La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2019 | FRANCE | N°18NC02176

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 décembre 2019, 18NC02176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Cochon de Lait a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de rétablir le déficit reportable constaté au titre de l'année 2011 que l'administration a réduit à la suite d'un contrôle sur pièces.

Par un jugement n° 1603228 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018 la SCI du Cochon de Lait demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation de ce jugemen

t ;

2°) de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré au titre de l'année...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Cochon de Lait a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de rétablir le déficit reportable constaté au titre de l'année 2011 que l'administration a réduit à la suite d'un contrôle sur pièces.

Par un jugement n° 1603228 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018 la SCI du Cochon de Lait demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation de ce jugement ;

2°) de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait application des textes du code général des impôts applicables en matière de revenus fonciers alors qu'elle est imposable à l'impôt sur les sociétés à la suite de l'option qu'elle a régulièrement effectuée ;

- le versement d'une indemnité d'éviction au locataire d'un bail commercial ayant pour but de permettre de relouer les murs à un loyer supérieur constitue une charge déductible des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés et non pas un complément du prix d'acquisition de l'immeuble ; en l'occurrence, le prix total estimé par l'administration serait de beaucoup supérieur au prix du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Cochon de Lait ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SCI du Cochon de Lait.

Considérant ce qui suit :

1. Selon un acte authentique du 8 septembre 2011, la SCI du Cochon de Lait, société de personnes ayant opté pour l'imposition de ses bénéfices à l'impôt sur les sociétés, a acquis de Mme B... un immeuble à usage de restaurant situé à Strasbourg pour le prix stipulé de 800 000 euros. Ce local à usage commercial était libre de toute occupation. L'administration a constaté que, par l'intermédiaire d'une société Financière DJ SARL, la SCI du Cochon de Lait avait versé à Mme B..., le 6 septembre 2011, une somme de 478 342 euros destinée à désintéresser l'ancien locataire de cette dernière, créancier d'une indemnité d'éviction de même montant, en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 24 mars 2011. Il n'est pas contesté que Mme B... a ensuite versé cette somme au liquidateur judiciaire de son créancier. Estimant que ce versement constituait une partie du prix de revient de l'immeuble acquis par la SCI du Cochon de Lait devant à ce titre être inscrit à son actif immobilisé et non une charge déductible du bénéfice imposable, l'administration, à la suite d'une procédure contradictoire de rectification, a en conséquence réduit le déficit reportable déclaré par la société requérante au titre de l'année 2011. Par le jugement attaqué du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SCI du Cochon de Lait contestant ce rehaussement. La SCI du Cochon de Lait relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.". Aux termes de l'article 39 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :1° Les frais généraux de toute nature ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe 3 au même code, applicable à la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine ./ Cette valeur d'origine s'entend :/ a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la société requérante a fait l'acquisition du local à usage de restaurant litigieux et a versé la somme de 478 432 euros à la cédante, le bail commercial liant cette dernière à son locataire avait pris fin. Mme B... se trouvait seule débitrice de l'indemnité d'éviction à l'égard de son ancien locataire, en vertu du jugement ci-dessus analysé du 24 mars 2011. Il est également constant que la SCI du Cochon de Lait, au moment où elle a versé la somme litigieuse à Mme B... le 6 septembre 2011 avant même de se rendre propriétaire de l'immeuble, n'était juridiquement tenue par aucun engagement de s'acquitter d'une telle somme. Contrairement à ce que soutient la SCI du Cochon de Lait, le versement de cette somme n'a pu avoir ni pour objet ni pour effet de libérer les locaux d'un précédent occupant, ce dernier ayant quitté les lieux à la suite de sa cessation d'activité le 31 juillet 2011 consécutivement au jugement de liquidation judiciaire prononcé le 18 juillet précédent. En tout état de cause, si tel avait le cas, une telle indemnité versée au cédant afin de permettre à ce dernier de libérer les locaux du précédent locataire ne pourrait s'analyser que comme un élément du prix de revient de l'immeuble, à ce titre non déductible des bénéfices. Par suite et en toutes hypothèses, le versement de cette somme ne saurait être qualifié à l'égard de la société requérante de paiement d'une indemnité d'éviction. Il se déduit nécessairement de ces circonstances que le versement de la somme litigieuse a constitué un élément de la négociation ayant eu lieu entre l'acquéreur et la cédante en vue de la réalisation de la vente de la boutique à usage de restaurant. Ce paiement ayant été ainsi une condition de la vente, il doit être qualifié de complément du prix devant à ce titre être inscrit à l'actif immobilisé de la société acquéreuse. Il découle également de cette analyse que, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette somme, qui n'est pas la contrepartie de l'acquisition d'un droit incorporel, devait être comprise dans la valeur d'origine de l'immobilisation corporelle que constitue l'immeuble dont elle avait fait l'acquisition. C'est donc en faisant une exacte application des dispositions ci-dessus reproduites que le service a exclu la somme litigieuse des charges déductibles du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de la société requérante au titre de l'année 2011. Si la société du Cochon de Lait soutient qu'une telle somme de 1 278 342 euros, constituée du prix stipulé augmenté de la somme de 478 432 euros, est de beaucoup supérieure à la valeur vénale de l'immeuble, une telle circonstance, au demeurant pas établie, n'était pas pour autant de nature à permettre la déduction parmi les charges d'une partie de ce prix.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Cochon de Lait n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Strasbourg, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant au rétablissement de son déficit reportable de l'année 2011. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la SCI du Cochon de Lait est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Cochon de Lait et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC02176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02176
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;18nc02176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award