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03/03/2020 | FRANCE | N°18NC00198-18NC00199

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 03 mars 2020, 18NC00198-18NC00199


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles le recteur de l'académie de Nancy-Metz a rejeté ses demandes du 26 février et du 17 mai 2016 tendant à obtenir, d'une part, un aménagement de poste et le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part, le maintien de son plein traitement à compter du 15 mai 2016.

Par un jugement n° 1603271 et 1605072 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses d

emandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites par lesquelles le recteur de l'académie de Nancy-Metz a rejeté ses demandes du 26 février et du 17 mai 2016 tendant à obtenir, d'une part, un aménagement de poste et le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part, le maintien de son plein traitement à compter du 15 mai 2016.

Par un jugement n° 1603271 et 1605072 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, sous le n° 18NC00198, et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 décembre 2019, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 novembre 2017 en tant qu'il rejette la requête n° 1605072 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz a rejeté sa demande du 17 mai 2016 tendant à obtenir le maintien de son plein traitement à compter du 15 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nancy-Metz de régulariser sa situation administrative et financière.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges, d'une part, ont commis une erreur de fait en considérant qu'il conteste uniquement le refus de l'administration de le maintenir à plein traitement et non celui de reconnaître l'imputabilité au service de son affection, d'autre part, ont statué " infra petita " en ne prononçant pas sur l'imputabilité au service de son affection et en donnant pas une " portée utile " à ses recours gracieux et contentieux ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et celles de l'article 26 du décret n°86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation de médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le refus de l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de son affection aurait dû la conduire à saisir la commission de réforme ;

- le syndrome dépressif, dont il souffre, étant imputable au service, il a droit au maintien intégral de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, sous le n° 18NC00199, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 décembre 2019, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 novembre 2017 en tant qu'il rejette la requête n° 1603271 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz a rejeté sa demande du 26 février 2016 tendant à obtenir un aménagement de son poste de travail et le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nancy-Metz de lui proposer un aménagement de poste conforme à ses demandes et à son statut de travailleurs handicapé et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges ont statué " ultra petita " sur la base d'un moyen qui n'est pas d'ordre public et qui n'a pas été soulevé en défense par le rectorat ;

- le tribunal et le rapporteur public ont fait preuve de parti-pris à son égard ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en ne se prononçant pas d'office sur la légalité de la décision du 15 mai 2013 par laquelle le rectorat lui a imposé un assistant ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait et un défaut de motivation en considérant à tort que, selon l'avis du médecin de prévention du 7 mai 2013, une assistance humaine constituerait la solution la plus adaptée à son handicap ;

- les premiers juges ont encore commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, d'une part, que sa demande de pérennisation du système de dédoublement de ses classes à hauteur de quinze élèves maximum, ne comprenant pas les élèves les plus difficiles, est manifestement disproportionnée, d'autre part, qu'il ne justifie pas que cet aménagement de poste serait plus efficace que l'accompagnement humain proposé par le rectorat, enfin, qu'il n'apparaît pas que l'administration aurait la volonté de dégrader ses conditions de travail ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que celles des articles R. 911-12 et R. 911-18 du code de l'éducation ;

- la décision en litige méconnaît également les dispositions des articles 6 quinquies et 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- il est victime de harcèlement moral et de discrimination à raison de son handicap de la part de sa hiérarchie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18NC00198 et 18NC00199 sont relatives à la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Professeur agrégé d'allemand, M. D... C... enseigne, depuis le 1er septembre 2002, au collège " Jean-Jacques Kieffer " à Bitche (Moselle). L'intéressé souffrant d'un handicap visuel important, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Moselle lui a reconnu, par une décision du 11 février 2008, la qualité de travailleur handicapé. Confronté à des difficultés de gestion de ses classes, qu'il impute à son handicap, et s'estimant victime de harcèlement moral et de discrimination à raison de ce handicap de la part de sa hiérarchie, le requérant a sollicité, auprès du recteur de l'académie de Nancy-Metz, par un courrier du 26 février 2016, un aménagement de poste, ainsi que le bénéfice de la protection fonctionnelle. Puis, ayant été placé à plusieurs reprises, au cours des deux premiers trimestres de l'année scolaire 2015-2016, en congé de maladie ordinaire en raison d'un état anxio-dépressif, qui serait lié à un stress professionnel, il a également sollicité, auprès du recteur, par un nouveau courrier du 17 mai 2016, le maintien de son plein traitement à compter du 15 mai 2016. Les courriers successifs de M. C... s'étant heurtés au silence de l'administration, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes enregistrées les 8 juin et 17 septembre 2016, de demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet qui lui ont été ainsi opposées. Il relève appel du jugement n° 1603271 et 1605072 du 23 novembre 2017, qui rejette ses demandes.

