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22/11/2018 | FRANCE | N°17NC03010

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC03010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601020 et 174425 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté la demande diri

gée contre l'arrêté du 15 septembre 2015 et a annulé l'arrêté du 6 septembre 2017.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601020 et 174425 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté la demande dirigée contre l'arrêté du 15 septembre 2015 et a annulé l'arrêté du 6 septembre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2017, le préfet du Haut-Rhin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a annulé l'arrêté du 6 septembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance n° 1704425 de M.B....

Il soutient que M. B...ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne justifie d'aucune activité professionnelle depuis son entrée en France et n'a pas mentionné une telle circonstance dans sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, M. C...B...représenté par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- il justifie de considérations humanitaires en raison de sa résidence depuis 5 années sur le territoire français et de ses importants efforts d'intégration ;

- il a pu obtenir un contrat saisonnier dans un restaurant qui lui a proposé d'intégrer l'entreprise en contrat saisonnier jusqu'au 31 décembre 2017 ;

- il suit des cours de français, a des engagements associatifs dans plusieurs organisations religieuses, sa famille vit en France, son fils et sa fils ont un titre de séjour, et son épouse a demandé un titre de séjour pour raisons médicales qui est en cours d'instruction ;

- le jugement attaqué sera confirmé en ce qui concerne l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Un mémoire a été déposé pour M. B...le 24 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité géorgienne, entré en France le 26 mars 2012, a demandé le statut de réfugié qui lui a été refusé, puis a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et obtenu une autorisation provisoire de séjour de six mois. Le 18 mai 2015, M. B...a demandé à nouveau un titre de séjour pour raisons de santé qui, après avis du médecin de l'agence régionale de santé, lui a été refusé. Le 17 mai 2017, M. B...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 septembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a pris un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, qui a été annulé par le jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg pour erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé. Le préfet du Haut-Rhin interjette appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-2 / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a seulement produit, à l'appui de sa demande une lettre du 10 avril 2017 d'un restaurateur indiquant qu'il confirmait l'embauche de l'intéressé par contrat saisonnier jusqu'à la fin de l'année et un contrat de travail saisonnier du 17 avril 2017 pour un emploi de "garçon de buffet" du 11 avril au 21 décembre 2017. Il justifiait ainsi disposer d'un simple contrat saisonnier dans un restaurant jusqu'au 31 décembre 2017.

4. L'emploi qu'invoquait M. B...ne se situant pas dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement, la Direccte, saisie par le préfet, a émis un avis défavorable à la demande en indiquant que pour le 1er trimestre 2017, il y avait dans le Haut-Rhin 150 demandeurs d'emploi en qualité de serveur en restauration pour une offre de 60. Ainsi et alors même que M. B...indique avoir obtenu des diplômes de maître d'hôtel dans son pays, il ne faisait pas état de circonstances exceptionnelles au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, la circonstance qu'il résidait depuis 5 ans en France, que son épouse avait demandé un titre de séjour pour raison de santé, qu'il avait participé à des actions de bénévolat, et que ses deux enfants majeurs étaient en situation régulière en France avec leurs familles, ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, estimer que la situation de l'intéressé ne justifiait pas une admission exceptionnelle au séjour.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté contesté.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et la cour.

Sur la compétence :

7. Par arrêté du 20 septembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Marx, secrétaire général de la préfecture, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département " à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les refus de titre de séjour. Ainsi, M. Marx était compétent pour signer l'arrêté contesté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces arrêtés doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

8. La décision par laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... comporte de façon très précise les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et fait mention des circonstances propres à l'intéressé. Ainsi, elle est suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".

10. M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2012, qu'il a accompli des efforts d'intégration, que toute sa famille vit sur le territoire français, que ses enfants ont des titre de séjour et que sa femme a demandé un titre de séjour pour raisons de santé. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France à l'âge de 50 ans, qu'il s'est maintenu en situation irrégulière depuis son entrée sauf pendant une période de 6 mois, que son épouse ne dispose pas d'un titre de séjour, qu'il ne justifie pas être dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine et que ses enfants sont majeurs. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en dehors de l'hypothèse d'absence de délai de départ volontaire prévue au II de l'article ou de rejet d'une demande expresse d'un délai supérieur à trente jours, la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas le caractère d'une décision devant être motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979. Ainsi, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours prévu par l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008, l'autorité administrative n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a pas fait valoir de circonstances particulières propres à justifier que ce délai soit prolongé. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut être accueilli.

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Pour soutenir que cet article est méconnu, M. B...reprend les mêmes considérations qu'à propos de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11. Il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus à propos du refus de titre de séjour, d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. En se bornant à faire valoir sans autre précision qu'il risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi dans son pays d'origine, M. B...ne met pas la cour en mesure de statuer sur le bien fondé de son moyen.

16. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 15 septembre 2015. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. B...ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif et ses conclusions à fin d'injonction sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 17NC03010


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 22/11/2018
Date de l'import : 04/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC03010
Numéro NOR : CETATEXT000037648985 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc03010 ?
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