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20/02/2020 | FRANCE | N°19NC03466

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 20 février 2020, 19NC03466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A..., représentée par Mme F... A..., en sa qualité de tuteur à la personne, par Me C... en sa qualité de tuteur aux biens et par Me D..., a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à prescrire une expertise médicale en vue de déterminer si les soins qui lui ont été prodigués au centre hospitalier de Troyes ont été conformes aux règles de l'art.

Par une ordonnance n° 1901606 du 18 novembre 2019, le juge des référés du trib

unal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande et a fixé la mission ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A..., représentée par Mme F... A..., en sa qualité de tuteur à la personne, par Me C... en sa qualité de tuteur aux biens et par Me D..., a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à prescrire une expertise médicale en vue de déterminer si les soins qui lui ont été prodigués au centre hospitalier de Troyes ont été conformes aux règles de l'art.

Par une ordonnance n° 1901606 du 18 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande et a fixé la mission de l'expert.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2019, et un mémoire en réponse enregistré le 3 février 2019, Mme G... A..., représentée par Mme F... A..., en sa qualité de tuteur à la personne, par Me C... en sa qualité de tuteur aux biens et par Me D... demande à la cour :

1°) de confirmer la mission de l'expert, telle que décrite aux point 1 à 6 de l'article 1er de l'ordonnance du 18 novembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à l'exception de l'examen clinique qui devra être réalisé ;

2°) d'infirmer la mission de l'expert telle que décrite aux points 7 à 11 ;

3°) de faire procéder contradictoirement sur sa personne à un examen clinique complet et détaillé

4°) de faire procéder, s'il y a lieu à tous examens ou analyses complémentaires ;

5°) compléter la mission de l'expert en ce qui concerne l'évaluation son dommage corporel ;

6°) de rejeter les demandes du centre hospitalier de Troyes ;

7°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes une somme de 3 500 euros au titres des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mission confiée à l'expert est incomplète ;

- le docteur Naudascher, son médecin conseil, dans son rapport du 22 avril 2019, a relevé plusieurs manquements lors de sa prise en charge au centre hospitalier de Troyes en présence d'un accident vasculaire cérébral ;

- la mission confiée à l'expert ne prévoit qu'un éventuel examen clinique, alors que celui-ci s'avère indispensable ;

- l'ordonnance fixe de manière trop lapidaire la mission confiée à l'expert aux points 7 à 11 relatifs à l'évaluation de son dommage corporel ;

- l'expert, pour évaluer tous ses préjudices, doit avoir reçu une mission comportant tous les postes de préjudices précisément détaillés en adéquation avec la nomenclature Dintilhac.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 janvier et 3 février 2019, le centre hospitalier de Troyes, représenté par Me E..., s'en rapporte à justice quant au mérite des conclusions de Mme A... et demande à la cour de préciser la mission de l'expert en ce qui concerne le projet de vie de Mme A... et les débours des organismes sociaux.

Il soutient que :

- la mission de l'expert peut, en effet porter sur l'ensemble des préjudices subis par la victime, afin de permettre au juge de procéder à la réparation intégrale de la victime ;

- il ne s'oppose pas à ce qu'il soit procédé à un examen clinique de Mme A... ;

- l'expert doit avoir pour mission de se prononcer sur la possibilité pour Mme A... de vivre à son domicile et sur l'éventualité qu'elle doive être placée, à plus ou moins long terme ;

- l'expert doit également avoir pour mission de se prononcer sur les débours des organismes sociaux en lien direct, certain et exclusif avec un éventuel manquement de la part du centre hospitalier, indépendamment de ceux liés à l'état initial de Mme A....

La requête a été régulièrement communiquée à la MSA Sud Champagne et à Groupama Nord Est qui n'ont pas défendu dans cette instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... A..., alors âgée de 43 ans, a, lors de son réveil, le 26 octobre 2015, constaté une paralysie du côté droit. Contacté, le SAMU s'est rendu sur place, l'a prise en charge et l'a transportée au centre hospitalier de Troyes. Pendant le trajet, elle a été victime d'une crise convulsive. Elle a été admise au centre hospitalier à 9 heures 20. A la suite de divers examens, elle a été transférée dans l'unité d'hospitalisation de courte durée, puis, le lendemain, dans le service de réanimation. Après réalisation d'une IRM et, au vu du résultat de cet examen, Mme A... a été transférée au centre hospitalier universitaire de Reims où une thrombectomie a été réalisée. L'intéressée reste néanmoins atteinte d'un Locked-in syndrome incomplet. A la suite d'une expertise non contradictoire réalisée par son médecin conseil, les représentants de Mme A... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aux fins de voir prescrire une expertise médicale. Par ordonnance du 18 novembre 2019, il a été fait droit à cette demande. Mme A... et ses représentants demandent la réformation de cette décision en vue de compléter la mission de l'expert, qu'ils jugent lacunaire. Le centre hospitalier de Troyes présente des conclusions d'appel incident tendant également à compléter la mission de l'expert.

