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26/02/2019 | FRANCE | N°18NC00426

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 février 2019, 18NC00426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert auprès des autorités belges et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800389 du 23 janvier 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la c

our :

1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert auprès des autorités belges et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800389 du 23 janvier 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dans l'application de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que la notion de membre de famille ne concerne pas les frères et soeurs ;

- si M. D...a souhaité que sa demande d'asile soit examinée par le même Etat que sa soeur, cette dernière n'a pas exprimé le même souhait ;

- les autres moyens dirigés en première instance par M. D...contre l'arrêté décidant son transfert vers les autorités belges ne sont pas fondés ;

- le signataire de l'arrêté portant assignation à résidence n'était pas incompétent ;

- l'intéressé a bénéficié des informations sur les modalités d'exercice de ses droits, de ses obligations et sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ;

- la décision portant assignation à résidence est suffisamment motivée ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités belges doit être écarté ;

- l'arrêté portant assignation ne porte pas une atteinte manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2018, M.D..., représenté par MeC..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'il pouvait se prévaloir de l'article 9 du règlement n° 604/2013 ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien confidentiel mené par une personne qualifiée, que le recours à un interprète par téléphone ne lui a pas permis de comprendre les informations qui lui était données et que l'identité de l'interprète n'est pas précisée ;

- faute de notification de la décision d'acceptation par les autorités belges, il ne sait sur quel fondement elles se sont estimées compétentes ;

- dès lors qu'il avait déposé une demande d'asile en France en 2011, avant sa demande d'asile effectuée en Belgique, la France doit être reconnue comme l'Etat responsable de sa demande d'asile ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'il a rejoint sa soeur et qu'il est hébergé par elle ;

- la même décision porte une atteinte excessive à son droit au respect d'une vie privée et familiale ;

- la décision portant assignation à résidence n'est pas motivée en fait et en droit ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et porte une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert compte tenu de l'expiration du délai de six mois à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant désormais la France responsable de l'examen de la demande de protection internationale (cf. CE 24 septembre 2018, n° 420708 ).

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement(UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 16 janvier 2018 décidant le transfert de M.D..., ressortissant afghan, vers la Belgique et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la décision de transfert :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 janvier 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. D...vers la Belgique est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle les autorités belges ont donné leur accord pour sa reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par M.D..., de son recours présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 janvier 2018 qui a annulé la décision de transfert. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, à la date du 23 juillet 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M.D.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 23 janvier 2018 annulant sa décision de transfert de M. D...vers la Belgique sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur la décision d'assignation à résidence :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le premier juge et tiré de l'exception d'illégalité de la décision de transfert :

6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561- 1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois (...) ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 16 janvier 2018 du préfet du Bas-Rhin assignant M. D...à résidence après avoir reconnu l'illégalité de la décision de transfert.

7. En premier lieu, la décision de transfert en litige a été signée par M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile, et en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien produit par le préfet du Bas-Rhin, que M. D...a bénéficié le 16 octobre 2017 d'un entretien individuel en langue française. Il ressort par ailleurs de la demande d'admission renseignée par l'intéressé le même jour que celui-ci a déclaré comprendre le français. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'irrégularité des conditions dans lesquelles il aurait été recouru à un interprète doivent être écartés comme manquant en fait. En outre, faute pour l'intéressé d'établir qu'il n'aurait pas compris la portée des informations qui lui ont ainsi été données et d'avoir manifesté, à une quelconque étape de la procédure, une incompréhension de la langue française, le moyen tiré de ce que le préfet, qui pouvait raisonnablement penser qu'il la comprenait, aurait méconnu les dispositions citées au point précédent en conduisant l'entretien en langue française doit être écarté.

10. En troisième lieu, si M. D...soutient que la décision d'acceptation de prise en charge des autorités belges ne lui a pas été notifiée et qu'il ignore sur quel fondement l'Etat belge s'est estimé compétent pour examiner sa demande d'asile, aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'impose de notifier au demandeur d'asile la décision d'acception de l'Etat membre compétent pour examiner sa demande d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle et familiale de M.D....

