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02/06/2015 | FRANCE | N°14NC00030

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 14NC00030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Keolis Vesoul a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'État à réparer le préjudice qu'elle a subi à hauteur de 178 882,85 euros au titre des préjudices financier et moral résultant de l'illégalité de la décision en date du 24 novembre 2004 autorisant le licenciement de M.A..., avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2012, date de réception de la demande indemnitaire.

Par un jugement n° 1200812 du 12 novembre 2013, le tribunal administratif de Bes

ançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Keolis Vesoul a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'État à réparer le préjudice qu'elle a subi à hauteur de 178 882,85 euros au titre des préjudices financier et moral résultant de l'illégalité de la décision en date du 24 novembre 2004 autorisant le licenciement de M.A..., avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2012, date de réception de la demande indemnitaire.

Par un jugement n° 1200812 du 12 novembre 2013, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2014 et un mémoire enregistré le 7 mai 2015, la société Keolis Vesoul, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2013 ;

2°) de condamner l'État à réparer le préjudice qu'elle a subi à hauteur de la somme de 162 641,69 euros au titre du préjudice financier et de 16 241,16 euros au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2012, date de réception de la demande indemnitaire ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à verser ces sommes à la communauté d'agglomération de Vesoul ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Etat a commis une faute lors de la procédure d'autorisation de licenciement de M.A..., liée à l'absence de caractère contradictoire de la procédure et seul l'inspecteur du travail des transports est à l'origine de cette faute ;

- elle a subi un préjudice financier, résultant de la condamnation par le conseil de prud'hommes de Vesoul du 4 mai 2011 ainsi que des frais de conseil qu'elle a engagés et dont elle justifie ;

- elle a subi un préjudice moral, la presse ayant fait état de cette condamnation ce qui a porté une atteinte grave à sa réputation ;

- la convention conclue avec la communauté d'agglomération de Vesoul lui impose de reverser à cette dernière les indemnités qu'elle percevra.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser la somme de 178 882,85 euros à la communauté de communes de l'agglomération de Vesoul ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Keolis Vesoul.

1. Considérant que par une décision du 24 novembre 2004 l'inspecteur du travail des transports a autorisé le licenciement de M.A..., chef de centre de la société Urbest Vesoul chargée des transports urbains de la ville de Vesoul et délégué du personnel, décision implicitement confirmée par le ministre chargé du travail ; que le licenciement de M. A...a alors été prononcé le 29 novembre 2004 ; que, par un arrêt du 11 mai 2009, la cour a annulé, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Besançon qui avait rejeté la demande présentée par M. A... et, d'autre part, les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail, pour méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête réalisée par l'inspecteur du travail ; que la société Keolis Vesoul, qui vient aux droits de la société Urbest Vesoul, relève appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 178 882,85 euros en réparation du préjudice financier et du préjudice moral résultant de l'illégalité des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail ;

Sur les conclusions principales de la société Keolis Vesoul :

2. Considérant qu'en application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'autorité administrative ; que l'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, quelle que puisse être, par ailleurs, la responsabilité encourue par l'employeur ; que ce dernier est ainsi en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de ladite décision illégale ;

En ce qui concerne le préjudice matériel :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision autorisant le licenciement de M. A... ayant été annulée par le juge administratif, en application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail qui prévoient que : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ", la société Keolis Vesoul a été condamnée par le conseil de prud'hommes à verser à M. A...la somme de 101 718,21 euros, ainsi que 44 611,27 euros correspondant au règlement des cotisations patronales afférentes à cette indemnité ; que le paiement de ces sommes est la conséquence directe de l'illégalité de la décision administrative du 24 novembre 2004 autorisant le licenciement de M. A...;

4. Considérant toutefois que la société Keolis Vesoul a conclu, le 5 avril 2012, une convention avec la communauté d'agglomération de Vesoul en vue de définir les modalités de règlement des contentieux résultant de la procédure de licenciement de M.A... ;