En ce qui concerne la requête n° 18NC00199 :

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, en relevant, au point 4 de leur jugement, " qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que ces difficultés sont, au moins en partie, dues à certaines insuffisances pédagogiques du requérant ", les premiers juges se sont bornés à énoncer, au demeurant à titre surabondant, un élément tiré de leur analyse des pièces du dossier. Contrairement aux allégations de M. C..., ils n'ont donc pas statué au-delà de ce dont ils étaient saisis, en invoquant d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement de première instance serait, pour ce motif, irrégulier.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal, en se prononçant ainsi sur les mérites pédagogiques de M. C..., et le rapporteur public, en proposant de lui infliger une amende pour recours abusif, auraient fait preuve de parti-pris à son égard. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

5. En troisième lieu, en l'absence de toute contestation de la part du requérant sur ce point, le fait que les premiers juges ne se soient pas prononcés d'office sur la légalité d'une décision du 15 mai 2013 par laquelle le recteur de l'académie de Nancy-Metz aurait imposé à M. C... un assistant n'est pas de nature à entacher leur jugement d'irrégularité. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 15 mai 2013, qui se borne à informer l'intéressé de la teneur de l'avis du 7 mai 2013 rendu par le médecin de prévention du rectorat, ne présente pas de caractère décisoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par les premiers juges de leur office ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, le jugement de première instance, qui précise notamment, au point 4, que, " par des avis du 9 mars 2007 et du 7 mai 2013, le médecin de prévention, saisi par l'administration, a estimé qu'une assistance humaine constituerait la solution la plus adaptée au handicap de M. C... ", est suffisamment motivé sur le point ainsi évoqué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant du refus implicite du recteur de l'académie de Nancy-Metz de faire droit à la demande d'aménagement de poste :

7. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 11 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur ". Aux termes de l'article R. 911-12 du code de l'éducation : " Les personnels enseignants des premier et second degrés (...), lorsqu'ils sont confrontés à une altération de leur état de santé, peuvent solliciter un aménagement de leur poste de travail ou une affectation sur un poste adapté, dans les conditions prévues aux articles R. 911-15 à R. 911-30 ". Aux termes de l'article R. 911-15 de ce code : " L'aménagement du poste de travail est destiné à permettre le maintien en activité des personnels mentionnés à l'article R. 911-12 dans le poste occupé ou, dans le cas d'une première affectation ou d'une mutation, à faciliter leur intégration dans un nouveau poste. ". Aux termes de l'article R. 911-16 du même code : " Préalablement à toute décision d'aménagement du poste de travail, l'autorité compétente recueille l'avis du médecin conseiller technique ou du médecin de prévention et celui du supérieur hiérarchique du demandeur ". Aux termes de l'article R. 911-17 du même code : " En cas de décision favorable de l'autorité compétente, les modalités de l'aménagement du poste de travail sont mises en oeuvre par le supérieur hiérarchique de ce fonctionnaire. ". Aux termes de l'article R. 911-18 du même code : " L'aménagement du poste de travail peut consister, notamment, en une adaptation des horaires ou en un allégement de service, attribué au titre de l'année scolaire, dans la limite maximale du tiers des obligations réglementaires de service du fonctionnaire qui en bénéficie ".

8. Il résulte de ces dispositions que, si l'aménagement du poste de travail constitue un droit destiné à permettre le maintien en activité des personnels confrontés à l'altération de leur état de santé, il peut revêtir des formes diverses. Ainsi, l'employeur, tenu de prendre des mesures appropriées, dispose d'une marge d'appréciation quant aux modalités de cet aménagement.

