La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2015 | FRANCE | N°14NC00716

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 03 mars 2015, 14NC00716


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée pour la SA Madina, dont le siège est route de Herrlisheim à Gambsheim (67760), représentée par son représentant légal en exercice, par Me A...de la SELAS Fidal, cabinets d'avocats ;

La SA Madina demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1202721,1202741 du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la contribution pour une pêche durable qu'elle a acquittée, d'une part, au titre de la période du 1er mai 2010 au 30 novembre 2010 po

ur un montant de 16 659 euros, et, d'autre part, au titre de la période du 1er...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée pour la SA Madina, dont le siège est route de Herrlisheim à Gambsheim (67760), représentée par son représentant légal en exercice, par Me A...de la SELAS Fidal, cabinets d'avocats ;

La SA Madina demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1202721,1202741 du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la contribution pour une pêche durable qu'elle a acquittée, d'une part, au titre de la période du 1er mai 2010 au 30 novembre 2010 pour un montant de 16 659 euros, et, d'autre part, au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010 pour un montant de 43 857 euros ;

2°) de prononcer la décharge des sommes susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 302 bis KF du code général des impôts, instituées par l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2007 n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, instaurant la contribution pour une pêche durable, ont été édictées en méconnaissance de l'obligation prévue par l'article 88 § 3 du traité instituant la Communauté européenne (CE) ; que, d'une part, l'exonération de certaines entreprises et de certains produits constitue une aide d'État ; que, d'autre part, cette imposition fait partie intégrante du régime d'aide en faveur de la pêche prévu dans le cadre du " plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable " proposé à la fin de l'année 2007, eu égard à l'existence d'un lien réel d'affectation contraignant entre ce régime d'aide et cette contribution, comme le montrent les prises de position des autorités françaises ; que ce régime aurait dû être préalablement notifié à la Commission européenne ; que le recours à cet artifice budgétaire contrevient directement au principe de coopération loyale prévu à l'article 10 du traité CE ; que la contribution pour une pêche durable est incompatible avec l'article 90 du traité CE, constituant une imposition intérieure discriminatoire dès lors qu'elle est majoritairement assise sur des produits provenant d'autres États membres ou d'États tiers, alors que ses recettes bénéficient exclusivement aux producteurs nationaux ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'argument selon lequel la taxe poisson est une imposition intérieure discriminatoire dès lors qu'elle pèse plus lourdement sur les produits importés que sur les produits nationaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :

- le rapport M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA Madina relève appel du jugement en date du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la contribution pour une pêche durable qu'elle a acquittée, d'une part, au titre de la période du 1er mai 2010 au 30 novembre 2010 pour un montant de 16 659 euros, et, d'autre part, au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010 pour un montant de 43 857 euros ;

2. Considérant, en premier lieu, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments exposés par le contribuable à l'appui des moyens de sa requête, a suffisamment exposé au considérant 9 du jugement attaqué les motifs le conduisant à écarter le moyen tiré par la SA Madina de la méconnaissance de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, alors applicable, devenu l'article 107 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, alors applicable, devenu l'article 108 du TFUE : " 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, s'il relève de la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

4. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité concernant les aides d'État, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KF du code général des impôts, applicable du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, instituant une contribution pour une pêche durable : " Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s'applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l'article 302 septies A. / Le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe " ;

6. Considérant qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant des dispositions de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'État pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 2 et le quatrième alinéa de l'article 6 ;

7. Considérant qu'eu égard à ce principe et aux dispositions précitées de l'article 302 bis KF du code général des impôts, il n'existait aucun lien d'affectation contraignant entre cette contribution et le plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable ou une mesure de ce plan ; que cette contribution constituait une recette du budget général dépourvue de tout lien avec le budget du ministère en charge de la pêche et la dotation inscrite à son budget servant à financer le plan d'action pour une pêche durable ; qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existait aucun rapport entre le produit de la contribution et le montant des financements publics consacrés à ce plan ; qu'ainsi, la contribution pour une pêche durable n'entrait pas dans le champ d'application des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les autorités françaises, des obligations prévues par la première et la dernière phrases précitées du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'État illégale pour se soustraire au paiement de cette taxe ou pour en obtenir la restitution, dès lors qu'aucun lien d'affectation contraignant n'existe entre une taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur de certains contribuables ; que, par suite, à supposer même que l'exonération fiscale en cause constitue une mesure d'aide au sens du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne, cette circonstance n'est pas de nature à affecter l'appréciation de la validité de la contribution pour une pêche durable au regard des articles 87 et 88 de ce traité ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la requérante ne peut pas utilement se prévaloir du principe de coopération loyale entre les États membres affirmé à l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne, et repris au paragraphe 3 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, qui, par lui-même, est dépourvu d'effet direct ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 110 du TFUE : " Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions " ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée d'imposition intérieure discriminatoire interdite par ces dispositions, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit de produits nationaux similaires ou d'autres productions nationales ; que la contribution pour une pêche durable ayant été, ainsi qu'il a été exposé précédemment, affectée au budget général de l'État, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, le moyen tiré de ce qu'elle constituerait une imposition intérieure discriminatoire ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Madina n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Madina est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Madina et au ministre des finances et des comptes publics.

''

''

''

''

2

N° 14NC00716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00716
Date de la décision : 03/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Droit de la concurrence - Règles applicables aux États (aides).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL SCHILTIGHEIM

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-03;14nc00716 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award