ". Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ". Dans ce cas, l'administration fiscale poursuit les opérations de contrôle avec le liquidateur judiciaire.

3. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL SER Nord Est a débuté lors d'un premier entretien le 12 septembre 2011 en présence de M. C..., le gérant de la société, et de Mme E..., représentant le cabinet comptable. Par jugement du 9 janvier 2012, publié au BODACC le 26 février 2012, la société a été mise en liquidation judiciaire. Les opérations de contrôle se sont poursuivies avec le liquidateur judiciaire, le gérant ayant cependant assisté à l'ensemble des entretiens avec le vérificateur.

4. La société requérante soutient qu'à compter de la publication du jugement du 9 janvier 2012 plaçant la SARL SER Nord Est en liquidation judiciaire, le gérant n'a pu poursuivre sa participation aux opérations de contrôle et que la société a été ainsi privée d'un débat oral et contradictoire. Eu égard à ce qui a été dit au point 2, en cas de procédure de liquidation judiciaire d'une société, il résulte de l'article L. 641-9 du code de commerce que seul le liquidateur judiciaire a qualité pour représenter la société au cours de la procédure d'imposition à compter de la publication du jugement prononçant la liquidation judiciaire d'une entreprise. En tout état de cause, les entretiens avec le vérificateur se sont poursuivis à compter de la liquidation judiciaire avec le liquidateur judiciaire, en présence du gérant et du cabinet comptable. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté comme étant inopérant et en tout état de cause comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions et de l'article L. 641-9 du code de commerce précité que les droits et actions du débiteur qu'elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d'imposition le concernant, tels que les propositions de rectification, qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur son patrimoine. Dès lors, une proposition de rectification doit, postérieurement à l'intervention du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, être adressée au liquidateur du contribuable qui se trouve dans ce cas.

7. Il résulte de l'instruction que, comme il a été dit précédemment, par jugement du 9 janvier 2012, publié au BODACC le 26 février 2012, la SARL SER Nord Est a été mise en liquidation judiciaire. La proposition de rectification a en conséquence été notifiée le 3 octobre 2012 au liquidateur judiciaire, Me A.... Par deux courriers du 5 novembre 2012, M. C... a produit des observations à l'encontre de la proposition de rectification. Il a joint à ses courriers une lettre du 9 octobre 2012 adressée par le liquidateur judiciaire au cabinet comptable de la SARL SER Nord Est. Par cette lettre, Me A... a communiqué au cabinet comptable la proposition de rectification du 3 octobre 2012 et lui a demandé d'adresser une réponse écrite directement au centre des finances publiques dans les trente jours. Si la société requérante a produit en première instance, dans une note en délibéré, le courrier du 9 octobre 2012 que le liquidateur avait adressé à M. C... afin de lui demander également de produire des observations à la proposition de rectification du 3 octobre 2012, il n'est pas contesté que l'administration n'en a pas été destinataire au moment de la réception des deux courriers de M. C... du 5 novembre 2012. Dès lors, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce courrier du 9 octobre 2012, à supposer même que ce document, qui n'indique pas que le liquidateur judiciaire autorise le gérant à représenter la SARL SER Nord Est auprès de l'administration fiscale dans le cadre de la procédure d'imposition, puisse être regardé comme un mandat régulièrement établi. Dans ces conditions, le gérant de la société, qui était dessaisi de l'exercice de tous droits et actions pour le compte de sa société en application de l'article L. 641-9 du code de commerce précité, n'avait pas qualité pour présenter des observations à l'encontre de la proposition de rectification régulièrement notifiée à ce dernier. Par suite, c'est à bon droit, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, que l'administration a considéré que ses observations n'étaient pas recevables et que le liquidateur judiciaire devait être regardé comme n'ayant pas produit d'observations pour le compte de la SARL SER Nord Est dans les trente jours de la notification de la proposition de rectification conformément à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales. L'administration était ainsi fondée à informer le liquidateur, par lettre du 12 novembre 2012, que les observations du gérant formulées dans les courriers du 9 octobre 2012 n'étaient pas recevables.

8. En troisième lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de la charte, dans sa version remise à la société requérante : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". D'autre part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts.../ Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration. "

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que le liquidateur judiciaire doit être regardé comme n'ayant pas produit d'observations dans les trente jours de la notification de la proposition de rectification et ayant ainsi accepté tacitement les rectifications. Par suite, il ne subsistait ni de divergences au sens de la charte du contribuable vérifié ni de désaccord au sens de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas mentionné au liquidateur judiciaire la faculté de saisir l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ces procédures, n'étant pas applicables en l'espèce. Il s'ensuit que la SARL SER Nord Est représentée par son liquidateur judiciaire n'a pas été privée des garanties de procédure dont elle entend se prévaloir.

10. En quatrième lieu, il y a lieu de rejeter, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges et non utilement critiqués en appel, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable au regard des dispositions de l'article L. 57 du même livre.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque (...) s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que la SARL SER Nord Est représentée par son liquidateur judiciaire n'a pas formulé d'observations à la proposition de rectification qui lui a été notifiée le 3 octobre 2012. Me A... supporte ainsi la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition mise à la charge de la société.

