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03/07/2018 | FRANCE | N°17NC02594

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2018, 17NC02594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 10 février 2017 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 1701262 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30

octobre 2017 et 25 mai 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 10 février 2017 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 1701262 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 octobre 2017 et 25 mai 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 10 février 2017 prises à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas pris une décision distincte fixant le pays de destination ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. B... n'avait soulevé pour contester la décision fixant le pays de destination qu'un moyen tiré de l'illégalité interne. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été présenté pour M. B... et enregistré le 25 mai 2018.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les observations de Me C...pour M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2018, a été présentée par le préfet du Haut-Rhin.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant kosovar né le 29 aout 1970, est entré sur le territoire français le 17 septembre 2009. Il a bénéficié de titres de séjour en raison de son état de santé puis, pour motif humanitaire, du 28 février 2012 au 27 février 2016. A la suite de condamnations pénales, le préfet du Haut-Rhin a soumis sa demande de renouvellement d'un titre de séjour à la commission du titre de séjour qui a rendu un avis défavorable le 7 novembre 2016. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. M. B... relève appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 10 février 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique de manière précise et circonstanciée le parcours de M. B... et comporte les motifs de droit et de fait pour lesquels un refus de titre de séjour lui a été opposé. Elle est ainsi suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. B..., alors d'ailleurs que ce dernier ne justifie pas avoir porté à la connaissance du préfet, et notamment à l'appui de sa demande de titre de séjour, des éléments relatifs à son état de santé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet de trois condamnations pénales entre 2011 et 2014 notamment pour des faits graves de violences sur sa concubine et de conduite sous l'emprise de stupéfiants. Dès lors, le préfet du Haut-Rhin n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le séjour en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public, sans que l'intéressé puisse, à cet égard, utilement invoquer la circonstance qu'il bénéficie d'un suivi pour un état de dépendance aux stupéfiants depuis 2014. En outre, M. B... n'établit pas l'ancienneté de sa relation avec sa concubine et ne justifie pas être dépourvu de toute attache au Kosovo, pays dont il a soutenu devant la commission du titre de séjour, avoir la nationalité et où résident ses trois enfants. Il n'établit pas davantage et n'allègue même pas ne pas pouvoir bénéficier au Kosovo d'un suivi adapté à son addiction aux stupéfiants. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, et dès lors que la demande de renouvellement d'admission au séjour de M. B... ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas par des motifs exceptionnels, le moyen tiré de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour. L'arrêté en litige mentionne le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. B....

10. En troisième lieu, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, et en l'absence de tout autre élément invoqué par M. B..., les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 est inopérant à l'appui de la contestation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et doit dès lors être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. B... n'avait soulevé pour contester la décision fixant le pays de destination qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de cette décision. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, procède d'une cause juridique distincte, et constitue dès lors une demande nouvelle, qui est irrecevable en appel.

13. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté en litige a, par une décision distincte, fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si M. B...soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo, il n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir le caractère personnel, réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC02594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02594
Date de la décision : 03/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-03;17nc02594 ?
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