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28/01/2020 | FRANCE | N°18NC01420

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 28 janvier 2020, 18NC01420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) de condamner la communauté de communes Val de Gray à lui verser une somme de 64 770,56 euros en réparation du préjudice résultant des pertes de revenus qu'elle a subies en raison de l'absence de respect des engagements pris par la communauté de communes Val de Gray lors de la fin de son détachement sur un emploi fonctionnel, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'ex

istence subis ;

2°) de juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) de condamner la communauté de communes Val de Gray à lui verser une somme de 64 770,56 euros en réparation du préjudice résultant des pertes de revenus qu'elle a subies en raison de l'absence de respect des engagements pris par la communauté de communes Val de Gray lors de la fin de son détachement sur un emploi fonctionnel, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'existence subis ;

2°) de juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de dépôt de la requête avec capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la communauté de communes Val de Gray à acquitter l'D... des cotisations retraite afférentes aux sommes dues en réparation du préjudice tiré de la suppression de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ;

4°) d'annuler les arrêtés n° 2016-66 du 10 mai 2016 et n° 2016-124 du 29 août 2016 du président de la communauté de communes Val de Gray fixant respectivement les parts liées aux résultats et aux fonctions de la prime de fonction et de résultats pour l'année 2016 ainsi que la décision du 11 août 2016 rejetant son recours gracieux contre ces décisions.

Par un jugement n° 1601616 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2018 et le 20 mai 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 mars 2018 ;

2°) de condamner la communauté de communes Val de Gray à lui verser une somme de 87 066,22 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;

3°) de condamner la communauté de communes Val de Gray à acquitter l'D... des cotisations retraites afférentes aux sommes accordées en réparation du préjudice financier tiré de la suppression de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et de lui enjoindre de procéder au versement correspondant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'annuler les arrêtés n° 2016-66 du 10 mai 2016 et n° 2016-124 du 29 août 2016 du président de la communauté de communes Val de Gray fixant respectivement les parts liées aux résultats et aux fonctions de la prime de fonction et de résultats pour l'année 2016 ainsi que la décision du 11 août 2016 rejetant son recours gracieux contre la décision du 10 mai 2016 ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes Val de Gray une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le rapporteur public n'a pas fait référence au mémoire qu'elle a présenté le 4 février 2018 et n'a pas exposé son avis sur les nouveaux arguments qu'elle avait soulevés, notamment à titre subsidiaire ;

- elle est dans l'impossibilité d'apporter la preuve de ses allégations dès lors que la procédure administrative contentieuse ne le permet pas ;

- les mentions contenues dans le jugement ne sont pas conformes aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors que son prénom mentionné en entête est erroné ;

- le tribunal n'a pas analysé correctement ses conclusions et ses moyens ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la communauté de communes a commis une faute en ne respectant pas l'accord conclu, de manière amiable, sur les conditions de fin de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services et le maintien de son régime indemnitaire ;

- elle a également commis une faute en modifiant illégalement le coefficient de calcul de la part liée aux fonctions de la prime de fonction et de résultats (PFR) ;

- les décisions du 10 mai 2016 et du 29 août 2016 méconnaissent les dispositions du décret n°2008-1533 du 22 décembre 2008 ;

- elle a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité en fixant le coefficient applicable à la part liée aux résultats de la PFR ;

- elle a commis une faute en lui supprimant illégalement le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ;

- elle a commis une faute en diminuant illégalement le montant de sa prime annuelle et en ne la lui versant pas au titre de l'année 2017 ;

- à titre subsidiaire, la collectivité a commis une faute en promettant de lui maintenir un régime indemnitaire auquel elle ne pouvait pas légalement prétendre ;

- en raison des fautes commises, elle a subi un préjudice financier et est ainsi fondée à demander le versement de l'D... des sommes dont elle a été privée ;

