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10/12/2019 | FRANCE | N°17NC02744

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 10 décembre 2019, 17NC02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer les conditions de son traitement lors de sa prise en charge au centre hospitalier régional universitaire de Besançon et évaluer les préjudices subis, d'autre part, de condamner ce centre à lui verser une somme, qui sera chiffrée après le dépôt des conclusions expertales, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1601338 du 19 septembre

2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer les conditions de son traitement lors de sa prise en charge au centre hospitalier régional universitaire de Besançon et évaluer les préjudices subis, d'autre part, de condamner ce centre à lui verser une somme, qui sera chiffrée après le dépôt des conclusions expertales, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1601338 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 juin 2018, Mme E... F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601338 du tribunal administratif de Besançon du 19 septembre 2017 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale ;

3°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Besançon à lui verser une somme, qui sera chiffrée après le dépôt des conclusions expertales, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des séquelles causées par la curiethérapie.

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Besançon le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le recours à une nouvelle expertise s'avère nécessaire, dès lors que le rapport d'expertise du 20 septembre 2015 indique qu'elle ne pouvait, pour des raisons vitales, se soustraire au traitement, sans préciser s'il s'agissait du traitement par radio-chimiothérapie ou celui par curiethérapie ;

- le centre hospitalier régional universitaire de Besançon ne l'a pas informée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, des risques induits par la curiethérapie sur ses fonctions urinaires et rectales, ainsi que sur sa vie sexuelle ;

- en raison de ce défaut d'information, elle a été privée d'une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est produit ;

- elle a également subi un préjudice moral en raison d'un défaut de préparation aux conséquences du risque et de la souffrance morale éprouvée lors de la découverte, sans y avoir été préparée, des effets de son traitement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 juillet 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, représenté par Me B..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- la mesure d'expertise sollicitée est inutile ;

- aucune faute médicale ne peut lui être reprochée ;

- en l'absence d'alternative thérapeutique, Mme F... n'a subi aucune perte de chance ;

- la réparation du préjudice d'impréparation, qui n'a pas été sollicitée en première instance, constitue une demande nouvelle en appel.

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2017, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 26 juin et 12 juillet 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, appelée dans la cause en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, conclut à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale. Elle indique qu'elle entend demander le remboursement des prestations qu'elle a servies et qu'elle sera en mesure de chiffrer sa créance après les résultats de l'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me C... et Me G..., conclut à sa mise hors de cause, au rejet de toute demande des tiers payeurs dirigée contre lui et à la condamnation de la partie succombante aux dépens.

Il soutient que ;

- aucune demande indemnitaire n'est dirigée à son encontre ;

- les préjudices allégués par la requérante ne peuvent être indemnisés au titre de la solidarité nationale ;

- la mesure d'expertise sollicitée est inutile.

Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour le centre hospitalier régional universitaire de Besançon.

Considérant ce qui suit :

1. Alors âgée de quarante-deux ans, Mme E... F... a présenté, en septembre 2010, des douleurs lombaires, des rectorragies et des métrorragies, sans altération de l'état général. La réalisation de divers examens et, notamment, d'une tomodensitométrie puis d'une imagerie par résonnance magnétique, les 16 et 24 septembre 2010, ont mis en évidence la présence d'un important carcinome épidermoïde pelvien d'origine indéterminée. Prise en charge au sein du service d'oncologie du centre hospitalier régional universitaire de Besançon, la requérante a été soignée par radio-chimiothérapie du 25 octobre au 26 novembre 2010. Le traitement s'étant avéré efficace, il a été décidé de le compléter par une curiethérapie utéro-vaginale mise en place le 17 janvier 2011. Dans son mémoire en défense, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon fait, de plus, état d'une irradiation pelvienne associée à une chimiothérapie réalisée du 24 au 28 janvier 2011. Si l'évolution de son état de santé a été favorable sur le plan oncologique, Mme F... a souffert de complications liées au traitement. Par un courrier du 13 avril 2014, elle a adressé au centre hospitalier régional universitaire de Besançon une réclamation préalable, qui a été rejetée le 24 septembre suivant. Le 19 novembre 2014, elle a également saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de Franche-Comté, qui, à la suite du rapport d'expertise du 20 septembre 2015 diligenté par ses soins, a rendu un avis défavorable à sa demande d'indemnisation le 1er décembre 2015. Par une requête, enregistrée le 13 août 2016, Mme F... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale et, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Besançon à lui verser une somme, qui sera chiffrée après les résultats de cette expertise, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre de sa prise en charge médicale pour le traitement de sa tumeur. Elle relève appel du jugement n° 1601338 du 19 septembre 2017, qui rejette sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon et tirée de la tardiveté de la requête :