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ".

13. M. D...se prévaut de la présence régulière en France de sa soeur, Mme B..., qui a obtenu le statut de réfugiée. Il résulte cependant des dispositions du g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 que les frères et soeurs ne sont pas au nombre des membres de la famille pris en compte pour l'application des dispositions régissant le transfert et en particulier celles de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 qu'il ne peut, par suite, utilement invoquer.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

15. Si M. D...soutient être hébergé par sa soeur, MmeB..., il n'établit pas être isolé en cas de retour en Belgique. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En dernier lieu, en vertu de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'Etat membre auprès duquel une nouvelle demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de celle-ci lorsqu'une requête aux fins de reprise en charge n'a pas été formulée par cet Etat membre dans les délais fixés par cet article, alors même qu'un autre Etat membre était responsable de l'examen de demandes de protection internationale introduites antérieurement et que le recours exercé contre le rejet de l'une de ces demandes était pendant, devant une juridiction de ce dernier Etat membre, à l'expiration de ces délais.

17. Il ressort des pièces du dossier que les empreintes décadactylaires de M. D... ont été relevées en Belgique le 18 décembre 2012, dans le cadre de la procédure Eurodac dans la catégorie 1, signifiant, selon les articles 11 et 24 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, que M. D...y a déposé une demande de protection internationale. Il n'est pas établi que les autorités belges auraient alors requis les autorités françaises aux fins de reprise en charge de M. D... dans les délais fixés à l'article 23, au motif que celui-ci avait sollicité le bénéfice de l'asile pour la première fois en France le 10 mai 2011. Dans ces conditions, c'est par une exacte application du règlement que les autorités françaises ont estimé que du fait de l'accord de réadmission qui leur a été donné par les autorités de ce pays, la Belgique s'était reconnue responsable de la demande d'asile de l'intéressé.

18. Contrairement à ce que soutient M.D..., le moyen tiré de ce qu'en raison de la demande d'asile qu'il avait déposée en France le 10 mai 2011, la décision de transfert en litige méconnaissait l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 présente un caractère inopérant dès lors qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles du paragraphe 2 de l'article 7 du même règlement, qu'elles ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après s'être vu refuser l'asile par un autre Etat membre.

19. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a, pour annuler l'arrêté du 16 janvier 2018 assignant M. D...à résidence, retenu l'illégalité de la décision de transfert.

20. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...à l'encontre de la décision du préfet du Bas-Rhin du 16 janvier 2018 l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

S'agissant des autres moyens :

21. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

22. En deuxième lieu, cette décision, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus particulièrement l'article L. 561-2 de ce code, décrit de manière précise le parcours de M.D..., mentionne la décision de transfert de l'intéressé vers la Belgique, indique qu'il ne dispose pas de moyens lui permettant de se rendre dans ce pays et est accompagné par la plate-forme d'accueil des demandeurs d'asile à Strasbourg et que le transfert demeure une perspective raisonnable. La décision contestée comportant ainsi les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivée.

23. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'en faisant obligation au requérant de se présenter une fois par semaine aux services de la police aux frontières, le préfet du Bas-Rhin ait porté une atteinte excessive à son droit d'aller et venir ou à son droit de mener une vie familiale normale. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 16 janvier 2018 assignant à résidence M. D... pour une durée de quarante-cinq jours. Il y a lieu d'annuler ce jugement, dans cette mesure et de rejeter la demande correspondante.

Sur les frais d'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 23 janvier 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 janvier 2018 décidant le transfert de M. D...vers la Belgique.

Article 2 : Le jugement n° 1800389 du 23 janvier 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 janvier 2018 assignant à résidence M. D...pour une durée de quarante-cinq jours.

Article 3 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2018 portant assignation à résidence est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. D...devant la cour tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...D....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00426
Date de la décision : 26/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-26;18nc00426 ?
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