La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2018 | FRANCE | N°17NC03030

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC03030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 avril 2015 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1503223 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision précitée, d'autre part, enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du ju

gement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 avril 2015 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1503223 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision précitée, d'autre part, enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2017 et 27 mars 2018, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Le préfet du Haut-Rhin soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B...ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'était pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour de Mme B...sur un autre fondement que celui qu'elle avait présenté ;
- Mme B...n'ayant pas justifié de son entrée régulière sur le territoire français, elle ne pouvait prétendre à la délivrance sur place d'un visa de long séjour en sa qualité de conjointe de ressortissant français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2018, complété par un mémoire de production de pièces du 13 mars 2018, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de maintenir le titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui a été délivré en exécution du jugement du 22 novembre 2017 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui remettre dans un délai de dix jours un récépissé de trois mois avec autorisation de travail à renouveler le temps nécessaire au réexamen de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :
- M.D..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, était incompétent pour faire appel du jugement du 22 novembre 2017 ;
- pour considérer que la décision du préfet du Haut-Rhin du 14 avril 2015 méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges pouvaient parfaitement tenir compte d'éléments postérieurs au refus de séjour mais évoquant des éléments antérieurs ;
- compte tenu de la durée de son séjour en France, de l'ancienneté de sa relation avec son conjoint, de l'engagement du couple dans une démarche d'aide à la procréation médicalement assistée et de son engagement associatif, la décision du 14 avril 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire " conjoint de Français " au seul motif de son entrée irrégulière sur le territoire français.

Par ordonnance du 30 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 avril 2018.

Des mémoires de productions présentés pour Mme B...ont été enregistrés les 7 et 28 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- et les observations de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement du 22 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 14 avril 2015 refusant à MmeB..., ressortissante camerounaise, la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qu'elle avait sollicitée sur le fondement des dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ".

3. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du bail d'habitation et du contrat EDF, annexés à la demande de titre de séjour présentée par courrier du 9 avril 2015, que la requérante, qui a déclaré être entrée sur le territoire français au début de l'année 2013, a emménagé dès juin 2013 avec un ressortissant français, M. E...B..., dans un logement situé ... . Si le mariage de la requérante avec M.B..., célébré le 22 novembre 2014. remontait, comme le souligne le préfet, à moins de six mois à la date de la décision attaquée, leur vie commune est ainsi établie depuis près de deux ans. Il ressort enfin du courrier des hôpitaux universitaires de Strasbourg du 21 avril 2015 que les deux époux ont engagé une démarche d'aide à la procréation médicalement assistée dès septembre 2014. Dans ces conditions, compte tenu de l'ancienneté de la relation de Mme B...avec son conjoint, la décision du 14 avril 2015 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel, que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 14 avril 2015 refusant à Mme B...la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité renouvelle la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " délivrée à Mme B... en exécution du jugement de première instance. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de renouveler ce titre de séjour d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de renouveler la carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " délivrée à Mme B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme F...B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme F...B...et au préfet du Haut-Rhin.

2
N° 17NC03030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03030
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc03030 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award