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19/03/2019 | FRANCE | N°18NC00446

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 18NC00446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1706559 du 12 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2018, MmeA..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1706559 du 12 février 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2018, MmeA..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de huit jours à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement ni par le rapporteur, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le signataire de l'arrêté en litige était incompétent ;

- dès lors que son époux est admissible au séjour en France, l'exécution de l'arrêté en litige, qui permet son éloignement, porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que reconnu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions combinées des articles L. 511-1, L. 743-1 et R. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 4 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2019 à 12h00.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante kosovare née le 13 octobre 1982, est entrée une première fois en France, selon ses déclarations, en février 2013, en compagnie de ses deux premiers enfants, afin d'y solliciter l'asile. Son époux l'a rejointe en avril 2013. Après le rejet de sa demande d'asile d'abord par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 22 septembre 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 5 mars 2015, Mme A... a sollicité le réexamen de sa situation. Cette demande ayant été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 23 novembre 2016 puis rejetée par la CNDA le 12 juillet 2017, le préfet du Bas-Rhin a, par arrêté du 1er décembre 2017, refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A...relève appel du jugement du 12 février 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". L'affaire qui a donné lieu au jugement attaqué ayant été jugée par un magistrat statuant seul, Mme A... ne peut utilement soutenir que la minute de ce jugement ne comporte pas la signature du rapporteur et du président de la formation de jugement. A supposer qu'elle ait ainsi entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-8 du code de justice administrative, il ressort de la minute du jugement que celui-ci comporte la signature du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif et celle du greffier de l'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à Mme A...ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Ce moyen doit en conséquence être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté dans son ensemble :

3. Le jugement attaqué a, en son point 2, écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué en se fondant sur l'examen de l'arrêté de délégation de signature du 18 octobre 2017 produit en défense. Mme A...reprend en appel ce moyen sans produire aucun élément de fait ou de droit nouveau. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

Sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure, qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 1er décembre 2017 à laquelle le préfet du Bas-Rhin a pris à l'encontre de Mme A...une décision l'obligeant à quitter le territoire français, son époux disposait d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la CNDA statue sur sa demande d'asile. Cette circonstance faisait obstacle à ce que le préfet du Bas-Rhin prenne à l'encontre de l'époux de Mme A...une mesure d'éloignement jusqu'à ce que la CNDA ait définitivement statué sur sa demande d'admission au titre de l'asile. Le magistrat désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a d'ailleurs annulé, pour ce motif, la décision du même jour par laquelle le préfet du Bas-Rhin a obligé M. A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dès lors, compte tenu de cette annulation et eu égard à la situation de Mme A...en France, qui vit avec son époux et ses enfants, Mme A...est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, qu'à la date à laquelle elle a été prise, la décision d'éloignement prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que cette décision doit ainsi être annulée, de même que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et celle lui interdisant de revenir sur le territoire français.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a, dans cette mesure, rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de justice administrative : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". En conséquence, eu égard à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de MmeA..., il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Burkatzki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Burkatzki de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 1er décembre 2017 du préfet du Bas-Rhin est annulé en tant qu'il oblige Mme A...à quitter le territoire français, fixe le pays de destination et porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Article 2 : Le jugement n° 1706559 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2018 est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Burkatzki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC00446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00446
Date de la décision : 19/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BURKATZKI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-19;18nc00446 ?
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