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17/05/2018 | FRANCE | N°17NC02951

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 mai 2018, 17NC02951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné son transfert aux autorités portugaises, ainsi que la décision du même jour par laquelle le même préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1703043 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2017, Mme D...C..., rep

résentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703043 du 21 novembre 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné son transfert aux autorités portugaises, ainsi que la décision du même jour par laquelle le même préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1703043 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2017, Mme D...C..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703043 du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler les décisions prises à son égard le 14 novembre 2017 par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de l'autoriser à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à séjourner sur le territoire français dans l'attente de sa réponse ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C...soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- la décision attaquée lui a été notifiée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne mentionne ni les dispositions applicables, ni les critères de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile ;

- elle n'a pas bénéficié des garanties prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'elle n'a pas été assistée par un interprète lors de son entretien individuel et qu'il n'est pas établi que l'agent qui l'a reçue était spécialement qualifié ;

- elle n'a pas reçu l'ensemble des informations visées à l'article 4 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et les informations qui lui ont été communiquées ne l'ont pas été dans sa langue maternelle ;

- elle n'a pas reçu, lors du relevé de ses empreintes digitales, dans une langue qu'elle comprend, l'ensemble des informations prévues par le § 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- aucun élément ne permet d'apprécier l'accord des autorités portugaises ;

- sa demande d'asile doit être conservée par les autorités françaises, ainsi que le prévoit le § 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 53-1 de la Constitution et l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision attaquée lui a été notifiée irrégulièrement dès lors qu'elle n'était pas assistée par un interprète ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les observations de MeB..., pour MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...C..., qui dit s'appeler également Brisilia Muibu et Mme A...et se déclare de nationalité angolaise tout en se réclamant de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement en France le 30 avril 2017. Le 12 juin suivant, elle a présenté une demande d'asile. L'examen de ses empreintes digitales, relevées le 19 juin 2017, par le truchement du fichier " Visabio " a révélé qu'elle disposait d'un passeport angolais en cours de validité et d'un visa, valable pour tous les Etats Schengen, délivré par les autorités portugaises sous l'identité de Mme D...C.... Les autorités portugaises ayant expressément accepté, le 17 août 2017, de la reprendre en charge, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par deux arrêtés du 14 novembre 2017, a ordonné son transfert vers le Portugal et l'a assignée à résidence pour une durée de quatorze jours.

2. Mme C...relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

3. En premier lieu, Mme C...reprend à l'identique, en appel, son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la décision. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 2 du jugement.

4. En deuxième lieu, les conditions dans lesquelles la décision a été notifiée sont sans incidence sur sa légalité qui s'apprécie à la date de son édiction.

5. En troisième lieu, en vertu du § 3 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et des § 2 et 3 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'intégralité des informations qui, en application des § 1 de chacun de ces articles, doivent être fournies aux personnes concernées dans une langue qu'elles comprennent ou dont on peut raisonnablement penser qu'elles la comprennent, figurent dans des brochures communes rédigées par la Commission.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est vu remettre, le 12 juin 2017, lors de son entretien individuel en préfecture, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", dont elle a signé les pages de garde. Il n'est pas contesté que ces brochures constituent les documents standardisés prévus par les règlements communautaires susmentionnés. Mme C...n'apporte aucun élément de nature à établir que les exemplaires qui lui ont été remis n'étaient pas complets. Par ailleurs, Mme C...a elle-même déclaré, lors de son entretien le 12 juin 2017, comprendre le français. Alors qu'elle n'a pas sollicité l'assistance d'un interprète pour cet entretien, que le résumé de l'entretien ne mentionne aucune difficulté de compréhension de la langue française et fait état de plusieurs informations personnelles qu'elle a été à même de fournir oralement, et qu'elle l'a signé sans réserve, Mme C...n'apporte aucun élément de nature à établir que sa maîtrise de la langue française serait, comme elle le prétend, insuffisante.

7. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu, dans une langue qu'elle comprend, l'ensemble des informations prévues par les articles 4 et 29 des règlements communautaires susmentionnés.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de Mme C...ont été relevées le 19 juin 2017. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'à cette date, elle disposait des informations prévues par le § 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 depuis une semaine.

9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a bénéficié, le 12 juin 2017, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui s'est déroulé en langue française. La circonstance qu'elle n'ait pas bénéficié de l'assistance d'un interprète ne saurait remettre en cause la régularité de cet entretien dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 6, elle a elle-même déclaré comprendre le français et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa maîtrise de cette langue serait insuffisante. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent ayant mené cet entretien n'était pas qualifié à cette fin et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., qui a été mise à même de présenter des observations sur sa situation, ainsi que le montre le résumé de l'entretien, ait été privée de la garantie que constitue cette formalité.

10. En sixième lieu, en se bornant à soutenir, sans autre précision, qu'" aucun élément ne permet d'apprécier l'accord des autorités portugaises ", Mme C...ne met pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé de son moyen.

11. En septième lieu, aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

12. Ni le suivi psychiatrique dont bénéficie Mme C...en France, ni son absence de lien alléguée avec le Portugal ne suffisent à faire regarder le préfet comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'examiner sa demande d'asile en France.

13. En huitième et dernier lieu, si Mme C...soutient que la décision attaquée méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit cette affirmation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

14. En premier lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 4, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'arrêté doit être écarté comme inopérant.

15. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet y énonce, de manière circonstanciée, les considérations de droit et de fait se rapportant à la situation personnelle de MmeC..., sur lesquelles il se fonde pour décider de l'assigner à résidence. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé.

16. En troisième lieu, il ressort des énonciations mêmes de l'arrêté que, contrairement à ce que soutient MmeC..., le préfet a procédé à un examen concret de sa situation personnelle.

17. En conclusion de tout ce qui précède, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 17NC02951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02951
Date de la décision : 17/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CABINET DULUCQ GUILLEMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-17;17nc02951 ?
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