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03/12/2019 | FRANCE | N°18NC01526

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18NC01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 15 novembre 2016 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois lui a infligé une sanction disciplinaire consistant en l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont un an avec sursis et de condamner l'EHPAD de Ligny-en-Barrois à lui restituer les rémunérations qu'elle n'a pas perçues pendant la période d'exclusion temporai

re de ses fonctions.

Par un jugement n° 1700004 du 15 mars 2018, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 15 novembre 2016 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois lui a infligé une sanction disciplinaire consistant en l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont un an avec sursis et de condamner l'EHPAD de Ligny-en-Barrois à lui restituer les rémunérations qu'elle n'a pas perçues pendant la période d'exclusion temporaire de ses fonctions.

Par un jugement n° 1700004 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mai 2018 et le 7 mars 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 mars 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée le 15 novembre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 novembre 2016 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois lui a infligé une sanction disciplinaire consistant en l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont un an avec sursis ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits sanctionnés étaient prescrits lorsque la nouvelle procédure disciplinaire a été engagée ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas fautifs ;

- la sanction est disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés ;

- sa requête d'appel n'a pas été introduite tardivement dès lors que le délai de recours a été prorogé jusqu'au 21 mai 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, l'EHPAD de Ligny-en-Barrois, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel, déposée tardivement, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent des services hospitaliers qualifié titulaire depuis le 1er avril 2008, exerçant ses fonctions au sein de la maison de retraite de Ligny-en-Barrois, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle le directeur de l'établissement a, par une décision du 18 novembre 2014, prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de deux ans, dont un an avec sursis, à compter du 21 novembre 2014. Par un jugement du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette sanction comme étant intervenue au terme d'une procédure irrégulière. Par une décision du 15 novembre 2016, le directeur de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois a pris une nouvelle sanction d'exclusion temporaire de deux ans, dont un an avec sursis, à l'encontre de Mme B.... Mme B... fait appel du jugement du 15 mars 2018 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.

3. Les manquements retenus à l'encontre de Mme B... ont été commis au cours des années 2013 et 2014. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai de prescription de ces faits n'a pu courir, au plus tôt, qu'à compter du 22 avril 2016. La procédure disciplinaire qui a débouché sur la décision du 15 novembre 2016 a été engagée moins de trois ans après cette date. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ces faits étaient prescrits à la date de la décision attaquée.

4. En second lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme ; Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. La décision attaquée est motivée par le comportement inapproprié de Mme B..., à laquelle il est reproché notamment de manquer de la discrétion requise dès lors qu'elle parle très fort et crie parfois sur les résidents, de ne pas respecter les règles de confidentialité en exposant à voix haute la situation et les difficultés des résidents dans la salle à manger, en présence des familles, de verbaliser des jugements négatifs et irrespectueux sur les résidents en leur présence, et de maltraiter certains résidents psychologiquement et parfois physiquement. Ces faits, qui ont été portés à la connaissance du personnel d'encadrement par des témoignages de collègues de l'intéressée, repris dans un rapport du 1er août 2014, ont été corroborés, de manière circonstanciée et concordante, lors de l'audition, dans le cadre d'une enquête administrative, des onze agents qui les avaient constatés dans l'accomplissement de leur service avec Mme B.... Ni l'évaluation et la notation pour l'année 2013, relevant les qualités professionnelles de l'intéressée, ni les quelques témoignages produits par la requérante, relatant qu'ils n'ont jamais assisté à de tels comportements de la part de l'intéressée, ne sont de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. L'ensemble des agissements reprochés à Mme B... est établi et est constitutif d'une faute de nature à justifier une sanction.

7. Compte tenu de la qualité d'aide-soignante de Mme B..., qui avait déjà été sanctionnée en août 2013 d'un avertissement verbal notamment pour des manquements dans la réalisation des soins, et de la particulière vulnérabilité des résidents avec lesquels elle est en contact, et alors même que sa manière de servir avait été jugée satisfaisante au titre de l'année 2013, le directeur de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans dont un avec sursis.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EHPAD de Ligny-en-Barrois, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 novembre 2016 par laquelle elle a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans dont un avec sursis.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'EHPAD de Ligny-en-Barrois au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois.

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N° 18NC01526


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET FILOR - JURI-FISCAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 03/12/2019
Date de l'import : 16/12/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NC01526
Numéro NOR : CETATEXT000039456679 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-03;18nc01526 ?
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