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22/11/2018 | FRANCE | N°17NC02953

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC02953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de La Longeville a rejeté sa réclamation indemnitaire et de condamner cette commune à lui verser une somme totale de 77 044 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la renonciation de la commune à lui vendre une parcelle du domaine privé communal.

Par un jugement no 1500647 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Besançon a condam

né la commune de La Longeville à verser à Mme E...une somme de 5 000 euros.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de La Longeville a rejeté sa réclamation indemnitaire et de condamner cette commune à lui verser une somme totale de 77 044 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la renonciation de la commune à lui vendre une parcelle du domaine privé communal.

Par un jugement no 1500647 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de La Longeville à verser à Mme E...une somme de 5 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2017 et 26 avril 2018, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1500647 du 10 octobre 2017 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 5 000 euros ;

2°) de condamner la commune de La Longeville à lui verser une somme totale de 76 696,98 euros à titre d'indemnisation, augmentée des intérêts de retard au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner la commune de La Longeville à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme E...soutient que :

- les frais dont elle demande le remboursement résultent directement de la faute commise par la commune ;

- son manque à gagner est établi dès lors qu'elle a perdu une chance certaine, directe et personnelle de réaliser son projet ;

- l'indemnisation de son préjudice moral par le tribunal est insuffisante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 avril et 4 mai 2018, la commune de La Longeville, représentée par MeC..., demande à la cour d'annuler le jugement attaqué, de rejeter la requête, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif et de condamner Mme E...à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de La Longeville soutient que :

- elle n'a commis aucune faute en renonçant à céder la parcelle litigieuse à la requérante, dès lors qu'elle ne s'est jamais engagée à le faire ;

- le caractère direct et certain des préjudices allégués n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour MmeE..., ainsi que celles de Me A..., substituant MeC..., pour la commune de La Longeville.

Une note en délibéré présentée par Mme E...a été enregistrée le 7 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 décembre 2014, Mme E...a présenté à la commune de La Longeville une réclamation en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la renonciation de la commune à lui céder un terrain appartenant à son domaine privé, sur lequel l'intéressée projetait d'implanter une activité d'héliciculture. Sa réclamation étant demeurée lettre morte, Mme E...a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune à lui verser une somme de 77 044 euros en réparation des préjudices subis.

2. Mme E...relève appel du jugement de ce tribunal du 10 octobre 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 5 000 euros. Par voie d'appel incident, la commune de La Longeville sollicite l'annulation de ce jugement.

Sur la responsabilité de la commune :

3. Mme E...se prévaut d'une délibération du 18 octobre 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Longeville a donné à l'unanimité son accord pour lui céder une parcelle relevant de son domaine privé d'une superficie de 20 ares située au lieudit " aux Auberges ", en vue d'y implanter son projet. La délibération fixe le prix de la cession proposée à 6 euros hors taxes le m² et précise que les frais de notaire, de géomètre et de réseaux seront à la charge de l'acheteur. Mme E...produit également un courrier du maire du 29 octobre 2013 faisant état de cette délibération et en rappelant les termes. Contrairement à ce que fait valoir la commune, la réalité de la délibération est établie par ces éléments.

4. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que cette délibération n'est pas devenue exécutoire faute d'avoir été transmise au sous-préfet, comme l'exigent les dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales s'agissant de la délibération d'un conseil municipal, cette circonstance est sans incidence sur la portée de l'engagement que la commune a pris à l'égard de l'intéressée et que le maire a confirmé dans son courrier du 29 octobre 2013, dès lors que cet engagement était de nature à donner à l'intéressée la conviction légitime que la commune lui céderait le terrain convoité.

5. Enfin, il ne ressort pas des termes de ce courrier, qui se borne à inviter Mme E... à y répondre jusqu'au 15 novembre 2013, sans poser aucune condition ni préciser la teneur de la réponse attendue ni les conséquences susceptibles de résulter du non-respect de cette échéance, que la commune ait entendu subordonner le maintien de son engagement à lui céder les parcelles à une acceptation expresse des conditions de vente fixées par le conseil municipal au plus tard à la date indiquée. Au demeurant, il résulte de l'instruction que, plusieurs mois après, le 18 mars 2014, un plan de division-bornage en vue de la vente à Mme E...a été établi par un géomètre à la demande de la commune, ce qui démontre que cette dernière n'était pas revenue sur son engagement à cette date.

6. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a commis aucune faute et n'a pas engagé sa responsabilité vis-à-vis de Mme E...en refusant ultérieurement de lui céder le terrain en litige et en lui proposant seulement, par une délibération du conseil municipal du 6 mai 2014, de louer deux autres terrains situés à un autre endroit de son territoire.

Sur le droit à réparation de MmeE... :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les frais dont Mme E...demande le remboursement ont été engagés antérieurement à la délibération du 18 octobre 2013. Ils ne peuvent donc pas procéder de l'engagement pris par la commune à cette date, et en l'absence de tout élément concret de nature à démontrer l'existence d'un engagement antérieur, lequel n'est au demeurant pas allégué, ces frais ne sauraient être mis à la charge de la commune.

8. En deuxième lieu, pour justifier du manque à gagner dont elle demande l'indemnisation, Mme E...se borne à produire un simple tableau faisant apparaître la marge brute qu'elle escompte tirer de son exploitation. Cet élément, qui ne mentionne même pas la marge nette et n'est étayé par aucune autre pièce permettant de vérifier le bien-fondé de ses prévisions, ne suffit pas à établir la réalité du manque à gagner allégué. En outre, alors que la commune a fait valoir le caractère insuffisamment probant de ce document depuis la première instance, Mme E...n'apporte, en appel, aucun autre élément à l'appui de ses prétentions. Dès lors, ce chef de préjudice ne peut qu'être rejeté.

9. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges se soient livrés à une appréciation inexacte du préjudice moral subi par Mme E...en fixant sa réparation à la somme de 5 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que ni MmeE..., ni la commune de La Longeville ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a fixé l'indemnisation de la requérante à la somme de 5 000 euros. Dès lors, leurs conclusions tendant à la réformation, pour l'une, et à l'annulation, pour l'autre, du jugement, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et à la commune de La Longeville.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 17NC02953


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 22/11/2018
Date de l'import : 04/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC02953
Numéro NOR : CETATEXT000037648983 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc02953 ?
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