- ce préjudice représente 6 019 euros au titre de la NBI de mars 2014 à juin 2018, 7 773,60 euros au titre de la prime annuelle de 2014 à 2018, 33 787,50 euros au titre de la part liée aux résultats de la PFR, 29 486,12 euros au titre de la part liée aux fonctions de la PFR, soit un total de 77066,22 euros ;

- à titre subsidiaire, son préjudice résulte de la perte de chance d'être maintenue dans ses fonctions de directrice générale des services, qu'elle évalue à 60 %, soit un montant de 67 039,23 euros ;

- les fautes commises lui ont également causé un trouble dans les conditions d'existence et un préjudice moral, évalués à 5 000 euros ;

- subsidiairement à sa demande de réparation de son préjudice financier, l'absence de respect de la promesse l'a privée d'une chance sérieuse de bénéficier d'un congé spécial, évaluée à 90%, ce qui représente 28 552,50 euros ;

- compte tenu du caractère vexatoire du comportement de la collectivité, elle a droit à l'indemnisation du préjudice en résultant, distinct du préjudice moral, évalué à la somme de 5 000 euros ;

- la collectivité ne peut pas lui opposer un cumul illégal d'activité pour justifier la diminution de sa rémunération ;

- l'appel incident est irrecevable dès lors que le tribunal a rejeté sa requête et que l'appel ne peut être dirigé que contre le dispositif d'une décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, la communauté de communes Val de Gray, représentée par la DSC Avocats, conclut :

- à titre principal, à la réformation du jugement en ce qu'il considère qu'elle a commis une faute en s'abstenant de respecter les engagements qu'elle aurait pris vis-à-vis de Mme C... et au rejet des conclusions indemnitaires formulées par Mme C... sur le fondement de cette faute ;

- à titre subsidiaire, au rejet de la requête de Mme C... ;

- à titre infiniment subsidiaire, à la réduction des indemnités réclamées ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être réformé en ce qu'il a estimé qu'elle avait commis une faute en ne respectant pas la promesse de maintenir la rémunération de Mme C... ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

- le décret n°2006-779 du 3 juillet 2006 ;

- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est agent titulaire de la fonction publique territoriale depuis le 1er novembre 1977. Elle a d'abord exercé des fonctions au sein du district urbain de Gray, qui a été transformé en communauté de communes en 2000. Elle a été détachée sur l'emploi fonctionnel de secrétaire générale à compter du 1er janvier 1988. A la suite de la fusion de la communauté de communes Val de Gray avec la communauté de communes du pays d'Autrey, le 1er janvier 2013, il a été décidé d'un commun accord entre les parties de mettre fin à son détachement et de la réintégrer sur un poste d'attaché principal. Les conditions de sa réintégration ont été définies par cinq arrêtés du 13 décembre 2013, qui fixent notamment le montant de ses primes et de sa nouvelle bonification indiciaire. Mme C... a été affectée sur un nouveau poste mais, par deux arrêtés du 20 octobre 2014, ses primes ont été réduites. Sa nouvelle bonification indiciaire (NBI) a également été supprimée. Puis, par deux arrêtés n° 2016-65 et 2016-66 du 10 mai 2016, la part liée aux fonctions et la part liée aux résultats de sa prime de fonction et de résultats (PFR) ont à nouveau été réduites. Par un recours gracieux du 29 juillet 2016, Mme C... a demandé le retrait de ces deux décisions, ce qui lui a été refusé par un courrier du 11 août 2016. Toutefois, par un arrêté n° 2016-124 du 29 août 2016, l'arrêté n° 2016-65 du 10 mai 2016 a été abrogé et le coefficient de la part liée aux fonctions de sa PFR a été majoré. Mme C... relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté, d'une part, sa demande d'indemnisation du préjudice subi en raison du non-respect des engagements pris sur sa rémunération lors de la fin de son détachement sur un emploi fonctionnel et, d'autre part, ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés n° 2016-66 du 10 mai 2016 et n° 2016-124 du 29 août 2016 relatifs à sa PFR, D... le rejet de son recours gracieux du 11 août 2016.

