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06/06/2019 | FRANCE | N°18NC01590-18NC01591

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 18NC01590-18NC01591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1800003 du 2 mai 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I - Sous le n° 18NC01590, par une requête et un mémoire enregistrés le 29 ma

i et le 9 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1800003 du 2 mai 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral contesté.

Procédure devant la cour :

I - Sous le n° 18NC01590, par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mai et le 9 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C...B....

Il soutient que :

- la décision contestée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'est pas entachée d'incompétence ;

- elle ne méconnaît pas l'article 6 § 7 de l'accord franco-algérien.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet, 23 juillet et 2 août 2018 et le 11 avril 2019, M. C...B..., représenté par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer en l'attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

- à ce qu'une somme de 2 500 euros à lui verser soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a à bon droit annulé la décision contestée ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'incompétence ;

- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été pris régulièrement ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour.

II - Sous le n° 18NC01591, par une requête enregistrée le 29 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés le 4 juillet 2018 et le 11 avril 2019, M. C...B..., représenté par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 2 500 euros à lui verser soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les observations de MeA..., pour M. C...B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien, est entré en France le 12 décembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 17 mai 2017, il a demandé un titre de séjour pour raison de santé qui a été rejeté par arrêté préfectoral du 11 décembre suivant. Le préfet du Bas-Rhin interjette appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 11 décembre 2017.

2. Les requêtes n° 18NC01590 et 18NC01591 sont relatives à un même jugement et ont suivi une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., âgé de 25 ans à la date de la décision contestée, souffre d'une schizophrénie grave, nécessitant de nombreuses hospitalisations, éventuellement sur décisions de l'autorité judiciaire ou administrative, et fait l'objet d'un suivi régulier au sein du service de psychiatrie des hôpitaux universitaires de Strasbourg depuis qu'il est entré en France. S'il n'est arrivé sur le territoire national qu'en 2016, est célibataire et sans enfants, il ressort des pièces du dossier que l'essentiel de ses liens familiaux se trouve en France. En effet, sa mère vit en France avec son second mari sous couvert d'un certificat de résidence valable jusqu'en mai 2024 et a trois enfants de nationalité française. Il n'est pas contesté que depuis son entrée en France, M.B..., est hébergé chez sa mère, dont la présence à ses côtés, comme celle de ses demi-frères et soeur concourt à la stabilisation de sa pathologie. Les pièces produites en appel établissent que sa mère a demandé au moins à deux reprises mais en vain, en 2001 et 2009, le regroupement familial à son profit, qu'elle a effectué plusieurs séjours en Algérie dans la mesure de ses possibilités et qu'elle a envoyé régulièrement de l'argent à son fils. Si M. B...était hébergé en Algérie par ses grands-parents, son grand-père est décédé en 2013 et sa grand-mère âgée de 76 ans et souffrante, n'est plus en mesure de le prendre en charge alors que l'état de santé de M. B... s'est dégradé à ce moment. Il n'est pas non plus contesté que M. B...n'a plus de liens avec son père dont le lieu de résidence est inconnu. Ainsi et alors même que les liens avec ses demi frères et soeur n'ont été créés qu'après son entrée sur le territoire français, l'essentiel des liens familiaux de M. B...se trouve en France et sa pathologie justifie qu'il soit assisté par sa famille proche. Par suite, dans le cas très particulier de l'espèce, et compte tenu de la gravité de l'état de santé de l'intéressé et des soutiens familiaux dont il a besoin, l'arrêté préfectoral contesté a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. L'arrêté méconnaît dès lors l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. B...un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur la requête n° 18NC01591 :

8. Le présent arrêt statuant au fond sur l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 18NC01591.

Article 2 : La requête n° 18NC01590 du préfet du Bas-Rhin est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de délivrer un titre de séjour à M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Bas-Rhin et à M. C...B....

2

N° 18NC1590 et 18NC01591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01590-18NC01591
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-06;18nc01590.18nc01591 ?
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