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03/03/2020 | FRANCE | N°18NC00355

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 03 mars 2020, 18NC00355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Le Sillon comtois " a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 6 octobre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle du Jura a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D... B....

Par un jugement n° 1601753 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, et deux mémoires complément

aires, enregistrés le 30 août 2018 et le 17 décembre 2019, l'association " Le Sillon comtois ", r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Le Sillon comtois " a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 6 octobre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle du Jura a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D... B....

Par un jugement n° 1601753 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 30 août 2018 et le 17 décembre 2019, l'association " Le Sillon comtois ", représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601753 du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 6 octobre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de la lettre de notification de la décision du 6 octobre 2016 n'était pas compétent ;

- le caractère contradictoire de la procédure de licenciement n'a pas été respecté, la requérante n'ayant pas eu connaissance des éléments déterminants évoqués par la salariée au cours de son audition par l'inspecteur du travail du 8 septembre 2016 ;

- la décision du 6 octobre 2016 est entachée d'un vice de forme, eu égard aux erreurs de pagination qu'elle comporte ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- l'inspectrice du travail ne pouvait légalement fonder sa décision de refus sur le non- respect du délai de cinq jours ouvrables, prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail, dès lors qu'un tel vice de procédure n'autorise pas le juge à prononcer la nullité du licenciement, mais seulement à allouer au salarié concerné une indemnité au plus égale à un mois de salaire ;

- la décision du 6 octobre 2016 est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les faits litigieux sont établis, imputables à la salariée et suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 novembre 2018, 4 janvier 2020 et 17 janvier 2020, Mme D... B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association " Le Sillon comtois " d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Le Sillon comtois " gère une structure d'accueil et d'hébergement médicalisé pour adultes handicapés. Elle a recruté, le 17 septembre 2012, Mme D... B... en qualité d'aide-soignante d'internat. Investie des mandats de déléguée du personnel titulaire et de déléguée syndicale, respectivement depuis les 25 mai et 2 juin 2016, Mme B... bénéficie de la qualité de salariée protégée. Après avoir prononcé la mise à pied conservatoire de l'intéressée à compter du 29 juillet 2016, l'association requérante, par un courrier du 8 août 2016, a sollicité auprès de l'administration du travail l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute grave. Par une décision du 6 octobre 2016, l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'unité de contrôle du Jura a refusé de faire droit à cette demande. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2016, l'association " Le Sillon comtois " a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2016. Elle relève appel du jugement n° 1601753 du 19 décembre 2017, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 4 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail : " Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. ". Et aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 4 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : " Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2 (...) ait été observée (...), mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. ".

4. Le respect du délai de cinq jours ouvrables, mentionné au troisième alinéa de l'article L. 1232-2 du code du travail, constitue une formalité substantielle, qui contribue au respect des droits de la défense. La méconnaissance d'une telle formalité vicie la procédure de licenciement et est de nature à fonder un refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé. Pour la computation du délai de cinq jours, ne sont pas pris en compte le jour de la réception effective de la convocation et le dimanche, qui n'est pas un jour ouvrable.

5. Il ressort des pièces du dossier que la lettre recommandée du 28 juillet 2016, par laquelle le directeur du foyer d'accueil médicalisé " La Ferme du Sillon " a convoqué Mme B... à un entretien préalable, qui s'est tenu le jeudi 4 août 2016 à 9 heures, ne lui a été présentée à son domicile que le mardi 2 août 2016. Il en résulte que le délai de cinq jours ouvrables, prévu au troisième alinéa de l'article L. 1232-2 du code du travail, n'a pas été respecté. La requérante, qui, en tout état de cause, avait la possibilité de reporter l'entretien préalable afin de se conformer aux exigences légales, n'établit pas que le caractère tardif de la notification serait exclusivement imputable à un retard d'acheminement de La Poste. De même, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ni, à plus forte raison, des précisions apportées à ce même article par l'article 4 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail. Il n'appartient pas, en effet, au juge administratif de l'excès de pouvoir de se prononcer sur le caractère réel et sérieux du licenciement, mais uniquement de contrôler la légalité d'un acte administratif au B... des éléments de droit et de fait existant à la date de son édiction et, plus particulièrement, l'appréciation portée par l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, sur le respect par l'employeur de la procédure interne à l'entreprise. Enfin, si la requérante fait encore valoir que Mme B... a effectivement assisté à l'entretien préalable du 4 août 2016 et qu'elle ne s'est pas prévalue d'un manque d'information sur les griefs portés à sa connaissance lors de cet entretien, de telles circonstances sont sans incidence sur l'obligation à laquelle était tenu l'employeur de respecter le délai de cinq jours ouvrables entre la réception par la salariée de sa convocation et la tenue de son entretien préalable. Par suite, l'association " Le Sillon comtois " n'est pas fondée à soutenir que l'inspectrice du travail ne pouvait légalement lui opposer le non-respect du délai de cinq jours ouvrables, mentionné au troisième alinéa de l'article L. 1232-2 du code du travail, pour refuser de faire droit à sa demande d'autorisation de licenciement.

6. L'autorité administrative étant tenue, pour ce seul motif, de prendre la décision en litige, les moyens de la requête tirés respectivement de l'incompétence du signataire de la lettre de notification de cette décision, de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, du défaut de motivation, du vice de forme résultant des erreurs de pagination et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés comme inopérants.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Le Sillon comtois " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 6 octobre 2016. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme réclamée par l'association " Le Sillon comtois " au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association " Le Sillon comtois " est rejetée.

Article 2 : L'association " Le Sillon comtois " versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Le Sillon comtois ", à Mme D... B... et à la ministre du travail.

N° 18NC00355 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00355
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative. Entretien préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-03-03;18nc00355 ?
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