Sur l'appel incident de la communauté de communes Val de Gray :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur.

3. En l'espèce, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté les conclusions de Mme C... tendant à la condamnation de la communauté de communes Val de Gray. Si cette dernière, par la voie d'un appel incident, demande à la cour de constater qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de Mme C... relative au respect de son engagement, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ". L'article R. 732-1 du même code précise : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose (...) ". Il ressort des mentions du jugement attaqué que le rapporteur public a prononcé ses conclusions lors de l'audience publique au cours de laquelle la demande de Mme C... a été examinée. Mme C... ne soutient ni même n'allègue qu'il se serait dispensé d'exposer, lors de l'audience publique, même succinctement, les motifs de la solution qu'il proposait à la formation de jugement d'adopter. La circonstance qu'il n'aurait pas répondu à l'D... des arguments présentés par Mme C... dans son mémoire enregistré le 4 février 2018 est sans incidence sur la régularité du jugement.

5. En deuxième lieu, si le jugement attaqué mentionne, dans son entête, un prénom erroné de la requérante, cette simple erreur matérielle, qui n'a pas été commise dans son dispositif, et est demeurée sans incidence sur la solution du litige, n'affecte pas sa régularité.

6. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à l'D... des fautes invoquées au soutien de ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté de communes du Val de Gray. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a inexactement analysé les conclusions et les moyens qu'elle avait présentés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

S'agissant des fautes tirées du non respect de son engagement par la collectivité de lui maintenir un régime indemnitaire et de son engagement à lui maintenir un régime indemnitaire auquel elle ne pouvait pas légalement prétendre :

7. A la suite de la fusion de la communauté de communes Val de Gray avec la communauté de communes du pays d'Autrey, le 1er janvier 2013, il a été décidé, d'un commun accord entre le président de la communauté de commune et Mme C..., de mettre fin au détachement de cette dernière sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services et de la réintégrer sur un poste de responsable en charge des affaires juridiques et financières, au grade d'attaché principal. La consistance de cet accord a été récapitulée dans un courrier adressé par Mme C... au président de la communauté de communes Val de Gray le 14 décembre 2013 et signé par celui-ci le 16 décembre 2013 avec la mention " bon pour accord ". Aux termes de ce document, le président de la communauté de communes Val de Gray a accepté de faire droit à la demande de Mme C... de se voir attribuer une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 25 points, une prime de fonction et de résultats (PFR) d'un montant mensuel de 2 150 euros dont 900 euros liés aux résultats et 1 250 liés aux fonctions, une prime annuelle selon les conditions fixées par délibération du conseil communautaire, soit 2 200 euros annuels, et mensuellement 50 euros pour les frais liés à la possession d'un téléphone portable et 50 euros pour son carburant. Il a également accepté qu'elle exerce ses fonctions à temps complet sur quatre jours afin qu'elle puisse poursuivre les activités effectuées par ailleurs dans d'autres structures territoriales. Cet accord a été formalisé par la signature de cinq arrêtés le 13 décembre 2013 portant notamment sur la fin du détachement sur un emploi fonctionnel de Mme C..., sur le montant de sa prime de fonction et de résultats et sur la nouvelle bonification indiciaire. Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des termes de la demande de Mme C... et de ceux de l'acceptation du président qu'une promesse ou un engagement de maintenir des avantages financiers sans aucune possibilité de les remettre en cause jusqu'au terme de la carrière de l'intéressée au sein de la collectivité aurait été pris ou convenu. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en supprimant sa NBI à compter du 1er mars 2014 et en modifiant les montants de sa PFR à compter du 1er novembre 2014 et de sa prime annuelle, la communauté de communes du Val de Gray aurait méconnu ses engagements de maintien de son régime indemnitaire et commis ainsi une faute de nature à engager sa responsabilité. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que la collectivité aurait commis une faute en s'engageant à lui maintenir un régime indemnitaire auquel elle ne pouvait pas légalement prétendre.

