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07/05/2018 | FRANCE | N°17NC00442

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 07 mai 2018, 17NC00442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite de refus du maire de la commune de Pierrefontaine-les­Varans de prendre les mesures de police qui s'imposent pour faire cesser les nuisances engendrées par l'activité de la société LMHD Big Mat et de condamner la commune à lui verser la somme de 20 000 euros assortie de l'intérêt légal courant à compter de la demande préalable d'indemnisation.

Par un jugement n° 1401816 du 23 décembre 2016, le tribunal

administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite de refus du maire de la commune de Pierrefontaine-les­Varans de prendre les mesures de police qui s'imposent pour faire cesser les nuisances engendrées par l'activité de la société LMHD Big Mat et de condamner la commune à lui verser la somme de 20 000 euros assortie de l'intérêt légal courant à compter de la demande préalable d'indemnisation.

Par un jugement n° 1401816 du 23 décembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 février 2017

et le 31 octobre 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement tribunal administratif de Besançon du 23 décembre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de refus du maire de la commune de Pierrefontaine-les­Varans de prendre les mesures de police qui s'imposent pour faire cesser les nuisances engendrées par l'activité de la société LMHD Big Mat ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Pierrefontaine-les-Varans de prendre toute mesure permettant de faire cesser ces nuisances ;

4°) de condamner la commune de Pierrefontaine-les-Varans à lui verser la somme de 20 000 euros assortie d'un intérêt légal courant à compter de sa liaison du contentieux ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Pierrefontaine-les-Varans la somme

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'il ressort du jugement attaqué que l'émergence sonore excède les limites définies par les dispositions de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique, c'est à tort que le tribunal a estimé que ces nuisances ne porteraient pas une atteinte excessive par leur fréquence, leur durée ou leur intensité, à la tranquillité publique ;

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée dès lors que le maire n'a pas pris en considération ses plaintes et n'a pas fait usage de ses pouvoirs de police en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- ses préjudices sont établis dès lors qu'il est contraint d'endurer des nuisances sonores considérables et que sa souffrance morale ne peut être contestée ;

- son préjudice devra être indemnisé à hauteur d'une somme de 5 000 euros par an compte tenu de l'intensité des nuisances sonores qu'il endure depuis ces nombreuses années dans la limite de la prescription quadriennale, soit 20 000 euros au total.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2017, la commune de Pierrefontaine-les-Varans, représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les nuisances sonores sont ponctuelles et limitées eu égard au faible nombre de déchargements de camions ;

- l'expertise acoustique ne prend pas en compte le correctif prévu à l'article R. 48-4 du code de la santé publique indispensable pour déterminer les émergences réelles et leurs conformités aux textes réglementaires et les mesures ont été réalisées du côté le plus proche de la société ;

- il n'est pas resté inactif et a consulté l'entreprise ;

- la société a été implantée avant celle de la maison d'habitation du requérant qui connaissait l'activité exercée ;

- le préjudice demandé n'est pas justifié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D...,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me Maurin, avocat de la commune de Pierrefontaine-les-Varans.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., propriétaire d'une maison d'habitation sise 3 rue Pavre sur le territoire de la commune de Pierrefontaine-les-Varans, se plaint des nuisances sonores occasionnées par l'activité de négoce de matériaux et de matériels de bricolage par la société LMHD Big Mat en particulier lors des déchargements de camions. Il a adressé le 31 juillet 2014 une demande tendant à ce que, d'une part, le maire prenne les mesures de police qui s'imposent pour mettre un terme à ces nuisances, et d'autre part à ce que la commune l'indemnise du préjudice subi du fait de la carence du maire à intervenir pour faire cesser ces nuisances. Par un courrier du 9 octobre 2014 la commune a, par le biais de son conseil, refusé de faire droit à la demande d'indemnisation. M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus du maire de prendre les mesures de police permettant de mettre un terme à ces nuisances et à la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la carence du maire à intervenir au titre de ses pouvoirs de police.

