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22/11/2018 | FRANCE | N°17NC02808

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC02808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, la décision du 20 septembre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Saône a implicitement refusé de retirer son arrêté du 13 mai 2015 accordant à la société Parc Eolien des Ecoulottes un permis de construire sept éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vars, d'autre part, l'arrêté du 13 mai 2015.>
Par jugement n° 1501767 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, la décision du 20 septembre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Saône a implicitement refusé de retirer son arrêté du 13 mai 2015 accordant à la société Parc Eolien des Ecoulottes un permis de construire sept éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vars, d'autre part, l'arrêté du 13 mai 2015.

Par jugement n° 1501767 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, complétée par un mémoire enregistré le 19 mars 2018, M. D...C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de Vingeanne, représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2015 du préfet de la Haute-Saône ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien des Ecoulottes la somme de 3 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne soutiennent que :

Sur la recevabilité :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire contesté ;

Sur la composition du dossier de demande de permis de construire :

- le dossier de demande de permis de construire n'indique pas les modalités de raccordement du poste de livraison au réseau public de distribution d'électricité ;

- la photographie PC 8 ne permet pas de situer le terrain du projet dans son environnement lointain ;

Sur la consultation du public :

- la demande de permis de construire aurait dû être mise à la disposition du public par voie électronique en application des dispositions de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté attaqué a été pris dans des conditions incompatibles avec les objectifs des directives n° 85/337/CE du 27 juin 1985 et 2011/92/UE du 13 décembre 2011, dès lors que le préfet n'a pas mis à la disposition du public les demandes de permis de construire et l'étude d'impact, ce qui a privé la population d'une garantie ;

Sur la consultation des communes et établissements publics de coopération communale limitrophes :

- le préfet a méconnu les dispositions du XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dès lors qu'il n'a pas recueilli l'avis de toutes les communes et de tous les établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de la commune de Vars, ce qui a privé les personnes qui n'ont pas été consultées d'une garantie et a influencé le sens des décisions prises ;

- le nouvel article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme introduit par l'article 2 du décret n° 2012-41 du 12 janvier 2012 n'est pas applicable car le XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 ne nécessite pas de décret d'application ; au surplus, ce décret, qui restreint le champ d'application de la loi, est illégal ;

- la consultation de la seule commune d'Auvet-et-la-Chapelotte dans le cadre de l'instruction du permis de construire modificatif n'est pas de nature à régulariser l'irrégularité tirée de la méconnaissance du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 ;

Sur l'atteinte à l'intérêt de lieux avoisinants, aux paysages naturels et au patrimoine environnant :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des intérêts protégés par l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dès lors que la réalisation du projet de parc éolien à Vars portera atteinte au paysage naturel et au patrimoine architectural et historique situé à proximité ;

Sur les conséquences sur la population de chiroptères :

- l'arrêté contesté méconnaît l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne prévoit aucune mesure propre à assurer la protection des chauves-souris ;

- aucune dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'a été sollicitée pour la réalisation du parc éolien, alors que son installation et son exploitation engendreront la destruction d'espèces animales protégées ;

Sur l'atteinte à la salubrité publique :

- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet altérera nécessairement la santé des riverains du fait des nuisances sonores engendrées par les machines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, la société Parc éolien des Ecoulottes, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de déclarer la requête de M. D...C...et de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de Vingeanne irrecevable ;

2°) à défaut de confirmer le jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;

3°) en toute hypothèse de mettre à la charge des requérants la somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne ne justifiant d'aucun intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Le ministre s'en remet aux mémoires présentés par le préfet de la Haute-Saône devant le tribunal administratif de Besançon.

Par un courrier du 16 août 2018, le magistrat rapporteur, par délégation du président de la 1ère chambre, a demandé à M. D...C...et à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne de produire, dans un délai d'un mois, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, un mémoire récapitulatif.

Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 14 septembre 2018, M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, concluent aux mêmes fins que précédemment.

Par une ordonnance du 14 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2011/92 UE/ du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., pour M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, ainsi que celles de MeA..., pour la société Parc éolien des Ecoulottes ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 mai 2015, le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société " Parc éolien des Ecoulottes " un permis de construire sept éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vars. Par un courrier du 9 juillet 2015, reçu le 20 juillet par le préfet de la Haute-Saône, M. D...C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne ont formé un recours gracieux. M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne font appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2015 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux née le 20 novembre 2015.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la composition du dossier de permis de construire :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact comporte une carte présentant le tracé envisagé pour le raccordement électrique. Par ailleurs, et en tout état de cause, le raccordement, à partir du poste de livraison, des ouvrages de production d'électricité aux réseaux public de transport d'électricité et de distribution d'électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux. Le raccordement au réseau public relevant d'une opération distincte de la construction des éoliennes et du poste de livraison, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'emplacement des câbles de liaison aurait dû figurer sur le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire.