S'agissant de la suppression de la nouvelle bonification indiciaire :

8. Aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 susvisée : " I. - La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. (...) IV. - Les dispositions qui précèdent sont étendues dans des conditions analogues, par décret en Conseil d'Etat, aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié aux emplois qu'occupent les fonctionnaires, compte tenu de la nature des fonctions liées à ces emplois.

9. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 3 juillet 2006 : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte pour le calcul de la retraite, est versée mensuellement aux fonctionnaires territoriaux exerçant une des fonctions figurant en annexe (non reproduite voir fac-similé) au présent décret. ". Le 11 de l'annexe 1 de ce décret, relative aux " fonctions de direction, d'encadrement, assorties de responsabilités particulières ", vise l'" Encadrement d'un service administratif requérant une technicité en matière (...) de gestion des achats et des marchés publics, de gestion financière (...). ".

10. Mme C... est affectée depuis janvier 2014 à un poste de directrice financière et juridique. Il ressort toutefois de la fiche de ce poste que les nouvelles fonctions qu'elle occupe, si elles sont relatives à la gestion financière, ne comportent pas l'encadrement d'un service mais simplement des relations de collaboration avec certains services, sous l'autorité du directeur général des services. Dans ces conditions, eu égard aux nouvelles fonctions exercées par Mme C..., cette dernière n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du décret du 3 juillet 2006 pour prétendre au maintien du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. La circonstance, au demeurant non établie en l'espèce, que l'arrêté du 18 mars 2014 mettant fin au bénéfice de la NBI ne lui aurait pas été notifié est sans incidence sur la légalité de la décision en cause. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui supprimant le bénéfice de la NBI, la collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la modification du coefficient de calcul de la part liée aux fonctions de la prime de fonctions et de résultats :

11. Aux termes de l'article 2 du décret du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats : " La prime de fonctions et de résultats comprend deux parts : une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Les montants individuels de la part fonctionnelle et de la part liée aux résultats de l'évaluation et à la manière de servir sont respectivement déterminés comme suit : I. - S'agissant de la part fonctionnelle, l'attribution individuelle est déterminée par application au montant de référence d'un coefficient multiplicateur compris dans une fourchette de 1 à 6 au regard des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées à la fonction exercée (...) ".

12. Par un arrêté du 20 octobre 2014, le coefficient de la part fonction de la PFR attribuée à Mme C... a été ramené de 6 à 5 au motif que les nouvelles fonctions qu'elle exerçait à la direction financière et juridique comportaient moins de responsabilités et de sujétions spéciales que celles qu'elle exerçait en tant que secrétaire général, ce que ne conteste pas la requérante. Toutefois, par un arrêté du 10 mai 2016, ce coefficient a été ramené à 0,5 à compter du 1er juin 2016, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 22 décembre 2018, qui prévoient que ce coefficient ne peut être inférieur à 1. En outre, si la collectivité, à la suite du recours gracieux présenté par Mme C..., a modifié ce coefficient en le fixant à 1, à compter du 1er septembre 2016, par un arrêté du 29 août 2016, il ne résulte pas de l'instruction que les responsabilités, le niveau d'expertise et les sujétions spéciales liées aux fonctions exercées par Mme C... aient été limitées de manière significative depuis son affectation sur ce poste, avant sa nouvelle affectation, à compter de février 2017, sur un poste de chargée de délégation de service public. En revanche, Mme C... ne démontre pas, eu égard aux missions qui lui étaient dévolues à compter de février 2017, qu'en fixant à 1 le coefficient de la part fonction de sa PFR, la collectivité aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que la collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en en réduisant le coefficient de la part fonction de sa PFR de 5 à 0,5 de juin à août 2016, en le portant à 1 de septembre 2016 à janvier 2017.