9. Dans son courrier du 26 février 2016, M. C... a sollicité auprès du recteur de l'académie de Nancy-Metz un aménagement de poste consistant, à compter de la rentrée 2016/2017, en l'attribution de groupes à effectifs réduits et dépourvus des élèves posant le plus de difficultés. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le médecin de prévention du rectorat de l'académie de Nancy-Metz, dans ses avis des 9 mars 2007 et 7 mai 2013, a considéré qu'une assistance humaine constituait la solution la plus adaptée au handicap visuel du requérant. De même, dans un courrier du 17 décembre 2012, ce même médecin a souhaité que l'intéressé puisse échanger avec un enseignant bénéficiant déjà d'une telle assistance sur les conditions d'exercice professionnel dans ce contexte. Enfin, le médecin ophtalmologue agréé qui a examiné M. C..., à la demande de son employeur, afin d'apprécier son aptitude à l'exercice des fonctions, a estimé, dans un avis du 23 mars 2013, que, si le requérant peut enseigner, son handicap visuel nécessite un aménagement de poste et que l'aide humaine est souvent l'option la plus réaliste en pareil cas. En se bornant à alléguer, sans l'établir, que la solution préconisée par l'administration est de nature à le stigmatiser et à provoquer chez lui une perte d'autonomie et d'estime de soi, le requérant ne démontre pas en quoi l'aménagement de poste qu'il demande dans son courrier du 26 février 2016 représenterait une réponse plus appropriée à ses difficultés professionnelles. S'il est vrai que le médecin de prévention, dans un avis du 1er avril 2016, a admis qu'une diminution des effectifs confiés à l'intéressé pourrait améliorer son état de santé, il est constant que la proposition du rectorat du 5 septembre 2016 de dédoublement des classes afin de limiter les effectifs à quinze élèves pour l'année scolaire 2016/2017 et de lui permettre de reprendre plus aisément son service après une période de congé de maladie, a été déclinée par le requérant, qui souhaitait la pérennisation du dispositif d'année en année par tacite reconduction et l'assurance de ne plus avoir à enseigner aux élèves les plus difficiles. Ainsi que le fait valoir l'administration dans un courrier du 8 novembre 2016, la mise en oeuvre de ces exigences, qui vont au-delà des préconisations du médecin de prévention, imposerait à l'employeur une charge disproportionnée, au sens de l'article 6 sexies de la loi du 11 juillet 1983. Par suite et alors même qu'il existerait, au sein du collège " Jean-Jacques Kieffer " de Bitche, des classes de niveau à effectifs réduits en mathématiques et en français, le recteur de l'académie de Nancy-Metz, en refusant implicitement de faire droit à la demande de M. C... du 26 février 2016, n'a pas fait une inexacte application des dispositions législatives et réglementaires précitées.

S'agissant du refus implicite du recteur de l'académie de Nancy-Metz de faire droit à la demande de protection fonctionnelle :

10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur handicap (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Aux termes du quatrième paragraphe de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction alors applicable : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

11. D'une part, les dispositions précitées du quatrième paragraphe de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Les agissements répétés de harcèlement moral ou de discrimination sont au nombre de ceux que peuvent permettre à un agent public, qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par ces dispositions.

12. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ou d'une telle discrimination. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ou à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement ou de discrimination allégués sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

13. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que l'état de santé de M. C..., qui a notamment été placé à plusieurs reprises en congé de maladie ordinaire au cours de l'année scolaire 2015/2016 pour un état anxio-dépressif, s'est dégradé et que cette dégradation est liée à des difficultés d'ordre professionnel. Toutefois, contrairement à ce qu'il prétend, l'affection dont il souffre ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme la conséquence d'agissements répétés de harcèlement moral ou de discrimination à raison du handicap, qui seraient imputables à sa hiérarchie ou à ses collègues. En particulier, les affirmations du requérant selon lesquelles les agissements litigieux trouveraient leur origine dans son inaptitude physique à participer, à la différence des autres enseignants, aux activités périscolaires ne sont assorties d'aucun commencement de preuve. Par ailleurs, M. C... fait valoir qu'il est victime d'une remise en cause infondée de ses capacités professionnelles, qu'il se voit confier systématiquement les élèves les plus difficiles, que sa salle de classe est inadaptée à l'enseignement de l'allemand, qu'il n'a pas accès aux outils pédagogiques disponibles, tels la ludothèque, et qu'il a été inspecté dans des conditions discriminatoires les 22 octobre 2012 et 18 septembre 2015. Toutefois, de telles allégations ne sont pas étayées par les pièces du dossier. S'il est vrai que la salle de classe de l'intéressé se trouve au rez-de-chaussée, éloignée des salles de langues vivantes, que le chef d'établissement ne l'a pas convié, en 2008, à une journée sur le soutien scolaire, que, à la suite d'une demande d'aménagement de poste, il a fait l'objet, le 20 mars 2013, à l'initiative de l'administration, d'un examen médical destiné à apprécier son aptitude à l'exercice des fonctions d'enseignant et que l'inspection académique n'a pas cherché à mettre fin à son isolement en organisant une réunion d'équipe avec les autres professeurs d'allemand de son établissement, de telles circonstances ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination à raison du handicap. Il en va de même, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'absence d'aménagement du poste de travail de M. C..., malgré ses sollicitations répétées, une telle situation résultant du refus du requérant d'accepter l'assistance humaine proposée par son administration, malgré les préconisations du médecin de prévention dans ses avis du 9 mars 2007 et du 7 mai 2013 et la recommandation en ce sens de l'inspecteur général de l'éducation nationale en charge de l'enseignement de l'allemand dans un courrier du 11 avril 2013. Par suite, la réalité des agissements de harcèlement moral ou de discrimination à raison du handicap dont serait victime l'intéressé n'étant pas démontrée, le recteur de l'académie de Nancy-Metz n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant implicitement de faire droit à la demande de protection fonctionnelle de M. C... du 26 février 2016.

En ce qui concerne la requête n° 18NC00198 :

Sur la régularité du jugement :

14. Contrairement aux allégations de M. C..., il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges, qui ont répondu aux conclusions et aux moyens de la demande dont ils étaient saisis, auraient omis de remplir leur office en ne se prononçant pas sur l'imputabilité au service de son affection, ni qu'ils se seraient abstenus de donner une portée utile aux recours gracieux et contentieux de l'intéressé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement de première instance serait entaché d'irrégularité pour ces motifs.

Sur le bien-fondé du jugement :

15. Aux termes du premier alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable, le fonctionnaire en activité a droit : " A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Aux termes du deuxième alinéa dudit 2° : " Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite ( ...) ". Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaire, alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention, attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. ".

16. Il résulte des termes, tant du courrier du 17 mai 2016, dont l'objet porte sur une " demande de maintien à plein traitement ", que de la demande de première instance du 17 septembre 2016, dirigée contre " la décision du recteur de l'académie de Nancy-Metz rejetant implicitement le recours gracieux (...) tendant au maintien de son plein traitement ", que M. C... fait valoir que le rectorat ne pouvait légalement, sans méconnaître les dispositions précitées, refuser de lui maintenir son plein traitement à compter du 15 mai 2016, dès lors que l'affection pour laquelle il a été placé en congé de maladie ordinaire depuis le 18 avril 2016 a été reconnue, à plusieurs reprises, comme imputable au service. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité administrative compétente aurait, par une décision expresse, reconnu l'imputabilité au service de l'état anxio-dépressif dont il souffre, ni d'ailleurs que l'intéressé aurait adressé à son administration une demande à cette fin. En particulier, contrairement aux allégations du requérant, le courrier du 17 mai 2016, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, ne peut être interprété comme équivalant à une telle demande. De même, en l'absence de disposition législative ou réglementaire prévoyant la possibilité d'une reconnaissance implicite de l'imputabilité au service d'une pathologie, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'avis du médecin de prévention du rectorat du 17 décembre 2012, selon lequel " ses conditions de travail (...) semblent à l'origine d'une dégradation de son état de santé ", ni de l'absence de consultation de la commission de réforme, pour soutenir que le recteur de l'académie de Nancy-Metz aurait implicitement reconnu son état anxio-dépressif comme imputable au service. Par suite et alors qu'il n'est pas contesté que M. C... ne pouvait plus prétendre, à compter du 15 mai 2016, à un plein traitement conformément aux dispositions citées ci-dessus du premier alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, le recteur de l'académie de Nancy-Metz n'a commis ni erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, en refusant implicitement de faire droit à la demande de l'interéssé du 17 mai 2016.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions implicites de rejet en litige. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nancy-Metz.

N° 18NC00198 et 18NC00199 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00198-18NC00199
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-03-03;18nc00198.18nc00199 ?
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