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06/12/2018 | FRANCE | N°17NC00190

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 17NC00190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1302993 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 27 janv

ier 2017 et 4 avril 2018, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1302993 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 27 janvier 2017 et 4 avril 2018, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302993 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est résident fiscal suisse ; en effet, il a été hébergé à Payerne (canton de Vaud) par un couple d'amis à compter du mois de février 2009, dans l'attente de trouver un logement sur place ; sa famille est venue très régulièrement le voir en Suisse ; lui et MmeB..., sa concubine, ont conclu un bail le 18 avril 2009 pour louer un appartement à Faoug (canton de Vaud) d'une superficie de 100 m² pour trois personnes à compter du 1er juin 2009 ; ils ont versé une caution de 4 000 euros et ont demandé à disposer de l'appartement à partir du 15 mai 2009 ; leur déménagement a été déclaré à la douane française et à la mairie de Folschviller ; il a demandé des titres de séjour suisses pour lui et sa famille ; une attestation de résidence du 16 avril 2009 indique qu'il résidait à Payerne ; il a obtenu son permis B en Suisse ; l'administration se prévaut de réponses qui lui ont été fournies par la caisse d'allocations familiales et par Electricité de France, dans le cadre de l'exercice du droit de communication, pour soutenir qu'il résidait en France au cours des années 2009 et 2010, mais elle ne produit pas les réponses de ces organismes ; les informations qu'elle a obtenues ne permettent pas d'établir qu'il était résident fiscal en France au cours des deux années en litige ; au plan professionnel, il a commencé à travailler en qualité de chirurgien-dentiste salarié dans le cabinet dentaire Dentalys à Payerne ; il a travaillé ensuite pour le docteur Terrier à Porrentruy (canton du Jura) avant de racheter des parts sociales du cabinet White ; il a été imposé en Suisse ; en parallèle de son activité en Suisse, il a travaillé ponctuellement dans son cabinet à Faulquemont en attendant de pouvoir le céder ; le centre de ses intérêts économiques se situait en Suisse au cours de ces deux années ; en effet, il a payé ses impôts en Suisse et ses revenus provenaient majoritairement de ses activités exercées dans ce pays ; pour ces motifs, il n'était imposable en France qu'à raison des revenus tirés de son activité exercée en France ;

-son cabinet dentaire situé en France constituait une base fixe au sens de l'article 16 de la convention fiscale franco-suisse ; par conséquent, les frais de déplacements engagés pour se rendre dans son cabinet installé en Suisse devaient être déduits de ses bénéfices non commerciaux perçus et imposables en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., qui exerce une activité de chirurgien-dentiste à Faulquemont (Moselle), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 30 novembre 2011 au 20 mars 2012, à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'il était résident fiscal en France au cours des années 2009 et 2010. Des rappels d'impôts sur le revenu ont été mis en recouvrement le 31 décembre 2012 au titre de ces deux années. M. D...a présenté deux réclamations les 9 janvier et 14 février 2013 qui ont donné lieu à une décision d'admission partielle le 6 mai 2013. Le requérant a contesté le surplus des rappels devant le tribunal administratif de Strasbourg. Par un jugement rendu le 29 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge. M. D...relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M. D...au cours des années 2009 et 2010 :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". Aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus. ".

4. Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, le lieu du séjour principal de l'intéressé ne pouvant déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

5. Si M. D...s'est installé à compter du mois de février 2009 en Suisse pour y exercer une activité de chirurgien-dentiste, il résulte de l'instruction et en particulier des informations recueillies le 5 décembre 2011 par l'administration auprès de la caisse d'allocations familiales et d'Electricité de France, dont la teneur n'est pas contestée, que M. D... vivait au cours des deux années en litige maritalement avec MmeB..., dont il a eu deux enfants nés les 20 août 2008 et 16 juillet 2010. Il ressort de ces mêmes informations que cette dernière résidait à Folschwiller (Moselle) et percevait des allocations familiales. En outre, le contrat d'électricité concernant l'immeuble sis à cette adresse était ouvert au nom du requérant. Il n'est par ailleurs pas établi que Mme B...avait un titre de séjour suisse. Les documents officiels des autorités suisses, tels que l'attestation de résidence à Payerne et l'attestation d'établissement à Faoug produits par M.D..., n'indiquent pas que sa concubine et leurs enfants résidaient en Suisse au cours des années en litige. Enfin, le requérant ne produit aucun document relatif à des actes de la vie courante qui auraient été faits par les membres de sa famille en Suisse. Dans ces conditions, le requérant, qui avait au surplus le centre de ses intérêts économiques en France, doit être regardé comme ayant eu son foyer et, pour ce seul motif, son domicile fiscal en France en 2009 et en 2010 au sens du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

6. Aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. D...est résident fiscal en France au sens de la législation fiscale française. A supposer que les revenus perçus par le requérant au cours des années 2009 et 2010 aient également été imposés en Suisse sur le fondement de l'un des critères énoncés par le 1 de l'article 4 de la convention conclue le 9 septembre 1966, l'intéressé disposait d'un foyer d'habitation permanent au sens du 2 de cet article, uniquement en France, eu égard aux relations personnelles entretenues avec cet Etat, ainsi qu'il résulte des motifs exposés au même point 5. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'était pas imposable en France.

En ce qui concerne les frais de déplacements :

8. Aux termes de l'article 16 de la convention précitée : " 1. Les revenus qu'un résident d'un État contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet État, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre État contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. S'il dispose d'une telle base, les revenus sont imposables dans l'autre État, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe. 2. L'expression " professions libérales " comprend, en particulier (...) les activités indépendantes des (...) dentistes (...). ". Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Aux termes de l'article 13 de ce code : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu (...) ". Aux termes de l'article 93 du même code, relatif à la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) " ;

9. M. D...soutient qu'il était résident fiscal en Suisse, qu'il disposait d'une base fixe située à Faulquemont et que les frais de déplacements engagés pour se rendre à son cabinet dentaire faulquinois à partir de sa résidence suisse sont déductibles de ses revenus français imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le requérant est résident fiscal en France, ainsi qu'il vient d'être dit, et il résulte de l'instruction que son domicile est situé à Folschviller (Moselle). Un tel moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. A supposer que M.D..., dont il est constant qu'il dispose d'une base fixe en Suisse au sens des stipulations précitées, ait entendu demander la prise en compte des frais qu'il a exposés en 2009 et en 2010 pour s'y rendre à partir de son domicile de Folschviller, un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que ces frais ont été engagés pour l'acquisition de revenus qui sont imposables en Suisse en application des dispositions de l'article 16 de la convention du 9 septembre 1966.

Sur les conclusions présentées par M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC00190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00190
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : AARPI BDF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-06;17nc00190 ?
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