S'agissant de la modification du coefficient de calcul de la part liée aux résultats de la prime de fonctions et de résultats :

13. Aux termes de l'article 2 du décret du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats précité : " La prime de fonctions et de résultats comprend deux parts : (...) une part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir ". Aux termes du II de l'article 5 du même décret : " Les montants individuels de la part fonctionnelle et de la part liée aux résultats de l'évaluation et à la manière de servir sont respectivement déterminés comme suit : (...) II. - S'agissant de la part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir, le montant de référence est modulable par application d'un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 6. Le montant individuel attribué au titre de cette part fait l'objet d'un réexamen annuel au vu des résultats de la procédure d'évaluation individuelle mentionnée à l'article 2 du présent décret. (...) ".

14. Par un arrêté du 20 octobre 2014, le coefficient de la part résultats de la PFR allouée à Mme C... a été ramené de 6 à 1,75, puis à 0,5 par un arrêté n°2016-66 du 10 mai 2016. Si Mme C... justifie qu'elle a exercé effectivement ses fonctions, elle n'apporte toutefois aucun élément relatif à sa manière de servir démontrant qu'en lui attribuant un tel coefficient, la collectivité aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. En particulier, ses comptes rendus d'entretien professionnel au titre des années 2012 et 2013, alors qu'elle exerçait d'autres fonctions, ainsi que la durée de sa carrière, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par la collectivité sur les résultats obtenus au cours des années 2014 à 2016. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en diminuant le coefficient de la part résultats de sa PFR.

S'agissant de la diminution du montant de sa prime annuelle et l'absence de versement au titre de l'année 2017 et 2018 :

15. Aux termes de l'article 111 de la loi susmentionnée du 26 janvier 1984 : " Les agents titulaires d'un emploi d'une collectivité ou d'un établissement relevant de la présente loi sont intégrés dans la fonction publique territoriale (...). / Ces agents conservent les avantages qu'ils ont individuellement acquis en matière de rémunération et de retraite./ (...) les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération que les collectivités locales et leurs établissements publics ont mis en place avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont maintenus au profit de l'D... de leurs agents, lorsque ces avantages sont pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l'établissement (...) ".

16. Par une délibération du 6 juillet 1990, l'assemblée du district urbain de Gray, prédécesseur de la communauté de communes Val de Gray, a maintenu l'application d'un complément de rémunération pour l'D... des agents, mis en oeuvre avant 1984 par l'amicale du personnel, et a décidé de l'attribuer directement. Ce complément, dénommé primes de vacances et de fin d'année, dont le montant est actualisé en fonction de l'indice des prix à la consommation " D... des ménages - Regroupements particuliers Métropole D.O.M D... hors loyer et hors tabac ", était versé avant 1984 en deux fois. Par une délibération du 13 février 2014, la collectivité a confirmé l'application de ce complément de rémunération dans les mêmes conditions d'attribution et d'actualisation. Ce complément constitue ainsi un avantage indemnitaire collectivement acquis au sens de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984. Contrairement à ce que soutient Mme C..., la diminution du montant de cette prime annuelle de 2 200 euros à 1 705 euros ne résulte pas d'une modification illégale décidée par la collectivité mais de l'application du coût d'actualisation de cette prime, prévu dès son institution. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui versant 1 705 euros au titre des années 2014 à 2016, la collectivité aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

17. En revanche, en s'abstenant de verser cette prime à Mme C... au titre de l'année 2017 et au titre du premier semestre de l'année 2018, dès lors que Mme C... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 28 juin 2018 et ne pouvait ainsi pas prétendre au versement intégral de cette prime, liée à l'exercice des fonctions, la collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la réparation du préjudice subi :

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a perçu 1 354,17 euros au titre de la part fonctions de la PFR au cours de la période de juin 2016 à janvier 2017 alors qu'elle aurait dû percevoir à ce titre la somme de 8 333,36 euros. Elle est ainsi fondée à demander la condamnation de la communauté de communes Val de Gray à lui verser la somme de 6 979,19 euros en réparation du préjudice subi du fait de la diminution du coefficient de la part fonctions de sa PFR.

19. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas perçu sa prime annuelle de fin d'année au titre de l'année 2017 et du premier semestre de l'année 2018. Elle est ainsi fondée à demander la condamnation de la communauté de communes Val de Gray à lui verser la somme de 2 557,50 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de versement de ce complément de rémunération.

20. En troisième lieu, dès lors que les seules fautes commises par la collectivité résident dans la diminution de la part fonctions de la PFR de Mme C... pendant une durée de huit mois et l'absence de versement de sa prime annuelle en 2017 et 2018, Mme C... ne démontre pas, dans les circonstances de l'espèce, qu'elle a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, distincts du préjudice financier correspondant, que le présent arrêt lui reconnaît.

21. En dernier lieu, dès lors qu'il n'est pas démontré que la collectivité aurait rompu la promesse de maintenir pour la fin de sa carrière le régime indemnitaire de Mme C..., accordé en décembre 2013, les demandes de cette dernière tendant au versement d'une indemnité correspondant à la perte de chance de bénéficier d'un congé spécial prévu par l'article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et à la perte de chance d'être maintenue dans ses fonctions de directrice générale des services, liées selon elle au non-respect de cette promesse, ne peuvent qu'être rejetées.

22. Il résulte de qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C... relatives à la part fonctions de sa PFR et à sa prime annuelle de fin d'année et que la communauté de communes Val de Gray doit être condamnée à lui verser une somme totale de 9 536,69 euros en réparation des préjudices résultant de l'absence de versement de sa prime annuelle et de la diminution du coefficient de calcul de la part fonctions de sa PFR.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de l'arrêté n° 2016-66 du 10 mai 2016 réduisant la part résultats de la PFR et le rejet de son recours gracieux du 11 août 2016 :

23. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°14, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ramenant le coefficient de la part résultats de la PFR de Mme C... de 1,75 à 0,5, la communauté de communes du Val de Gray ait entaché son appréciation de la manière de servir de Mme C... d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté susvisé, D... le rejet de son recours gracieux.

S'agissant de l'arrêté n° 2016-124 du 29 août 2016 réduisant la part fonctions de la PFR :

24. Il résulte de ce qui a été dit au point n°12 qu'en ramenant à 1 le coefficient de la part fonctions de la PFR de Mme C... par l'arrêté du 29 août 2016, la collectivité a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, Mme C... est fondée à demander pour ce motif l'annulation de cet arrêté.

25. Il résulte de qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2016.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

26. En premier lieu, Mme C... a droit, à compter du 6 octobre 2016, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Besançon, aux intérêts au taux légal sur la somme de 9 536,69 euros.

27. En second lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par Mme C... dans un mémoire complémentaire, présenté en première instance, enregistré au greffe du tribunal le 4 février 2018. Mme C... peut donc y prétendre à compter du 6 octobre 2017, date à laquelle il était dû une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais d'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la communauté de communes du Val de Gray demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Val de Gray le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C... relatives à la part fonctions de sa prime de fonctions et de résultats et à sa prime annuelle de fin d'année, ainsi que celles tendant à l'annulation de l'arrêté n°2016-124 du 29 août 2016.

Article 2 : L'arrêté n° 2016-124 du 29 août 2016 est annulé.

Article 3 : La communauté de communes Val de Gray est condamnée à verser à Mme C... la somme de 9 536,69 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016. Les intérêts échus le 6 octobre 2017, seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 4 : La communauté de communes Val de Gray versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme C... et les conclusions d'appel incident ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté de communes Val de Gray sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la communauté de communes Val de Gray.

2

N° 18NC01420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01420
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SAUMET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-28;18nc01420 ?
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