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. ". La prescription d'une mesure d'expertise en application de ces dispositions est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée.

Sur l'appel principal de Mme A... :

3. En premier lieu, la requérante soutient que l'examen clinique ordonné est nécessaire et non éventuel, comme l'a mentionné le premier juge. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il reviendra à l'expert, après avoir examiné l'ensemble du dossier médical de l'intéressée, d'apprécier la pertinence d'un examen clinique.

4. En deuxième lieu, il ressort de la lecture des points 7 et 8 de la mission confiée à l'expert que l'ordonnance est entachée d'une erreur matérielle en ce que chacun de ces points confie à l'expert de se prononcer sur l'incapacité permanente de la patiente. Il y a lieu, dès lors, de modifier ainsi le point 7 de la mission de l'expert : " dire si l'état de Mme G... A... a entraîné une incapacité temporaire partielle résultant de troubles physiologiques ou psychologiques et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ".

5. En troisième et dernier lieu, si le premier juge a bien chargé l'expert, aux points 10 et 11 de l'article 1er de l'ordonnance attaquée, de donner son avis sur l'existence éventuelle de préjudices annexes, explicitement désignés, ainsi que sur la répercussion de l'incapacité médicalement constatée sur la vie personnelle et professionnelle de l'intéressée, il apparait utile de compléter la mission de l'expert ainsi que précisé aux nouveaux points 12 à 14 de l'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur l'appel incident du centre hospitalier de Troyes :

6. Les demandes du centre hospitalier de Troyes tendant à ce que l'expert se prononce, d'une part, sur le projet de vie de Mme A... et, d'autre part, sur les débours des organismes sociaux liés aux manquements qui viendraient à être reconnus à son encontre présentent, dans le cadre d'un litige éventuel lié à ces manquements, un caractère utile. Il y a donc lieu de compléter la mission de l'expert en ce sens.

Sur les conclusions des parties tendant au dépôt par l'expert d'un pré-rapport d'expertise :

7. Aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'expert d'établir un pré-rapport. Par suite, les conclusions présentées en ce sens par Mme A... et le centre hospitalier de Troyes ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Ces dispositions ont notamment pour objet de permettre l'indemnisation de la personne qui a dû s'adresser à une juridiction pour faire valoir ses droits, dès lors qu'elle a obtenu que soit prescrite une mesure utile pour y parvenir. Il en est ainsi d'une demande d'expertise formée devant une juridiction, laquelle est à elle seule de nature à ouvrir une instance au sens des mêmes dispositions.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, alors même que le centre hospitalier de Troyes ne s'est pas opposé à l'expertise sollicitée, de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à Mme A....

ORDONNE :

Article 1er : Le point 7 de l'article 1er de l'ordonnance du 18 novembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé ainsi qu'il suit : " dire si l'état de Mme G... A... a entraîné une incapacité temporaire partielle résultant de troubles physiologiques ou psychologiques et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ".

Article 2 : L'article 1er de l'ordonnance du 18 novembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est complété ainsi qu'il suit :

12°) de se prononcer, le cas échéant, sur la nécessité d'avoir recours à une tierce personne, la qualification requise et la durée de l'intervention, ainsi que la nécessité de bénéficier d'un logement adapté, d'un véhicule adapté ou de matériels spécialisés en rapport avec les complications survenues ;

13°) de se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d'appareillage ou de prothèse, après consolidation, pour éviter une aggravation de l'état séquellaire ; justifier l'imputabilité des soins aux complications en précisant s'il s'agit de frais occasionnels, c'est-à-dire limités dans le temps, ou de frais viagers, c'est-à-dire engagés la vie durant ;

14°) d'évaluer l'étendue des conséquences au regard de la nomenclature dite Dintilhac ;

15°) de se prononcer sur la possibilité que Mme A... puisse vivre à son domicile et sur l'éventuelle nécessité de la placer dans un établissement spécialisé et, dans ce cas, en déterminer le terme ;

16°) de se prononcer sur les débours des organismes sociaux liés aux éventuels manquements qui pourraient être reconnus imputables au centre hospitalier de Troyes et les distinguer de ceux liés à l'état initial de Mme A....

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier de Troyes versera une somme de 2 000 euros à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme G... A..., à Mme F... A..., à M. B... C..., au centre hospitalier de Troyes, à la MSA Sud Champagne et à Groupama Nord Est. Copie en sera adressée au Docteur Heinzlef, expert.

Fait à Nancy, le 20 février 2020.

La présidente de la cour

Signé : Françoise Sichler

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Siffert

2

19NC03466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 19NC03466
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ADER, JOLIBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-20;19nc03466 ?
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