3. En second lieu, la seule circonstance que la photographie PC8, exposant une vue lointaine en direction du projet situé à 5 km au-delà de la végétation du Bois de la Roche à Pouilly-sur-Vigeanne, ne permettrait pas de localiser précisément le projet dans un paysage lointain, n'est pas de nature à démontrer l'insuffisance du dossier dès lors que, comme l'ont relevé les premiers juges, de nombreux autres documents permettent de situer le projet dans son environnement proche et lointain.

En ce qui concerne la consultation du public :

4. Aucune disposition du code de l'urbanisme applicable à la date de l'arrêté attaqué n'imposait la participation du public à la procédure préalable à la délivrance du permis de construire pour le projet en litige.

5. En revanche, selon la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, dont un au moins doté d'un mât d'une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres, sont soumises au régime de l'autorisation. A ce titre, elles sont visées dans le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement comme devant faire l'objet d'une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 du même code. Conformément à l'article L. 123-2 de ce code, elles font, par suite, l'objet d'une enquête publique.

6. Ainsi, alors qu'à la date de l'arrêté attaqué, le projet litigieux requérait deux autorisations distinctes, l'une délivrée sur le fondement du code de l'urbanisme, la seconde sur le fondement du code de l'environnement, l'étude d'impact et l'enquête publique n'étaient requises que pour l'autorisation d'exploitation délivrée au titre de la législation sur les installations classées.

7. Les requérants font valoir que le droit national alors applicable, en ce qu'il ne prévoyait pas les mêmes obligations pour la délivrance du permis de construire au titre de la législation d'urbanisme, n'était pas compatible avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 susvisée, qui a abrogé et codifié la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Selon les requérants, le préfet aurait dû mettre à la disposition du public la demande de permis de construire et, en particulier, l'étude d'impact qui y était jointe, en application directe des dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 de la directive du 2011/92/UE, et il a entaché son arrêté d'un vice de procédure en s'abstenant de le faire.

8. Aux termes de l'article 2 de cette directive : " 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. / 2. L'évaluation des incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d'autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d'autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive ".

9. Aux termes de l'article 4 de cette directive : " 1. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l'annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. (...) ". Les " installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie (parcs éoliens) " sont visées au i) du point 3 de l'annexe II.

10. Enfin, aux termes de l'article 6 de cette directive : " (...) 2. À un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement visées à l'article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public par des avis au public ou d'autres moyens appropriés tels que les moyens de communication électroniques lorsqu'ils sont disponibles: / a) la demande d'autorisation ; / b) le fait que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement et que, le cas échéant, l'article 7 est applicable ; / c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, de celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, de celles auxquelles des observations ou questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les délais de transmission des observations ou des questions ; / d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu'il existe, le projet de décision ; / e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l'article 5 ; / f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ; / g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article. (...) / 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement visé à l'article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l'autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d'autorisation ne soit prise ; / 5. Les modalités précises de l'information du public (par exemple, affichage dans un certain rayon ou publication dans la presse locale) et de la consultation du public concerné (par exemple, par écrit ou par enquête publique) sont déterminées par les États membres. (...) ".

11. Il résulte de ces différentes dispositions que l'information et la consultation du public ne sont requises que pour les projets soumis à une évaluation environnementale et que, pour les projets visés dans l'annexe II, une marge d'appréciation est laissée aux Etats membres pour déterminer s'ils doivent ou non être soumis à cette évaluation.

12. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions qu'un même projet, pour lequel ces formalités sont requises, doive faire l'objet de plusieurs évaluations environnementales et de procédures d'information et de participation du public avant de pouvoir être mis en oeuvre. Il ne résulte pas non plus de ces dispositions que, dans le cas où la mise en oeuvre du projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, lesdites formalités doivent nécessairement précéder la délivrance de la première de ces autorisations.

13. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'à la date de l'arrêté attaqué, le droit national n'était pas compatible avec les objectifs de la directive 2011/92/UE.

En ce qui concerne la consultation des communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes :

14. En premier lieu, aux termes de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 : " XI.- Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ".

15. Aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable: " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".

16. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de consultation instituée par l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 ne s'étend pas à l'ensemble des communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de la commune d'implantation du projet, mais est limitée à celles des collectivités dont le territoire est limitrophe de l'unité foncière d'implantation du projet ou, lorsque le projet est implanté sur plusieurs unités foncières distinctes, de l'une de ces unités foncières. En outre, s'agissant des établissements publics de coopération intercommunale, seuls doivent être consultés ceux disposant de la compétence en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme.