2. Il résulte de l'instruction que la demande préalable d'indemnisation de Mme F..., adressée par un courrier du 13 avril 2014, a été rejetée par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon le 24 septembre 2014. Le 19 novembre 2014, Mme F... a saisi la commission de conciliation et indemnisation de Franche-Comté. Cette saisine a prorogé, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique, le délai de recours contentieux, qui a recommencé à courir à la date de la notification de l'avis défavorable rendu par la commission le 1er décembre 2015. Toutefois, si le courrier de notification de cet avis est daté du 13 janvier 2016, la date à laquelle ce courrier été reçu par la requérante n'est pas établie. par les pièces du dossier. Par suite et alors que l'intéressée a présenté une demande d'aide juridictionnelle dès le 17 mars 2016 et a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 24 juin 2016, sa demande, enregistrée le 13 août 2016, n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon doit être écartée.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale :

3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation. ".

4. Il résulte du rapport d'expertise du 20 septembre 2015, diligenté par la commission de conciliation et d'indemnisation de Franche-Comté, que les experts, après avoir relevé un probable manquement du centre hospitalier régional universitaire de Besançon à son obligation d'information de la patiente, se sont bornés à affirmer que le pronostic vital de Mme F... était engagé et qu'elle ne pouvait se soustraire au traitement, sans distinguer entre le traitement par radio-chimiothérapie et celui par curiethérapie. En l'absence, notamment, d'une telle distinction, l'état du dossier ne permet pas à la cour de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la requérante. Par suite, il y a lieu d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale aux fins précisées ci-après.

D E C I D E

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme F..., procédé par un expert, désigné par la présidente de la cour, à une expertise avec pour mission de :

1°) de déterminer la nature et l'étendue des troubles subis par Mme F... ;

2°) de fixer la date de consolidation ;

3°) d'évaluer les préjudices résultant de ces troubles, en distinguant les préjudices avant et après consolidation et en indiquant, pour chacun de ces préjudices, dans quelle mesure il est imputable aux traitements reçus et, notamment, à la curiethérapie ou à d'éventuels traitements postérieurs à celle-ci ;

4°) de déterminer si la curiethérapie et ces traitements postérieurs éventuels ont été décidés et effectués conformément aux règles de l'art ;

5°) de déterminer si la curiethérapie et, le cas échéant, les traitements qui auraient été réalisés postérieurement à la curiethérapie étaient indispensables au regard de l'état de santé de Mme F... à l'issue de la radio-chimiothérapie et d'évaluer, par des pourcentages, les risques d'une poursuite ou d'une reprise de l'affection cancéreuse, d'une part, en l'absence de curiethérapie et, d'autre part, en l'absence des traitements qui auraient été ensuite pratiqués ;

6°) de déterminer si Mme F... a été informée par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon des risques liés à la curiethérapie et à d'éventuels traitements postérieurs ;

7°) de déterminer si Mme F... avait une possibilité raisonnable de refuser la curiethérapie et de tels traitements et de chiffrer la perte de chance de l'intéressée de se soustraire aux risques qui se sont produits ;

8°) de fournir à la cour tous éléments utiles à la solution du litige.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme F..., notamment ceux concernant le suivi médical, les actes de soins et les diagnostics pratiqués sur Mme F... lors de sa prise en charge par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon ; il pourra entendre toute personne du service hospitalier ayant participé au traitement de Mme F... ; il procédera à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme F..., ainsi qu'à son examen clinique.

Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre Mme F..., le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Saône.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative ; il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour ; il déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., au centre hospitalier régional universitaire de Besançon, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Saône et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera adressée à l'expert désigné.

N° 17NC02744 2


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