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique. ". Aux termes de l'article R. 1334-30 du code de la santé publique : " Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s'appliquent à tous les bruits de voisinage à l'exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent,(...). ". Aux termes de l'article R. 1334-31 du même code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé,(...)". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.(...) ". Aux termes de l'article R. 1334-33 du même code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : / 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ; / 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; / 3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ; / 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ; / 5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ; / 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ; / 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures ". Aux termes de l'article R. 1334-37 du même code : " Lorsqu'elle a constaté l'inobservation des dispositions prévues aux articles R. 1334-32 à R. 1334-36, l'autorité administrative compétente peut prendre une ou plusieurs des mesures prévues au II de l'article L. 571-17 du code de l'environnement, dans les conditions déterminées aux II et III du même article ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage : " Les mesurages de l'émergence globale et de l'émergence spectrale, mentionnées aux articles R. 1334-32 à R. 1334-34 du code de la santé publique, sont effectués selon les dispositions de la norme NF S 31010 relative à la caractérisation et au mesurage des bruits de l'environnement, modifiées et complétées par les dispositions du présent arrêté ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage : " Pour le mesurage de l'émergence spectrale mentionnée à l'article R. 1334-34 du code de la santé publique, l'indicateur acoustique à utiliser est l'émergence en niveau par bandes de fréquences de la méthode dite " d'expertise " de la norme NF S 31-010. Les mesurages sont réalisés à l'aide d'un sonomètre intégrateur homologué de classe 1 ou de classe 2 au sens de la norme NF EN 60804 ou NF EN 61672-1. Les prescriptions concernant l'appareillage de mesure, les conditions de mesurage, les conditions météorologiques et l'acquisition des données de la méthode dite de " contrôle " de la norme NF S 31-010 sont respectées ".

3. Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

4. Une expertise acoustique réalisée, à la demande de M.B..., par un bureau d'études acoustiques les 9 et 10 avril 2014, a conclu à une émergence de 15,3 dB (A) lors des déchargements de camions effectués dans la matinée du 9 avril 2014, à une émergence de 12 dB (A) lors des déchargements de camions effectués dans l'après-midi du 9 avril 2014, à une émergence de 12,2 dB (A) lors des déchargements de camions et les opérations de manutention effectués dans la matinée du 10 avril 2014 et à une émergence de 11,1 dB (A) lors des déchargements de camions et les opérations de manutention effectués dans l'après-midi du 10 avril 2014. Contrairement à ce que soutient la commune, cette étude a été réalisée conformément à la norme NF S 31-010 en vigueur et les valeurs limites de l'émergence sont toujours dépassées même après l'application du correctif prévu à l'article R. 1334-33 du code de la santé publique.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des relevés acoustiques produits aux débats, que les nuisances, notamment sonores, engendrées par le déchargement de plusieurs camions par jour et les activités de manutention durant les horaires d'ouverture de l'entreprise, du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 12 h et de 13 h 30 à 18 h et le samedi matin, auxquelles est exposé

M.B..., en sa qualité de voisin immédiat de l'entreprise LMHD Big Mat, porte une atteinte excessive par leur fréquence, leur durée et leur intensité, à la tranquillité publique. Le maire ne justifie pas, par les seules pièces versées au dossier, être intervenu pour faire cesser ou réduire les nuisances constatées par l'expertise acoustique.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du maire de la commune de Pierrefontaine-les-Varans de prendre les mesures de police permettant de faire cesser ces nuisances.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Il résulte de l'instruction que M. B...a saisi le maire de la commune d'une réclamation du 31 juillet 2014 concernant les nuisances sonores provoquées par l'activité de l'entreprise LMHD Big Mat. Le refus illégal du maire de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police municipale est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

8. Si M. B...soutient endurer ces nuisances sonores depuis de nombreuses années, il n'établit pas avoir demandé au maire de faire usage de ses pouvoirs de police par le passé. Il est par ailleurs constant que M. B...a fait édifier sa maison individuelle à proximité immédiate des installations de l'entreprise qui exploitait cette même activité. Il sera fait une juste application de son préjudice moral en lui accordant une indemnité de 4 000 euros.

Sur les intérêts :

9. M. B...a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 4 000 euros à compter du 9 août 2014, date de réception de sa demande par la commune de Pierrefontaine-les-Varans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard à ses motifs le présent arrêt implique nécessairement que le maire de Pierrefontaine-les-Varans mette en oeuvre ses pouvoirs de police en vue de limiter les nuisances sonores occasionnées par l'entreprise LMHD Big Mat dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pierrefontaine-les-Varans le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1401816 du 23 décembre 2016 du tribunal administratif de Besançon et la décision du maire de Pierrefontaine-les-Varans sont annulés.

Article 2 : La commune de Pierrefontaine-les-Varans est condamnée à verser à M. B...la somme de 4 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2014.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Pierrefontaine-les-Varans de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police en vue de limiter les nuisances sonores occasionnées par l'entreprise LMHD Big Mat dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de Pierrefontaine-les-Varans versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Pierrefontaine-les-Varans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la commune de Pierrefontaine-les-Varans.

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N° 17NC00442


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-02 Police. Police générale. Tranquillité publique.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 07/05/2018
Date de l'import : 22/05/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC00442
Numéro NOR : CETATEXT000036904546 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-07;17nc00442 ?
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