17. Les requérants soutiennent toutefois que l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme est entaché d'illégalité en ce qu'il est superflu et qu'il restreint le champ d'application de la loi.

18. Mais, tout d'abord, si le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision n° 366065 du 15 octobre 2014, que l'application des dispositions précitées du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 " n'était pas manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire qu'elles ne prévoyaient d'ailleurs pas ", cette circonstance n'interdisait pas au pouvoir réglementaire d'en préciser le champ d'application. Ensuite, la loi vise les communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes du périmètre du projet, lequel, en tout état de cause, ne coïncide pas nécessairement avec le territoire de la commune où il doit être implanté. Les dispositions réglementaires qui, ainsi qu'il a été dit au point 16, doivent s'entendre comme signifiant que doivent être consultés sur l'ensemble du projet les communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ou, lorsque le projet est implanté sur plusieurs unités foncières distinctes, de l'une de ces unités foncières, se bornent à préciser la notion de " périmètre du projet " mentionnée dans la loi, sans en restreindre la portée. Enfin, en réservant la consultation aux seuls établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme, le pouvoir réglementaire s'est borné à préciser les conditions d'application des dispositions législatives, sans en restreindre le champ d'application.

19. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a entaché d'illégalité l'arrêté attaqué en ne recueillant pas l'avis de l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de la commune de Vars, où est implanté le projet.

20. En second lieu, il résulte de l'instruction que la seule commune limitrophe de l'unité foncière d'implantation du projet est celle d'Auvet-et-la Chapelotte. Le conseil municipal de cette commune s'est prononcé favorablement, d'une part, sur la validation du projet éolien des Ecoulottes et, d'autre part, sur la demande de permis de construire modificatif présentée par la société " Parc éolien des Ecoulottes ", lors de sa séance du 9 mars 2017 au cours de laquelle le permis initial délivré le 13 mai 2015 a été nécessairement examiné.

21. En tout état de cause, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. Dès lors, alors même que la commune d'Auvet-et-la Chapelotte aurait été consultée de manière irrégulière sur l'autorisation d'urbanisme contestée comme le soutiennent les requérants, cette circonstance, à la supposer établie, n'a pas eu d'incidence sur la compétence du préfet et, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie.

22. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 doit être écarté.

En ce qui concerne la violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

S'agissant de l'atteinte aux paysages naturels et de la saturation visuelle :

24. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions accompagnant la délivrance de ce permis de construire, il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu, de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Ces dispositions excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés.

25. Le tribunal administratif a procédé à l'examen du caractère du site naturel de la vallée de la Vingeanne dans lequel devait être réalisé le projet d'implantation de sept éoliennes, en soulignant les éléments illustrant la qualité de son paysage et de son patrimoine. Il a ensuite relevé que les avis défavorables émis par les services territoriaux de l'architecture et du patrimoine des départements de la Côte d'Or, de la Haute-Marne et de la Haute-Saône dont se prévalaient les requérants ne concernaient pas ledit projet. Il a ensuite apprécié l'impact visuel de ces éoliennes en tenant compte d'autres parcs existants ou en projet, notamment autour de la vallée de la Vingeanne en Côte d'Or.

26. Il ressort des pièces du dossier, notamment du volet paysager de l'étude d'impact, qu'à l'échelle éloignée, le projet n'est visible que de deux couloirs en lien avec la vallée de la Vingeanne au Nord-ouest et au Sud-ouest de la zone. De tous les autres points de vue, la zone visuelle d'influence (ZVI) est fragmentée par les multiples surfaces boisées recouvrant toutes les entités paysagères en présence. A l'échelle rapprochée, les boisements jouent à cette échelle un rôle important en termes de séquençage de la ZVI. En ce qui concerne les rebords de la Vingeanne, les villages les plus proches, situés sur le rebord Est de la vallée, sont protégés par la ligne de crête boisée qui sépare la Vingeanne du plateau agricole. Il en ressort que les perceptions visuelles sont principalement d'ordre lointain. Les pales des éoliennes sont certes visibles depuis certains lieux, mais n'apparaissent, avec des conditions météorologiques favorables, qu'en arrière plan.