5. Considérant, d'une part, que si, aux termes du dernier alinéa de l'article 2 de la convention, " Keolis s'engage, en cas de succès, à restituer sans délai à la CCAV l'intégralité des sommes qu'elle pourrait percevoir au titre des contentieux en cours ", l'article 3 de cette convention stipule que " La CCAV prend à sa charge tous les frais de la défense assurée par Keolis dans le cadre des contentieux engagés à son encontre par M.A.... Le remboursement des sommes avancées par Keolis est fait sur production des justificatifs. La CCAV reconnait qu'elle doit reverser à Keolis la somme de 146 329,28 euros en vertu du jugement du conseil de prud'hommes du 4 mai 2011 et s'engage à régler cette somme " ; qu'il résulte de ces termes mêmes que l'engagement de la collectivité publique est ferme et définitif et que la société Keolis Vesoul n'aura pas à supporter la charge finale de ces condamnations, ni des frais exposés en vue de sa défense ; que, par suite, le préjudice dont la société requérante demande la réparation a déjà été réparé par la CCAV et cette société n'est donc pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 146 329,48 euros, qu'elle a été condamnée à payer par le conseil de prud'hommes de Vesoul, ni celle de 9 673,39 euros correspondant à ses frais de représentation en justice effectivement supportés à l'occasion de la première procédure de licenciement de M.A... ;

6. Considérant par ailleurs qu'il résulte de l'instruction que le surplus des frais de représentation en justice dont la société requérante demande à être indemnisée, soit la somme de 6 638,82 euros, correspond à des honoraires d'avocat relatifs à la seconde procédure de licenciement de M. A... qu'elle a introduite le 4 juin 2009 et aux recours hiérarchique et contentieux qui s'en sont suivi, honoraires qui ne sont pas directement liés à l'illégalité résultant de la décision administrative du 24 novembre 2004 autorisant le licenciement de l'intéressé ;

7. Considérant, d'autre part, que si la société Keolis Vesoul soutient que la convention susmentionnée l'oblige à engager la présente procédure indemnitaire, puis à reverser le montant d'éventuelles indemnités à la CCAV, dès lors que l'article 2 de cette convention la contraint " à poursuivre les voies de recours nécessaires à la reconnaissance judiciaire du bienfondé du licenciement de M. A...et à effectuer toutes les démarches nécessaires ", il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Besançon que la société requérante n'avait saisi le tribunal administratif que de conclusions tendant à l'indemnisation de son propre préjudice et n'a pas entendu agir au nom et pour le compte de la CCAV ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que la société Keolis Vesoul ne justifie d'aucun préjudice matériel propre résultant de la décision du 24 novembre 2004 qui n'ait déjà été pris en charge par la CCAV ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

9. Considérant que la société requérante demande l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait d'articles de presse portant atteinte à sa réputation ; que toutefois, outre que le préjudice moral dont elle fait état n'est pas établi par le seul article de presse produit, qui rappelle le motif de la condamnation de la société Keolis Vesoul par le conseil de prud'hommes et insiste surtout sur le fait que la charge financière de cette condamnation incombera à la communauté d'agglomération de Vesoul, la parution de cet article, sous la seule responsabilité de son auteur, n'est pas la conséquence directe de l'illégalité des décisions administratives annulées par la cour le 11 mai 2009 ;

Sur les conclusions subsidiaires présentées par la société Keolis Vesoul :

10. Considérant que la société Keolis Vesoul demande, à titre subsidiaire, que l'Etat soit condamné à verser les sommes de 162 641,69 euros au titre du préjudice financier et de 16 241,16 euros au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2012, date de réception de la demande indemnitaire, directement à la CCAV, dont elle soutient être la mandataire au terme d'une convention conclue le 5 avril 2012 ;

11. Considérant que ces conclusions, dont n'avaient pas été saisis les premiers juges, ne peuvent qu'être rejetées comme nouvelles en appel ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Keolis Vesoul n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É CI D E :

Article 1er : La requête de la société Keolis Vesoul est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Keolis Vesoul et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N°14NC00030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00030
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-02;14nc00030 ?
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