12. En outre, la contribuable a été taxée d'office s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de décembre 2008, et de la période du 1er août 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au 30 septembre 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en raison du défaut de dépôt de déclaration dans le délai légal. Il s'ensuit que la SARL SER Nord Est supporte également, en application de l'article R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve de l'absence de bien-fondé ou du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

13. En premier lieu, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

14. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 10 de la convention du 11 août 1965 ci-dessus visée : " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / a) Constituent notamment des établissements stables : aa) un siège de direction ; bb) une succursale ; cc) un bureau ; dd) une usine ; ee) un atelier ; ff) une mine, carrière ou autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; gg) un chantier de construction ou de montage ; hh) une installation fixe d'affaires utilisée aux fins de stockage, d'exposition et de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise (...) / b) On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : aa) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; bb) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de fournitures d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont pour l'entreprise un caractère préparatoire. c) Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant visé à l'alinéa e ci-après, est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise. Est notamment considéré comme exerçant de tels pouvoirs, l'agent qui dispose habituellement dans le premier Etat contractant d'un stock de produits ou marchandises appartenant à l'entreprise au moyen duquel il exécute régulièrement les commandes qu'il a reçues pour le compte de l'entreprise. (...) ".

15. Le liquidateur judiciaire soutient que la SARL SER Nord Est a déployé une activité au Burkina Faso, notamment auprès de la société Ebomaf, dont les bénéfices ne doivent pas être imposés en France selon lui.

16. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 3 octobre 2012, que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés les montants figurant sur des factures non comptabilisées émises entre le 5 novembre 2009 et le 29 juillet 2010 pour un total de 295 590 euros relatives à la mise à disposition de personnel et à des travaux de supervision réalisés au bénéfice de la société Ebomaf située au Burkina Faso. Ces prestations ont été assurées par la SARL SER Nord Est dans le cadre d'un protocole d'accord conclu avec la société Ebomaf le 17 novembre 2009. La société SER Nord Est a assuré une mission de supervision et de contrôle de travaux d'extension des réseaux secondaires d'eaux usées. Au terme de ce contrat, la SARL SER Nord Est a mis à disposition de ce chantier deux techniciens supérieurs pour une durée de deux mois ainsi que son gérant pour quinze jours. Le protocole d'accord ne prévoit pas que les techniciens mis à disposition sont placés sous l'autorité de la société Ebomaf, le gérant de la SARL SER Nord Est étant d'ailleurs présent sur le site avec ses salariés durant quinze jours. Ainsi, eu égard à la courte durée de cette mission de supervision et aux conditions dans lesquelles elle s'est déroulée, Me A... ne justifie pas que la gestion et l'administration de l'activité et du personnel auraient été assurées de manière autonome au Burkina Faso et non depuis le siège de la SARL SER Nord Est.

17. L'administration a également réintégré dans le résultat imposable de la société SER Nord Est les sommes mentionnées sur des factures non comptabilisées émises du 13 janvier 2010 au 19 avril 2010 pour un total de 290 000 euros relatives à des ventes d'immobilisations. Ces ventes ont porté sur une unité de forage, deux remorques dérouleuses, du matériel divers, un camion aspirateur et une mini-pelle. Ces opérations constituent des ventes réalisées par la SARL SER Nord Est depuis son siège en France. La circonstance que le matériel ait été cédé à une entreprise dont le siège est au Burkina Faso est sans incidence sur les règles de territorialité définies par le I de l'article 209 du code général des impôts dès lors que la SARL SER Nord Est est une entreprise exploitée en France au sens de ces dispositions.

18. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments énoncés aux points précédents, qu'au regard de la convention fiscale entre la France et le Burkina Faso, dont au demeurant Me A... ne se prévaut pas, la SARL SER Nord Est ne disposait pas au Burkina Faso d'une installation fixe d'affaires où elle exerçait tout ou partie de son activité. Si la société fait valoir qu'elle a mis à disposition du personnel au bénéfice d'une société domiciliée au Burkina Faso, la mission de supervision et de contrôle d'un chantier durant deux mois ne caractérise pas l'existence d'un siège de direction ou d'une succursale. Il n'est pas établi non plus qu'elle disposait d'un dépôt aux fins de stockage de marchandises destinées à la livraison.

19. Il résulte de ce qui précède que les recettes procurées par la société Ebomaf ont été réalisées par une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts, la SARL Nord Est ne disposant ni d'un établissement autonome au Burkina Faso ni d'installations fixes d'affaires au sens des stipulations précitées de la convention entre la France et le Burkina Faso. Par suite, l'administration a pu à bon droit assujettir la SARL SER Nord Est à l'impôt sur les sociétés au titre des années litigieuses en application des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale entre la France et le Burkina Faso.

20. En dernier lieu, Me A... se prévaut d'un compte-rendu du cabinet KPMG du 21 avril 2016 qui a constaté l'absence de résultat positif de la société. Il résulte de l'instruction que l'analyse réalisée par le cabinet KPMG ne porte que sur l'exercice clos en 2010 et sur les opérations connues ou identifiées après un retraitement des données comptables faute d'une comptabilité exploitable. Le cabinet admet ne pas pouvoir reconstituer une comptabilité complète mais considère, à partir des éléments mis à sa disposition, que la société n'a pas généré de résultat positif en 2010. Cette analyse, qui ne remet pas en cause précisément les nombreux chefs de redressement en litige et qui s'appuie sur des pièces qui lui ont été communiquées par la SARL SER Nord Est mais dont la liste n'est pas produite, ne suffit pas à démontrer l'exagération des impositions en litige.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SER Nord Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL SER Nord Est, représentée par Me A..., liquidateur judiciaire, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SER Nord Est, représentée par Me A..., liquidateur judiciaire, et au ministre de l'action et des comptes publics.

8

N° 18NC01587


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables - Notion d'entreprise exploitée en France.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 18/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NC01587
Numéro NOR : CETATEXT000042018813 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-18;18nc01587 ?
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