27. Les parcs éoliens existants les plus proches se situent à plus de 30 kilomètres du projet des Ecoulottes. Or, l'impact potentiel des éoliennes est toujours inférieur à 15 kilomètres et aucun impact supplémentaire n'est possible au-delà de ce périmètre. Par ailleurs, dans le contexte boisé et ondulant qui compose la structure paysagère où s'insère le projet, l'objet tend, au-delà de 8 kilomètres, à perdre de son influence. Dès lors, les projets des parcs de Vingeanne Est, de Mirebellois et de Bèze se situant entre 14 et 18 kilomètres du site des Ecoulottes, l'impact de saturation visuelle peut être considéré comme faible.

S'agissant du patrimoine environnant :

28. En premier lieu, l'abbaye cistercienne de Theuley, dont subsistent aujourd'hui la porte monumentale, les deux pavillons d'entrée, des mûrs de clôture, deux corps de bâtiment de l'ancienne aile Sud, des vestiges archéologiques et un moulin, est située à environ 1,4 kilomètre du projet. S'il est constant que l'abbaye et les éoliennes sont en situation de covisibilité, l'impact du projet sur ce site devrait toutefois rester limité compte tenu de l'enclavement de la majeure partie des éléments intérieurs de l'abbaye au sein d'un haut mur de clôture limitant les échanges visuels avec l'extérieur. A l'extérieur de l'abbaye, et dès lors que les éoliennes et le monument se font face, l'observateur regardera, soit dans la direction de la porte monumentale et de l'enceinte, soit en direction des éoliennes. Il n'y aura donc pas de concurrence visuelle ni de superposition.

29. En deuxième lieu, le calvaire de Vars, monument du 16ème siècle inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, est situé sur une place au centre du bourg à 820 mètres de l'éolienne la plus proche. Il ressort des pièces du dossier que les éoliennes sont masquées par le front bâti à proximité du calvaire. Par ailleurs, ce monument a fait l'objet d'une attention particulière puisque l'éolienne n° 8 initialement prévue a été supprimée dans la variante du projet finalement retenue du fait de sa trop grande proximité avec le calvaire. Les photomontages produits par les requérants, dont la pertinence n'est pas établie, alors même qu'ils entendent démontrer l'existence d'une visibilité partielle des éoliennes depuis certains emplacements de la place, d'ailleurs non précisés, ne sont pas de nature à établir que le projet porterait atteinte au caractère du lieu.

30. En troisième lieu, l'enceinte ecclésiale du Mont d'Auvet, inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, se situe à 1 800 mètres du projet. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la sensibilité de cet édifice a été prise en compte et a conditionné le choix de la configuration du parc et, d'autre part, que le risque majeur de covisibilité se circonscrit au point de sortie de l'enceinte végétale accompagnant le monument et concerne donc les abords qui sont impactés et non le monument en lui-même. L'impact visuel du projet sera donc faible au niveau de ce monument.

31. En quatrième et dernier lieu, l'église de Saint-Martin d'Achey se situe à environ 8 kilomètres du projet, soit à une distance à laquelle l'impact visuel des éoliennes perd de son influence. Il ressort des pièces du dossier que les perceptions visuelles seront limitées compte tenu de cette distance et de la configuration de la zone. L'impact visuel du projet sur ce monument sera donc également faible.

32. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'en délivrant le permis de construire attaqué, le préfet n'avait pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme :

33. Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ".

34. Les requérants font valoir que le projet en cause est de nature à porter atteinte aux chiroptères en raison de la proximité de l'étang de Theuley qui constitue un gîte majeur d'espèces protégées, telles que le Murin à oreilles échancrées et le grand Rinolphe. Il y a lieu toutefois d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme par adoption des motifs retenus à bon droit par les premier juges qui y ont suffisamment répondu.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

35. Si les requérants reconnaissent que le seuil réglementaire au-delà duquel il importe de prendre en considération le niveau d'émergence ne sera pas dépassé, ils soutiennent que des émergences pouvant atteindre 10 dB (a) en période nocturne par des vents de 5 ou 6 mètres par seconde sont de nature à provoquer des problèmes de santé pour les riverains. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, ils n'établissent pas la méconnaissance des normes réglementaires. Par ailleurs, et en tout état de cause, l'arrêté préfectoral autorisant l'exploitation impose à l'exploitant de pratiquer une auto-surveillance des niveaux sonores avec application d'actions correctives en cas de dépassement des niveaux réglementaires.

36. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel, que M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions aux fins d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la Sarl Parc éolien des Ecoulottes, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... et de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne une somme globale de 1 000 euros à verser à la société " Parc éolien des Ecoulottes " sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne est rejetée.

Article 2 : M. C...et l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne verseront à la Sarl " Parc éolien des Ecoulottes " une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Parc éolien des Ecoulottes.

Copie en sera adressée au préfet de Haute-Saône.

2

N° 17NC02808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02808
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Octroi du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc02808 ?
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